Voyage en Papouasie Occidentale et retour en Indonésie

3

Publié par Froggy | Classé dans Asie, Océanie | Publié le 21-10-2015

Mots-clefs :, , , , , , ,

1) Introduction : Arrivée terrestre en Papouasie Occidentale

A peine quelques dizaines de mètres après avoir traversé la frontière depuis la Papouasie-Nouvelle-Guinée et c’est bien dans un autre pays que je me trouve maintenant. Les visages commencent à changer, les traits se font plus asiatiques pour certains. Les bâtiments se « modernisent » , le bois et la chaume laissant place au béton et à la tôle ondulée. Me voici en Papouasie indonésienne.

Un petit marché indonésien propose des centaines de produits industriels (nourriture, biscuits, gâteaux, boissons, jouets, électronique, vêtements, etc.) à très bas prix, dont la plupart ne sont pas disponibles en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les Papous de Vanimo vivant juste derrière la frontière viennent donc souvent s’approvisionner ici. Je suis surpris par la différence de prix (beaucoup plus bas ici, coté indonésien) et choqué de découvrir cette abondance de babioles de plastique et d’électronique qui finiront très certainement au fond d’une rivière ou d’une forêt lorsqu’ils ne fonctionneront plus ou que les gens n’en auront plus besoin. Vision affligeante de la civilisation moderne et de sa production industrielle folle. Vision effrayante du choc des cultures.

Toujours accompagné de Peter, un Papou de PNG avec qui j’ai pris le bus depuis Vanimo, je poursuis ma route jusqu’à Jayapura où il m’invitera alors à passer la nuit et à dîner en compagnie de sa femme papou-indonésienne.

–> Si vous voulez reprendre l’histoire là où elle s’était terminée, cliquez ici !

–> Je ne peux que vous conseiller aussi de jeter un œil au tout dernier article pour en apprendre un peu plus sur l’histoire et le conflit actuel qui fait rage en Papouasie Occidentale: « La colonisation oubliée de la Papouasie Occidentale »

(Suite à une succession de problèmes informatiques et un vol de matériel -beaucoup plus tard en Europe- j’ai perdu presque toutes mes photos sur cette période du voyage… Seules quelques unes ont pu être récupérées…)

.

2) Jayapura : Famille d’accueil et apprentissage d’une nouvelle langue

Une première nuit passée avec Peter dans le quartier de Santani, puis je rejoints le centre ville de Jayapura pour y retrouver mon contact laissé par Mama Root de Vanimo. Ses trois fils Stanley, Johnatan et Jojo m’y attendent.

Ils habitent avec des oncles, des tantes, des cousins, des sœurs, au bord de la mer dans les quartiers modestes, maison de bois construite à moitié sur la terre ferme, à moitié sur l’eau, sur pilotis, entourée de nombreuses maisons similaires reliées entres elles par des petites passerelles brinquebalantes surplombant l’écume et les déchets amenés par la marée. On installe mon « lit » à même le sol du salon, sur le lino, une simple couverture en guise de matelas, comme le reste de la famille ! Nous sommes au lieu-dit « Dok Sembilan » (dok. 9), un quartier de « banlieue » de Jayapura.

Je suis bien accueilli par les Papous de l’Ouest qui, tout comme leurs confrères de PNG, n’ont pas tellement l’habitude de croiser des « Blancs » et encore moins de discuter ou de passer du temps avec eux. Les membres de la famille Fonataba me reçoivent dans leur modeste demeure le temps pour moi de trouver une place à bord du prochain ferry pour quitter la ville. (La province de Papouasie Occidentale étant peu développée, il n’y a presque aucune infrastructure routière, les déplacements côtiers se font par bateau).

Personne dans la famille ne parle anglais, à part Stanley et Jonathan qui sont originaires de Papouasie-Nouvelle-Guinée et qui parlent donc aussi le pidgin ! En ville, c’est pareil, presque personne ne parle anglais, les gens m’abordent avec le sourire, curieux, ils entament même souvent la discution avec moi mais toujours en indonésien ! Quel choc après ces 2 derniers mois en PNG où la plupart des Papous étaient capables de communiquer en anglais ! Je suis un peu déboussolé au début…

Mais qu’à cela ne tienne ! J’ai déjà appris et perfectionné mon anglais en Australie, j’ai pu comprendre les rudiments du pidgin en PNG, je suis bien décidé maintenant à apprendre quelques mots de « bahasa indonesia », la langue indonésienne. D’autant plus que je compte bien passer au moins 3 mois dans le pays !

Je commence alors à découvrir la langue au sein de ma famille d’accueil, Stanley et Jonathan me donnent les bases, quelques dizaines de mots indonésiens accompagnés de leurs équivalents en anglais, que je retranscris avec soin dans mon petit carnet de note qui deviendra bientôt un « dictionnaire » personnel. J’apprendrai les chiffres et les nombres en seulement une après-midi, jouant aux cartes avec les frères et sœurs Fonataba, répétant le chiffre correspondant à la carte chaque fois que celle ci apparaît dans le jeu. Une méthode ludique, plaisante et efficace ! Tout l’inverse de mes souvenirs des cours de langues au collège.

Puis, durant les jours suivant, mes 2 camarades anglophones n’étant pas souvent à la maison, car partis étudier à l’université de Jayapura, je me retrouve seul avec le reste de la famille qui ne parle que l’indonésien. Je me rend compte qu’ils sont bien décidés à me faire apprendre la langue afin qu’on puisse se comprendre un minimum, surtout Mama Feniké qui est un peu la « maman » de toute cette famille ! Elle passera du temps à me répéter des phrases en appuyant son articulation tout en essayant de me faire comprendre par des gestes leur signification, le tout sans jamais perdre patience !

Au bout d’une semaine, j’ai déjà mémorisé une cinquantaine de mots que j’arrive à associer les uns aux autres pour former des phrases simples. Quel bonheur de voir s’ouvrir à moi cette fenêtre donnant tout droit sur la culture indonésienne ! Je me souviendrai toujours de ma toute première «discussion» en indonésien, avec le garagiste du coin, Domingus, qui m’invita un jour à boire le thé dans son petit atelier, à qui j’ai raconté mon voyage et parlé de ma famille en France, répondant alors à ses nombreuses questions. Je ne comprenais pas tout ce qu’il disait, évidemment, mais le plus dur était fait, j’avais osé franchir le pas, sans peur et sans appréhension ! Quelle fierté alors, pour un « mauvais élève » comme moi, d’arriver à progresser si rapidement ! Mais surtout quel sentiment de liberté époustouflant que de pouvoir communiquer dans une nouvelle langue, dans la langue du pays où l’on se trouve !

Je n’ai que peu de mérite car le Bahasa Indonesia est une langue vraiment facile à aborder, surtout du point de vue de la prononciation. Aussi, l’alphabet est le même que le notre, contrairement à la plupart des autres langues asiatiques, ce qui facilite énormément le travail d’apprentissage…

.

groupe_plage.

A cause de mauvaises informations sur les horaires de ferrys, je rate ma première opportunité de quitter la ville au bout d’une semaine, et je découvre alors qu’il me faudra attendre une semaine de plus pour embarquer à bord du prochain bateau… Au lieu des quelques jours prévus initialement, c’est finalement 2 semaines que je vais passer à Jayapura dans ma famille d’accueil. Heureusement, je m’y plais bien et l’entente est bonne avec mes hôtes. De plus cela me laisse du temps libre pour travailler mon indonésien, pour faire des ballades, profiter de la plage et de la baignade, jouer aux cartes, mais aussi pour écrire et consulter mes e-mails au cybercafé du coin après plus de 2 mois sans connexion internet.

En plus du choc et du dépaysement d’habiter à nouveau en ville, pour ne pas dire dans une grande ville surpeuplée, mon arrivée en Indonésie, pays musulman avec ses nombreuses mosquées et ses appels à la prière réguliers, me déconnecte intégralement de mon expérience en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Même si la population locale est encore majoritairement chrétienne (les Papous natifs) face aux musulmans que sont les « colons » indonésiens en Papouasie Occidentale.

Mon retour en Indonésie rime aussi avec changement de régime alimentaire. Depuis le temps que j’attendais ça ! Je me régale à nouveau avec la nourriture, elle est délicieuse, variée, et bon marché ! Nasi goreng, mi goreng, ikan bakar, bakso, gado-gado… autant de spécialités indonésiennes qui m’apparaissent d’autant plus raffinées que je sors tout juste de 2 mois de régime alimentaire rudimentaire chez les Papous de PNG.

.

stanley_fb1.

beril_fatubun_8_groupe

.

Après 2 semaines passées dans ma famille d’accueil papou-indonésienne, j’arrive enfin à obtenir une place à bord du ferry et je quitterai donc Jayapura ce samedi 16 Novembre vers 5h00 du matin, après toute une nuit d’attente sur le quai au milieu de centaines d’autres passagers… Une partie du clan Fonataba a voulu rester avec moi pour s’assurer que tout aille bien et me tiendra compagnie jusqu’à l’arrivée du bateau.

Ma prochaine destination, c’est Nabiré, petite ville de Papouasie indonésienne où je vais faire escale pendant une semaine pour rendre visite à Tedy, un ami indonésien rencontré 2 ans plutôt.

.

ferry_terminal_jayapura
La baie de Jayapura où accostera mon ferry dans quelques heures…

.

Je dis au revoir à mes hôtes les uns après les autres : Jonathan, Stanley, Jojo, Herdy, Israel, Nofel, Fransiska, Nesia, Mama Roy, Mama Feniké… tous les membres de la famille Fonataba qui commençaient même sur la fin à m’appeler « Julian Fonataba » et qui trouvaient que ça sonnait plutôt bien ! Grâce à leur hospitalité j’ai passé 2 semaines formidables à Jayapura et je leurs dois mes premiers balbutiements en indonésien !

A bord du gigantesque ferry (le KM.NGGAPULU) je retrouve mes marques doucement, je m’installe dans le dortoir que l’on m’a indiqué en entrant et fais alors connaissance avec mon voisin de lit : Jimmy, qui parle un peu anglais, accompagné de sa chorale religieuse parcourant l’Indonésie pour chanter dans les églises. Une trentaine de personnes qui mettrons de l’animation dans le dortoir toute la journée et toute la nuit durant, chantant sur des accords de guitare, dans une ambiance chaleureuse et festive. Je me sentirai alors beaucoup moins seul sur ce grand bateau, submergé par la musique, les rires et les danses.

.

3) Nabiré : Première escale, retrouvailles avec Tedy

J’arrive à Nabiré le lendemain en fin d’après-midi, après 35 heures de bateau. Mon ami Tedy m’attend sur le quai, qu’il appelle « Samabusah ». Nous avions pris rendez-vous depuis quelques mois déjà et il ne me restait plus qu’à lui préciser le jour exact de mon arrivée, ce que je m’étais empressé de faire en quittant Jayapura. Nous voilà réunis à nouveau après 2 années ! J’avais rencontré Tedy lors de mon premier passage en Indonésie en 2011, alors que nous voyagions sur le même ferry : le KM. Dobonsolo ! Que de souvenirs !

Si vous souhaitez (re)voir cet ancien article, c’est ici :
« 7 jours à bord d’un ferry en Indonésie… Direction la Papouasie ! »

Les retrouvailles aujourd’hui sont magnifiques ! Nous ne nous attardons pas trop sur le quai rempli de centaines de passagers en transit, Tedy m’emmène à moto vers la ville située à une vingtaine de kilomètres du port.
.

P1180140 [600x450 (tdm_blog)]

.

P1180144 [600x450 (tdm_blog)].

Tedy travaille au port, il est garde-côte. Mais il travaille essentiellement dans les bureaux et son boulot semble bien l’ennuyer. Il effectue aussi des contrôles de marchandises pour vérifier que rien d’illégal ne transite en trop grande quantité sur les ferrys de la PELNI, la compagnie nationale de transports maritimes.

Sa copine vivant à l’autre bout de l’Indonésie sur l’ile de Java, Tedy vit actuellement avec ses parents à Nabiré dans la belle maison familiale. Son maigre salaire ne lui permettant pas encore d’avoir un logement à lui.

C’est donc chez ses parents que je serrai accueilli pendant une semaine. Et pour la première fois depuis des lustres je dors dans un « vrai » lit à l’occidentale, un bon lit avec un gros matelas bien épais, confortable, et parfaitement au calme dans la chambre d’ami. J’ai même droit à ma propre sale de bain avec douche « à l’occidentale » et même… de l’eau chaude ! (alors que j’étais plus habitué à me laver n’importe où avec un simple seau rempli d’eau froide depuis quelques semaines, voire quelques mois!)

Tedy me présente à son groupe d’amis avec qui nous passerons quelques bonnes soirées. Les ballades en ville et autres virées en voiture dans la cmapagne occuperont une partie de nos journées. La plage de Nabiré « Pantai Nabire » est malheureusement très sale, couverte de déchets, l’envie ne nous prendra pas de nous y baigner… Les Indonésiens, comme les habitants du reste de l’Asie, manquent cruellement d’éducation et de moyens en matière de respect de l’environnement. Il n’y a qu’à voir, même dans les grandes villes il n’y a aucune poubelle ! Triste spectacle que ces plages et ces rivières couvertes de déchets industriels, de plastique… Saloperie de plastique !

Lorsque je me ballade en ville je remarque que les indonésiens sortent parfois leurs téléphones portables pour me prendre en photo, de loin et plus ou moins discrètement ! Tedy m’explique que les gens ici ne sont pas habitués à voir des Occidentaux et que chaque Blanc qui passe est donc un sujet à spectacle ! Les jeunes ayant tous un téléphone portable « dernier cri », il n’y a plus qu’à le sortir de la poche, appuyer sur le bouton, et partager sur Facebook ! Facebook et autres applications mobiles et gadgets dont les jeunes raffolent ici, comme ailleurs.

.

P1180146 [600x450 (tdm_blog)].

P1180145 [600x450 (tdm_blog)].

Je profite de mon temps libre à Nabiré et des quelques services « modernes » disponibles en ville, pour faire imprimer des dizaines de photos de Papouasie-Nouvelle-Guinée afin de les envoyer par courrier postal à mes amis Papous de l’Est : Un courrier pour mes chers camarades de Daru, un autre pour l’équipage du remorqueur qui m’avait pris « en stop » sur la rivière Bamu, un troisième pour mon ami Simon qui m’escorta une semaine durant à travers la jungle, et enfin un courrier pour mes amis de Wewak avec qui j’ai passé presque 3 semaines à la fin de mon séjour en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
N’ayant pas d’accès internet, pas d’ordinateur, c’est le seul moyen pour eux de garder un souvenir des moments passés ensemble. En attendant de retourner les voir un jour, c’est bien le minimum que je puisse faire pour eux. (Pour revoir l’article de conclusion sur la Papouasie-Nouvelle-Guinée, c’est par ici !)

.

P1180148 [600x450 (tdm_blog)]
Passage chez le coiffeur ! Devant la maison de Bagio (à droite), un ami de Tedy (à gauche), coiffeur à ses heures perdues.

.

P1180157 [600x450 (tdm_blog)]
Une pouponnière de cocotiers !

.

P1180147 [600x450 (tdm_blog)]
Un plat typique indonésien, plat de tous les jours, simple et savoureux. Celui-ci est cuisiné par la maman de Tedy. Du poisson grillé accompagné de l’irremplacable riz blanc, de quelques légumes et surtout d’une délicieuse pâte de piment appelée « sambal »

.

P1180160 [600x450 (tdm_blog)]
En Papouasie, on mange aussi de la chauve-souris ! (Mais moins souvent quand même)… Ce matin j’achète ma chauve-souris sur un petit marché de village et c’est l’un des amis de Tedy qui s’occupera de la cuisiner.

.

P1180163 [600x450 (tdm_blog)]
Une fois découpée en petits morceaux, ça ne ressemble plus à grand chose. Mais c’est délicieux, très épicé, et un peu caoutchouteux au niveau des ailes ! Toujours accompagné de piments frais !

.

A la fin de la semaine Tedy organise une sortie en zodiac avec ses amis et collègues pour rejoindre une minuscule île déserte située à une heure de bateau au large de Nabiré. Sur le trajet, l’océan est si clair, si calme, qu’on peut voir à plusieurs dizaines de mètres sous l’eau. On peut alors y apercevoir d’innombrables poissons et parfois des bancs entiers de millions de méduses, voguant en rythme avec les flots marins. Des centaines de poissons volant nous croisent aussi dans toutes les directions et à toute vitesse, j’arrive même à les observer de très prêt lorsqu’ils « volent » à coté du bateau, à quelques centimètres au dessus de la surface de l’eau. C’est magnifique, absolument magique et indescriptible.

Le tour de l’île à pieds en longeant les plages prend environ une demi-heure, mais l’intérieur de l’île est très peu accessible à cause de la végétation dense et de l’absence de sentier. On peux encore apercevoir sur l’une des plages les vestiges d’un ancien resort, quelques cabanons en bois démolis par le temps, datant d’une époque où l’île connu un début de développement touristique. Il n’y a maintenant plus âme qui vive.

La pêche au harpon dans les eaux peu profondes bordant la plage nous rapporte en peu de temps une quantité phénoménale de poissons tous plus gros et colorés les uns que les autres. Poissons et autres calamars que nous ferons ensuite cuire au feu de bois sous la voûte étoilée du ciel nocturne. L’eau est aussi chaude et délicieusement agréable que l’air ambiant et nous pouvons y entrer et en sortir à volonté, nageant parmi des millions de minuscules organismes fluorescents blanc-bleu flottant entre deux eaux.

Quant la nuit commence à tomber alors ces millions de microscopiques méduses s’illuminent d’un bleu électrique et la lumière rempli l’océan comme dans un rêve, comme dans un conte ou comme dans l’une des scènes de « Life of Pi » pour ceux qui ont vu le film. Magique.

Nous passons la nuit à la belle étoile sur cette petite île paradisiaque, comblés par l’abondance de poisson frais et fortement enivrés par l’alcool de sagou artisanal que les gens appellent ici « bobo ».

Retour à Nabiré le lendemain à bord du même zodiac et voilà déjà la fin d’une bonne semaine de remise en forme physique et psychologique en compagnie de Tedy, de ses parents et de ses amis Sino, Bagio, et bien d’autres.

Avant de partir j’achèterai à Tedy quelques vêtement neufs afin de remplacer mes vielles guenilles usées d’Australie… Sa maman est bien triste de me voir partir et son papa insistera pour m’offrir le billet de mon prochain ferry pour Makassar, ainsi qu’un vêtement traditionel de l’île de Flores d’où il est originaire…

Au revoir Tedy, à la prochaine ! Sampai jumpa !

.

P1180165 [600x450 (tdm_blog)]

.

4) Quitter la Papouasie : Une déchirure, un nouveau départ…

Le 23 Novembre j’embarque à bord du ferry KM. LABOBAR à destination de Makassar sur l’ile de Sulawesi. Par chance je ne me retrouve pas tout seul, un ami de Tedy se trouve aussi à bord : Anton. Il va lui aussi à Makassar. Les gars s’arrangent au dernier moment pour me réserver la couchette juste à coté d’Anton dans le dortoir, et tout le monde est plus rassuré que je ne sois pas seul pour effectuer ce voyage de quatre jours, mais moi je m’en fiche pas mal, j’ai déjà l’habitude des ferrys et je me sens comme chez moi sur le bateau !

De nombreuses rencontres viendront rythmer mes journées à bord du KM. LABOBAR. Nous sommes environ 2000 personnes à bord, dont un Français (moi-même), 4 jeunes Russes en voyage, un autre caucasien un peu plus âgé, et deux milliers d’Indonésiens en transit.

Ma première soirée sur ce bateau, comme d’habitude ne tenant pas en place dans mon dortoir, baladant mes jambes et mon esprit sur les ponts extérieurs, admirant la mer dans toute sa splendeur et répondant aimablement aux « Hello Mister ! » des Indonésiens curieux et toujours souriant, je finirai la soirée en compagnie de Sangor et Otto qui eux débarqueront le lendemain au port de Sorong. Discussions en indonésien, petit carnet de note dans la main assis à la table de la cafeteria, l’air frais de la nuit dans les cheveux…

Rencontre aussi, mais un peu plus tard, avec le groupe de Russes qui ont décidé de dormir dans leurs tentes, sur le pont du bateau ! Probablement par peur de partager le dortoir avec des centaines d’Indonésiens. C’est dommage, je leurs dis qu’ils n’ont rien à craindre et tout à y gagner, mais ils ne semblent pas vouloir se mélanger et sûrement peur de se perdre aussi dans les couloirs de cet immense batiment-labyrinthe. Un seul d’entre eux parle anglais : Vsevolod (Sevo) avec qui je passerai quelques bons moments à discuter de nos voyages respectifs en Papouasie. Comme moi, ils vont à Makassar. Et je ne peux pas m’empêcher de rire à chaque fois que je croise leurs tentes sur le pont ! Les autres passagers indonésiens semblent n’avoir jamais vu ça non plus !

Parmi mes voisins de dortoir je ferai aussi quelques connaissances, notamment avec les quelques anglophones. En fait, deux seulement ! D’abord Mateus, un gentil monsieur originaire de Toraja, d’abord très agréable mais qui deviendra vite pesant à force de me répéter sans cesse les quelques mots d’anglais qu’il connaît, sans chercher à comprendre les miens. Et puis Yesi, une jeune femme indonésienne voyageant avec une partie de sa famille, ils partagent ma banquette de bois parmi une trentaine d’autres personnes et semblent ne jamais sortir de ce dortoir sauf pour les obligations naturelles. Yesi parle anglais correctement et viendra m’aborder le deuxième jour, d’abord freinée par sa timidité puis poussée par son papa qui aimerait bien la voir parler anglais avec le voisin étranger !

Après une journée et une nuit sur le ferry, nous faisons escale à Sorong, dernier port avant de quitter l’île de Papouasie pour ensuite rentrer véritablement dans l’archipel indonésien plus à l’ouest. Lorsque nous quittons la baie de Sorong en fin d’après-midi le soleil est bas et la lumière rasante, colorant la mer de splendeurs. J’observe au loin vers l’Est depuis l’arrière du bateau, seul, accoudé à la rambarde, et j’assiste triste et impuissant au spectacle de la ville de Sorong disparaissant à l’horizon dans une extrême lenteur, comme une interminable agonie. Et c’est toute l’île de Papouasie qui disparaît à l’horizon, juste sous mes yeux. Les larmes me coulent sur les joues en voyant s’éloigner la Papouasie, la Nouvelle-Guinée, le « continent papou », comme je l’appelle. Dans ma tête, la chanson de Telek « West Papua » (voir l’article précédent ) me colle à l’âme, je ne peux m’empêcher de la fredonner, en boucle, comme pour extérioriser la tristesse qui m’envahis dans un dernier hommage aux Papous et à la Papouasie si chers à mon cœur. Pour la première fois je me sens très loin de la PNG, j’ai passé le point de non-retour, en quelque sorte… Et qui sait si j’aurai un jour l’occasion d’y revenir ? Je me souviens alors, deux ans et demi plus tôt, mon arrivée en ferry sur ce nouveau contient inexploré, si mystérieux…

Notre ferry continue son petit bonhomme de chemin et entame à présent une longue traversée en pleine mer de 2 jours sans escale, entre Sorong et Makassar. A bord, un peu de pluie, beaucoup de soleil, un léger roulis qui berce plus qu’il ne rend malade, du café à la cafet’, des barquettes de riz à la cantine, des ballades autour du bateau à n’en plus finir et des nuits courtes et humides dans la chaleur des intérieurs non climatisés, baignant dans une flaque de sueur au milieu du brouhaha du dortoir. De rencontres en rencontres mon carnet d’indonésien se rempli de mots et de phrases, d’expressions et de traductions, le langage se construit dans ma tête aussi vite que les interlocuteurs se succèdent et que le papier se noirci. Quant aux anglophones, ils se font rares, très rares. Tant mieux !

Au troisième jour sur le bateau, alors que je suis assis à une table de la cafétéria, discutant avec un groupe d’étudiantes et d’étudiants, mon regard se trouve soudainement attiré vers la mer et cette grosse masse sombre qui apparaît à la surface de l’eau… C’est une baleine !!! Elle ne semble pas très grosse mais elle se trouve a seulement quelques dizaines de mètres du bateau, facile à observer depuis la hauteur du pont supérieur où je me trouve. Quel spectacle époustouflant ! Je n’en reviens pas, j’en ai des frissons partout ! Après quelques secondes seulement, elle disparaît à nouveau dans les profondeurs.
J’en parle à mes voisins de table qui n’ont pas l’air très intéressés… « Ah oui le « gros poisson », on en voit parfois »…
Je n’ai personne avec qui partager ma joie et mon enthousiasme mais ce que j’ai vu aujourd’hui a comblé ma journée, la vision de cette baleine en pleine mer et dans des conditions formidable valait a elle seule le déplacement…

J’aurai aussi la chance de voir quelques dauphins et des milliers de poissons volants. Le spectacle de la mer et du ciel est d’une beauté fantastique. Je passe des heures à observer par dessus la rambarde, de chaque coté du bateau, guettant l’arrivée de dauphins, et l’espoir fou de revoir une baleine. Le simple mouvement des vagues et l’apparition d’îles lointaines ou encore la forme des nuages ou les lumières rasantes du soleil sont déjà des merveilles à observer depuis le bateau. Je ne m’en lasse pas. Je ne m’en lasserai jamais.

Après 4 jours en mer, environ 90 heures de traversée pour être précis, nous arrivons tard dans la nuit au port de Makassar, sur l’île de Sulawesi. Terminus pour la plupart des passagers, y compris Anton mon voisin de lit, Mateus et Yesi mes camarades de dortoir, Sevo et le groupe de Russes en camping, et plein d’autres !

.

itinéraire_Jayapura-Makassar [1024x768 (tdm_blog)]
Mon trajet en ferry depuis Jayapura (Papouasie Occidentale) jusqu’à Makassar (Sulawesi) avec une escale d’une semaine à Nabiré. (Cliquez sur la carte pour l’agrandir)

.

5) Makassar, terminus !

Yesi m’avait proposé de venir dormir chez elle avec sa famille si je n’avais nul part où aller en arrivant, mais j’ai décidé de ne pas abandonner mon compagnon Anton tout seul et de suivre ses plans sans vraiment comprendre ce qu’il voulais faire. Lui aussi complètement perdu à l’arrivée pour sa toute première fois à Makassar, et n’étant pas habitué à voyager il se laissera vite embobiner par les chauffeurs de taxis sans scrupules… Quant au groupe de Russes, ils passerons la nuit dans le port en attendant leur prochain ferry pour Flores. Je ne les reverrai plus.

Noyé dans la foule grouillante et bruyante du débarquement je reste aux côtés d’Anton et je le laisse gérer pleinement les négociations avec les chauffeurs de taxis. Visiblement pas facile de trouver un hôtel ouvert en pleine nuit à Makassar. Quant au prix du taxi, il est juste exorbitant : 100000 Roupiah par personne (env 8€) pour à peine quelques minutes en voiture, c’est 10 fois plus élevé que ce que ça devrait coûter ! Une arnaque…

Mais Anton est satisfait, il a trouvé un taxi, un hôtel, et c’est l’essentiel, il est sauvé ! En route pour l’hôtel Agus où nous partagerons une chambre à 150000 Rp , soit une douzaine d’euros à partager à deux, une somme tout à fait acceptable mais qui sur le coup me paraîtra être une fortune ! En effet, je n’avais plus dormi dans une chambre d’hôtel depuis plus de 2 ans !! Deux années de bourlingue en Australie et en Papouasie sans avoir eu besoin de payer pour dormir, me débrouillant toujours pour passer la nuit sous une tente, à la belle étoile, en collocation gratuite contre travail (à Darwin), ou encore chez l’habitant (en PNG et en Papouasie indonésienne). Ma toute dernière nuit dans une chambre d’hôtel (en dortoir) remonte au temps où je travaillais sur les pédicabs à Cairns, il y a 2 ans !

Je rejoints le jour suivant le centre-ville et je parviens à retrouver l’auberge « New Legend Hostel » que j’avais repéré dans un guide de voyage comme étant l’auberge la moins chère de Makassar tout en proposant une bonne qualité de service (pour environ 6€ le lit en dortoir, propre et calme, petit-déjeuner inclus, internet en wifi, personnel anglophone et de bon conseil…). Six euros pour une simple place en dortoir, c’est relativement élevé comparé au prix moyen des auberges en Asie, mais l’Indonésie est souvent un peu plus chère que ses voisins sur ce point là, et le choix d’hébergement est aussi beaucoup plus limité, surtout dans des régions peu touristiques comme Makassar.
.

new_legend_hostel_makassar
New Legend Hostel – Jalan Jampea, Makassar

.

Avant de commencer à faire du tourisme je dois m’occuper impérativement de mon extension de visa en allant au bureau d’immigration situé à une heure de « pété-pété » (sorte de minibus) du centre-ville. Je recontacterai à cette occasion Yesi (ma voisine de dortoir sur le ferry) afin d’obtenir un petit coup de pouce pour décrocher mon extension de visa plus facilement. J’aurai alors droit à 30 jours supplémentaire en Indonésie, mais après encore quelques démarches compliquées, plusieurs aller-retours au bureau d’immigration, un tas de documents à remplir, de photocopies et de signatures à donner, une grosse semaine d’attente, et aussi une petite somme d’argent à débourser ! (250000 Rp, environ 20€).

Mais en attendant que mon nouveau visa ne soit délivré, j’ai encore un peu de temps à passer sur l’île de Sulawesi et c’est déjà demain que mon frère David atterri à l’aéroport de Makassar pour passer ces 3 prochaines semaines avec moi ! Un rendez-vous programmé depuis plusieurs mois déjà, et ce sera notre deuxième retrouvaille après sa venue en Nouvelle-Zélande en 2011, deux ans et demi plus tôt.

Je suis tellement impatient de le voir débarquer !

Rendez-vous demain pour le début d’une nouvelle aventure entres frangins sur l’île de Sulawesi et pour un prochain article très illustré, plein de belles photos (enfin!) : baignade au milieu des poissons tropicaux et des tortues marines à Bira, découverte de la culture Toraja ancestrale et des cérémonies funéraires si particulières, ballades en scooter au milieu des collines et des rizières… bref, tout un programme !

.

.

<— Article précédent | Article suivant —>

.

.

Commentaire(s) (3)

C’est vrai que la cuisine indo-malais (il me semble que c’est très proche, je ne sais pas je ne suis pas allé en Indonésie) est super bonne!

Ah, la baleine… déjà les dauphins, ça fait sont petit effet, mais la baleine, j’attends ça avec envie.

Au risque de me répéter, j’aime beaucoup ton style d’écriture. T’as pensé à compiler tes récits et à les romantiser un peu?
Avec le blog comme base, ce ne serait qu’un léger travaille de réécriture à faire avant d’envoyer aux éditeurs. Si il y a un potentiel éditorial, ça pourrait demander un plus gros travail mais ça en vaudrait la peine je crois.
@ bientôt,

Merci Yogo ca me fait sacrément plaisir ce que tu me dis là.

En fait, plus le temps passe et moins j’envisage d’écrire un livre, d’abord parce que le blog me prend déjà un temps fou, mais aussi parce que le voyage s’éloigne et les souvenirs s’effacent et ca devient de plus en plus compliqué d’écrire.

Et puis quand j’y réfléchie un peu (quand même!) je me questionne sur l’utilité d’écrire un livre alors que tout est déjà écris sur le blog. J’en reviens à cette question simple : « Pourquoi écrire ? Quel est le but »

Ce blog est mon journal de bord, ma mémoire externe, complémentant ma mémoire cérébrale un peu déficiante (je ne suis qu’un humain!). Ce fût (et c’est toujours) aussi le moyen de partager mon voyage avec mes proches et avec tout internaute interressé par la lecture du récit.

Dans ce contexte, le blog rempli parfaitement ces objectifs.

Pour être honnête, j’en ai des frissons de terreur rien que d’imaginer le nombre de mois supplémentaires qu’il me faudrait consacrer à l’écriture d’un livre, après déjà tout ce temps (astronomique) passé sur les articles web.

Pourtant, j’aimerai écrire… Peut-être un prochain voyage, ou autre chose dans le futur… Je ne sais pas encore.
Pour l’instant, retour à la réalité : l’écriture des derniers articles, j’ai encore du boulot non de non !! :-)

Oh que oui la nourriture malais-indonésienne est délicieuse !
Le gros plus de la Malaisie (par rapport à l’Indonésie) c’est le choix infiniment varié de plats : malais-indonésiens, mais aussi indiens (et sacrément raffinés!) et chinois ! Que du bonheur !! :-)

Bien sincèrement, je pense comme Yogo que le récit de tes aventures, eh bien, il faudra songer à partager tout cela avec un grand nombre de gens. Car c’est du vrai, c’est du vécut, on vit en même temps que toi toutes tes émotions, tes images et un peu tes sentiments.
Bon pour le moment, on te suit avec le même plaisir que les autres articles.
L’assiduité avec laquelle tu cherches à apprendre et comprendre l’indonésien est formidable. Rien a voir avec l’époque où tu étais sur les bancs de l’école en France pour apprendre l’Anglais. Très drôle !
Toujours est très beau et on attend la suite.

Ecrire un commentaire