Voyage en Malaisie en solo et retour aux fondamentaux : Autostop / randonnée !

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Publié par Froggy | Classé dans Asie | Publié le 20-11-2015

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DSC01277 [600x450_portrait (tdm_blog)]Introduction

Juin 2014…
Je suis toujours à Kuala Lumpur en Malaisie, après cinq semaines de voyage en compagnie de Yesi sur la péninsule malaisienne et plus de neuf mois, déjà, après mon grand départ d’Australie.

Après avoir profité intensément de cette dernière année de voyage en progressant très lentement d’un point de vue géographique dans une sorte d’errance physique et psychologique qui est l’essence même du voyage, de mon point de vue, je commence maintenant à me questionner sur mon itinéraire de retour en France (toujours en surface) et même sur une éventuelle date de retour.

Me retrouvant seul à Kuala Lumpur dans un environnement calme et confortable et pour une durée -presque- indeterminée (logé au Backpackers Travelers Inn), je vais engager une profonde réflexion personnelle sur mon voyage et notamment sur la route à suivre pour rentrer en France. Ayant abandonné mon plan originel qui consistait à rentrer par l’Est (Chine, Japon, Pacifique Nord, Amérique du Nord, Atlantique Nord, Europe) car beaucoup trop compliqué à organiser (des mois de recherches de voiliers/cargos en perspective, plus assez d’energie pour celà, et une liste de pays à visiter qui m’attire peu), je décide d’étudier les options de retour par l’Ouest.

N’ayant pas envie de rentrer par une route déjà empruntée il y a 4 ans (Chine, Russie…) il me reste alors assez peu de possibilités : Ce sera à priori un retour terrestre à travers le Moyen-orient (sous-continent indien, puis Pakistan, Iran, Turquie, et enfin l’Europe). Mais cela implique quelques gros chantiers organisationels et une poignée de questions à élucider :
- Possiblité d’entrer et de sortir du Myanmar (Birmanie) par voie terrestre ?
- Possiblité d’accéder aux territoires réglementés d’Inde du Nord-Est ?
- Possiblité d’obtenir des visas pour le Pakistan et pour l’Iran ?

Commence alors une longue investigation sur ces sujets beaucoup moins simples qu’ils n’y parraissent, une planification et une enquête qui durera des semaines et qui se prolongera même sur les mois à venir tout au long de mon voyage, de frontière en frontière, de consulat en consulat, et à travers les nombreuses recherches sur internet ainsi que quelques contacts éclairés. A ce propos je tiens à remercier tout particulièrement mon ami et camarade voyageur Nathanael Leprette (ou Yogo !) qui de par ses connaissances du terrain et ses nombreux conseils a su me guider et m’apporter toute son aide extêmement précieuse.

Yogo, que j’ai rencontré quelques mois plus tard en Inde, est toujours en voyage à l’heure où j’écris ces lignes, et il continu d’écrire son lent et passionant voyage sur son blog : http://www.ecoleworldycamino.org/

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Mon itinéraire de retour en France PREVISIONNEL depuis Kuala Lumpur : Malaisie, Thailande, Myanmar (Birmanie), Bangladesh, Inde, Pakistan, Iran, Turquie, Europe.

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1) Kuala Lumpur

Après le départ de Yesi je resterai encore deux semaines à Kuala Lumpur, un peu perdu dans ma solitude mais profitant de la qualité de vie qu’offre cette ville exceptionelle et commençant même à prendre mes petites habitudes, à m’y sentir réellement « chez moi » : restaurants, marchés et boui-bouis préférés dont je connais maintenant le menu sur le bout des doigts, copains de dortoirs (francais, polonais..) avec qui je partage parfois mes repas et quelques grandes discussions de voyage, un rythme de vie qui s’installe peu à peu avec des journées qui s’organisent efficacement, incluant une heure de piscine presque tous les jours pour garder la forme et me changer un peu les idées avant de replonger à nouveau chaque jour la tête dans l’écriture du blog.

Ces deux semaines à Kuala Lumpur sont vraiment très chaudes, au point que je ne sors plus que le matin et le soir, restant généralement enfermé aux heures les plus insuportables de l’après-midi dans une pièce climatisée de mon auberge qui m’offre le calme nécessaire à l’écriture.

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Chin Woo Stadium

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Festivités dans le quartier chinois de Kuala Lumpur

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Manu2A l’occasion de ces deux dernières semaines à Kuala Lumpur j’aurai la chance de rencontrer deux personnes géniales et influentes positivement sur mon moral. Tout d’abord Manu et son blog de voyage « Le long chemin » avec qui j’étais en contact par internet depuis pas mal de temps mais sans jamais l’avoir rencontré. Et puis dans la même semaine quelques jours plus tard c’est un autre e-mail que je reçois d’un voyageur que je ne connaissais pas, Guilain Potron, mais qui lui me connaissait depuis longtemps à travers le blog des Aventures de Froggy. Ayant vu sur la page d’accueil que j’étais à Kuala Lumpur il a sauté sur l’occasion pour que l’on puisse se rencontrer.Guilain

Deux superbes rencontres, courtes mais innoubliables, avec mes camarades voyageurs au long cours, autostoppeurs et baroudeurs à petit budget, Manu et Guillain. D’autant plus innoubliables que le récit génial de Manu et de son trek dans la jungle malaisienne me gonflera à bloc pour partir sur ses traces quelques semaines plus tard… Et que nos discussions avec Guillain très orientées autostop rallumera en moi la flamme de l’autostoppeur éteinte depuis trop longtemps… En quelques jours seulement et avec le moral un peu dans les chaussettes, arriver à faire renaitre en moi à la fois le goût de l’autostop, celui de l’aventure, de la randonnée et du bivouac, bref : le gout du voyage… bravo les mecs ! Et surtout merci !

C’est ainsi que je me déciderai, quelques jours plus tard, à quitter Kuala Lumpur en autostop. Premier objectif : les « Cameron Highlands« .

Le vendredi 13 Juin 2014 je fais donc mon balluchon et c’est quand même avec un petit pincement au coeur que je quitte la capitale malaisienne. La sortie de la ville en autostop par le nord se révèlera alors sacrément compliquée ! J’avais pourtant préparé un peu le terrain en allant voir les conseils d’autostop fournis par le site HitchWiki (très utile lorsqu’on veut quitter une grande agglomération en stop), conseils qui se sont révélés inprécis et même complétement trompeurs, un désastre (contrairement à d’habitude où l’on peut y aller les yeux fermés). Je mettrai à jour plus tard la page du site pour éviter que d’autres autostoppeurs ne se retrouvent dans la même galère exaspérante.

Depuis la gare de Rawang dans la banlieue nord de Kuala Lumpur où je commence à lever le pouce il me faudra pas moins de 6 voitures pour arriver à Tanah Rata dans la région des Cameron Highlands. Des conducteurs chinois taoistes ou chrétiens, des Malais musulmans, des anglophones et des non-anglophones avec qui j’essaye de pratiquer mes rudiments d’indonésien qu’ils ne comprennent qu’à moitié, d’abord des petites courses de quelques kilomètres suivies d’un long trajet en camion avec un livreur de shampoing que j’aide à 2 reprises à décharger sa marchandise dans des magasins se trouvant sur notre route, puis un jeune gars à moto qui fera un détour de 15 km pour m’avancer dans les collines avant la tombée de la nuit, et pour finir un pasteur malais-chinois originaire de Bornéo, le « cowboy de la route » grimpant difficilement les montagnes dans sa vieille voiture en ruine, très gentil et plein d’humour qui me déposera juste devant mon auberge à Tanah Rata.

200 km de pur plaisir d’autostop, très peu d’attente et des conducteurs vraiment drôles et adorables. La seule grosse difficulté fût de quitter l’agglomération de Kuala Lumpur mais une fois dans la campagne c’est que du bonheur !

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2) Tanah Rata (Cameron Highlands)

Tanah Rata est une ville située dans la région des Cameron Highlands, légèrement en altitude dans les montagnes au centre de la péninsule malaisienne. Cette région est connue pour ses plantations de thé et ses paysages vallonnés de toute beauté. Les Malaisiens adorent s’y rendre en vacances ou en week-end pour la fraîcheur du climat qui tranche complètement avec la chaleur tropicale du reste du pays. En effet quelle délivrance cette fraîcheur, que c’est bon !

Je revis, je respire et je me sens à nouveau dans un climat adapté à mon organisme, toujours en t-shirt la journée mais ajoutant un pull le soir et le matin, appréciant aussi de dormir sous une couverture et sans avoir besoin de cette saleté de climatisation. Et puis vraiment quel charme cette région, j’y passerai plus de 3 semaines tellement je m’y sens bien, dormant en dortoir dans une super auberge et vraiment bon marché : « Kand Travelers Guesthouse » que je recommande à tous ceux et toutes celles qui passerons dans cette région. Dortoir calme et confortable, une grande terrasse en bois à l’exterieur abritée du soleil avec de très nombreuses tables et même quelques sofas. Paisible et très vivant à la fois. L’endroit est idéal pour consacrer du temps à l’écriture du blog. J’y rencontrerai notamment Mikel, un Espagnol grand et barbu voyageant comme moi depuis un peu plus de 4 ans, un chic type !

En me baladant en ville je ferai connaissance avec Eddi et toute sa bande de potes, des habitants et des gamins d’ici qui m’invitent à jouer au base-ball (qu’ils appellent round-us) parce qu’il leurs manque un joueur ! Je reviendrai jouer sur le grand terrain de sport tous les jours jusqu’au début du ramadan qui marquera pour eux la fin de tout repas en journée et donc de tout effort sportif. Dommage, on s’amusait bien !

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Eddi avec l’équipe de Baseball !

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Durant le ramadan la plupart des restaurants sont fermés la journée (tous ceux tenus par des musulmans), mais on trouve encore quelques bouis-bouis chinois et aussi 2 ou 3 restos indiens ouverts à midi. Le soir par contre la ville se réveille, les boutiques ouvrent à nouveau et dès la fin de l’après-midi les petits marchés du ramadan fleurissent dans la rue principale et de nombreux stands y vendent des spécialités qu’on n’a peu de chance de goûter à d’autres périodes de l’année. Un régal pour les yeux et pour les papilles, dans une ambiance de marché joyeuse et animée. Sur le marché aussi beaucoup de dattes, de variétés différentes et toutes succulentes, ainsi que des durians d’une qualité exceptionnelle. Je me nourris chaque jour de dattes et de durians !

Parmi mes activités dans les Cameron Highlands : deux longues randonnées à la journée, pentues, coriaces et semées d’embûches, mais aussi quelques ballades de santé au milieu des fabuleuses plantations de thé dont l’origine remonte au temps de la colonisation britannique.

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Les Cameron Highlands, une belle région dans laquelle je me sens vraiment bien. Je m’y sens « chez moi » comme à Kuala Lumpur mais dans un style différent.

Je quitte Tanah Rata le dimanche 06 Juillet au matin en autostop et c’est toute une journée qu’il me faudra pour parcourir les +/- 260 km qui me séparent de mon prochain obectif : Kuala Tahan dans le parc national « Taman Negara ».

Quelle galère le stop aujourd’hui ! Huits petites courses en tout et beaucoup d’attente, il faut dire que je traverse des zones rurales reculées et qu’il n’y a presque personne sur la route ! Mais au final des conducteurs toujours aussi sympathiques, Malaisiens chinois ou Malaisiens malais (bizarrement jamais de Malaisien indiens), me parlent de religion, de la coupe du monde de football et de la France qui pert, ils se posent aussi plein de questions sur mon voyage et mes économies, mon travail, mes financements… Ils sont très curieux et très ouverts sur tous les sujets ces Malaisiens ! Je les aime beaucoup et on passe de bon moments en voiture. Malgrés les heures d’attente sur le bord de la route et parfois en plein soleil, cette nouvelle journée de stop me laissera un souvenir innoubliable, chargée de sourires, de surprises et de rigolades.

Ah oui, on a aussi failli taper un singe sur la route, c’est vraiment pas passé loin !

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3) Parc National « Taman Negara »

Le Taman Negara (qui signifie Parc National en malais) est une immense zone de conservation abritant l’une des plus anciennes forêts tropicales du monde, dans laquelle vivent encore des populations de rhinocéros, d’éléphants, de tigres, et de très nombreuses espèces protégées de mammifères, d’oiseaux, etc.

J’y accéderai par le village de Kuala Tahan situé en bordure du parc, tout au bout d’une longue route bordée de plantations de palmiers à huile. Déposé en auto-stop par un habitant du village qui rentrait chez lui en fin de journée… et sacrément chanceux de ne pas avoir eu à passer la nuit dehors sur cette route secondaire très peu fréquentée !

Je poserai mes affaires dans l’une des innombrables auberges du village (qui s’est développé autour du tourisme) : « Rippi Guesthouse » située au bord de la grande rivière de boue qui traverse le village. Un dortoir à 10 Ringgit la nuit (~2€), une vue magnifique sur la rivière et une ambiance festive et chaleureuse dans cet établissement on ne peut plus low-cost.

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Pour accéder au Parc il faut d’abord traverser la rivière en barque (1 Ringgit) puis débourser ensuite 6 Ringgit pour payer l’entrée et recevoir un plan et quelques consignes.

Je me lance alors seul, le matin suivant, dans une randonnée de 2 jours à travers cette jungle et n’emportant avec moi qu’un bagage ultra-léger et rudimentaire. Voici mon équipement :

- petit sac de toile utra-light
- appareil photo compact
- trépied de poche pour appareil photo
- téléphone portable (en cas de pépin)
- lampe frontale
- couverture de survie
- sac de soie pour dormir (sac à viande)
- veste de pluie ultra-légère
- couteau robuste
- bonnet (pour la nuit)
- 1 demi rouleau de papier toilette
- 1 briquet
- 1 crayon
- brosse à dent, dentifrice, crème anti-moustique
- le plan du parc et le permis d’accès
- un peu d’argent, mon passeport (que je n’ai pas voulu laisser au dortoir)
- 1 bouteille d’eau (1,5L)
- 1 pain de mie (800g)
- 15 dattes

L’ensemble de mon équipement pèse moins de 4 kilos, je porte sur moi un simple short, un débardeur et une paire de chaussures de marche légères. Il va falloir avec tout ça que je survive pendant 2 jours, une nuit, marchant plus de 40 km à travers la jungle boueuse et humide !

Dès les premières minutes de marche la chaleur et l’humidité me mettent dans le bain. Je transpire à grosses gouttes, je bois régulièrement mais je suis obligé de me rationner car j’ai besoin de tenir jusqu’à ce soir avec seulement 1,5 L d’eau. L’idée étant ensuite d’attendre demain pour remplir ma bouteille d’eau dans les rivières, évitant ainsi de prendre le risque de tomber malade ce soir au milieu de la jungle, sans assistance.

Au bout de quelques heures de marche je tombe sur un groupe de travailleurs malaisiens en train de récolter des durians dans la jungle, à côté d’une sorte de vieux village abandonné. Ils ne parlent pas un mot d’anglais et semblent très étonnés de me voir ici tout seul. Je leur achète un petit durian pour 5 Ringgit et le dévore sur place, affamé, gardant ainsi le reste de mes provisions alimentaires pour plus tard !

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Globalement le sentier est assez facile et praticable, même si je dois faire extrêmement attention à ne pas prendre une mauvaise direction qui m’enverrait à ma perte dans les méandres de cette jungle inhabitée. En effet la piste, déjà pas très large, se réduit parfois au point de ne plus la distinguer du reste de la végétation. Quelques micro-sentiers apportent aussi leur lot de confusion… Sans parler des petites rivières qu’il faut traverser à gué ou des arbres tombés récemment qui recouvrent le sentier déjà difficile à suivre. Je ne prend aucun risque inconsidéré et m’arrête à chaque fois que j’ai un doute (ou que je commence à me sentir « perdu ») pour vérifier la carte (qui de plus n’est pas très précise) et analyser tous les élements extérieurs dans le calme et la sérénité.

Certaines parties vraiment difficiles à traverser nécessiterons que je taille ma route à travers la végétation, créant le sentier là où il n’y en avait pas (détruit, recouvert, perdu…) en prenant soint de toujours faire des entailles visibles dans l’écorce des arbres que je rencontre pour être capable de revenir sur mes pas en cas d’obstacle. Car dans cette jungle il suffit de quitter le sentier de quelques mètres pour ne plus jamais parvenir à le retrouver.

Malgré ces quelques difficultés qui parfois font monter en moi la peur et l’adrénaline, l’essentiel de la randonnée se déroule plutôt bien. La végétation est belle, luxuruante, les odeurs envoutantes, et je ne verrai ni tigre, ni éléphant, mais de nombreux lézards et surtout des nuées de papillons bleus, mauves, ou jaunes, ainsi que des inscetes de toutes les tailles et toutes les couleurs. Un vieux pont métalique englouti dans la végétation me rappelle des scènes d’Indiana Jones, il me permettra de traverser une large rivière, d’apercevoir un peu de ciel bleu avant de replonger à nouveau sous la canopé protectrice.

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Après 9 heures de marche et plus de 25 kilomètres parcourus depuis l’entrée du parc ce matin, j’arrive à mon objectif : un ensemble de grottes situées au coeur de la jungle, indiquées sur la carte et dans lesquelles il est possible de dormir en étant abrité du vent, de la pluie, des insectes et des animaux sauvages. C’est ici que je passerai la nuit ! Je n’aurai croisé en chemin qu’un seul groupe de 5 ou 6 randonneurs accompagnés de leur guide.

A cause des obstacles qui m’ont parfois bloqué le long du chemin et des fausses pistes qui m’ont fait perdre du temps j’arrive un peu plus tard que prévu, en fin d’après-midi. Il était grand temps que j’arrive car le ciel s’abrombri et la puie commence à tomber sur ma dernière demi-heure de marche. Quelle horreur s’il fallait passer la nuit par terre dans la boue froide, sous la pluie et au milieu des insectes… J’avais tout de même repéré, à mi-chemin des grottes, une très haute cabane en bois sur pilotis dans laquelle j’aurai pu dormir en étant au moins abrité de la pluie (il s’agit en fait d’un refuge d’observation dont Manu m’avait parlé et dans lequel il avait dormi lors de son trek, quelques semaines plus tôt, en fait il avait surtout passé la nuit à se faire bouffer par les moustiques, le pauvre !). Bref, si vraiment j’avais pris du retard dans la première moitié de ma journée j’aurais eu une sorte de plan B pour dormir avant les grottes.

Quoi qu’il en soit j’ai réussi à atteindre les grottes et je suis bien décidé à rester ici pour y passer la nuit ! Je n’ai de toute façon plus le choix ! Après avoir exploré rapidement les trois grottes principales pendant qu’il fait encore jour je décide d’emménager dans la plus grande d’entres elles, qui semble à la fois la plus sûre et la plus « confortable ». De plus le groupe de randonneurs que j’ai croisé en chemin cet après-midi avait volontairement laissé mouronner le feu de camp de la nuit précédente. Sympa les mecs ! Je n’aurai même pas à sortir mon briquet !

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J’installe donc mon bivouac dans cette gigantesque grotte, majestueuse cathédrale de roche construite par la nature au fil des milions d’années passées.

La nuit est tombée depuis un moment et mon champ de vision se réduit maintenant à quelques mètres autour de mon petit feu de camp protecteur. Il commence à faire froid, dehors un déluge d’eau s’abbat sur la forêt, le tonnerre gronde et des éclairs illuminent le temps d’un battement de cil l’interieur de mon immense chambre minérale. Je suis tout seul au milieu de la jungle, à une journée de marche de la première maison, sans un être humain à des kilomètres et des kilomètres à la ronde, isolé dans cette grotte magnifique qui me protège d’un violent et bruyant orage. Je me sens tout petit…

Je suis alors animé par un immense sentiment de liberté qui se mèle à la solitude et à l’angoisse du moment. J’ai peur, j’ai froid, j’ai faim, mais je suis bien, je me sens libre et heureux dans ma grotte !

Quatre tranches de pain de mie accompagnées de quelques dattes et d’une gorgée d’eau fraiche constitueront mon repas ce soir, je dois encore me rationner car une autre journée de marche m’attend demain.

Allongé sur ma couverture de survie, elle-même placée sur un reste de bâche abandonné dans la grotte, le tout posé à même le sol sur une terre ferme, dense, lisse, sans la moindre trace de végétation ni aucun insecte… dans cette caverne qui ne voit jamais la lumière directe du soleil.

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Malgré la fatigue physique je passerai une très mauvaise nuit mainte fois dérangée par l’entrée dans la grotte de petits animaux tels des écureuils, des rats et des chats sauvages attirés par l’odeur du pain (il aura fallu un certain temps avant que je réalise) dont une partie aura été bouffée par ces petits voleurs ! J’accrocherai finalement mon sac de pain de mie en haut d’un morceau de bois à proximité du feu, en plein dans la fumée pour tenter de dissimuler l’odeur, et il me semble que ça été efficace.

Le froid aussi m’empêche de dormir, même si le feu me réchauffe il ne tient pas bien longtemps et il faut le maintenir en y ajoutant du bois au moins toutes les demi-heures, sans quoi les flammes laissent à nouveau place à l’obscurité et au froid. Mes chaussures humides en guise d’oreiller, je tente de dormir en me glissant dans le sac de soie puis en m’enroulant dans la couverture de survie pour conserver un maximum de chaleur corporelle. Mais un sac de couchage aurait quand même été fort appréciable…

Chaque bruit suspect dans la grotte me réveille ou me fait sursauter, j’allume alors ma lampe-torche (toujours à portée de main, à côté du couteau ouvert) pour faire un rapide tour d’horizon à 360 degrés en imaginant à chaque fois les pires scénarios : un tigre, un léopard, un serpent, ou pire, un être humain… Bien évidemment rien de tout celà n’apparaitra durant la nuit, mais mon cerveau restera en alerte maximum jusqu’au lever du jour…

Je passerai en fait toute la nuit non pas à dormir, mais à attendre avec une impatience folle les premiers rayons du soleil pour pouvoir repartir dans l’autre sens et rentrer au village ! Quelle longue, longue, très longue nuit…

Dès les toutes premières lueures du matin je me lève et commence à m’activer pour me réchauffer. Je range le plus gros de mes affaires, refais une bonne flambée et quelques séries de pompes, avale un sandwich aux dattes et me délecte de la toute dernière gorgée d’eau de ma bouteille. Je quitte la grotte lorsque la lumière du soleil devient tout juste suffisante pour pouvoir progresser dans la végétation. A peine sorti de ma tanière que je lève la tête pour tenter de comprendre d’où vient tout ce bruit en haut des arbres : des singes ! Ils sont une petite dizaines de singes sautant de branches en branches, d’arbres en arbres, profitant à leur manière du soleil levant, miraculeux, apportant avec lui lumière et chaleur : la Vie.

Bonjour les singes ! Bonjour le soleil !

C’est parti pour une journée de marche rapide dans l’autre sens, empruntant sur la première moitié du parcours le même sentier qu’hier que je connais maintenant comme ma poche, avant d’arriver sur une intersection qui me permettra de bifurquer pour finir sur une piste différente.

Fort heureusement la pluie est terminée depuis plusieurs heures déjà et l’orage n’est plus qu’un loingtain souvenir, mais les quantité d’eau tombées cette nuit ont rendu le sentier boueux et glissant par endroit. L’humidité a aussi ranimé les milliers, millions de sangsues qui hier encore se terraient dans la végétation. Je suis assailli de toutes parts sur les chevilles et les jambes par ces minuscules vers qui deviennent gros comme mon petit doigt une fois gorgés de sang.

Pour ce trajet retour je n’aurai d’autre choix que de boire l’eau des petites et grandes rivières s’écoulant à travers la jungle. Trois litres en tout. Je m’en sortirai sans aucun problème de digestion.

J’aurai aussi besoin de traverser une rivière à gué sur le chemin du retour, l’eau à hauteur de genoux sur une trentaine de mètres, en priant pour retouver mon chemin de l’autre côté !

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Même si je sais que je n’ai rien à craindre des animaux sauvages (tigres, léopards, éléphants, etc.) car très méfiants vis à vis de l’homme, je ne peux m’empêcher d’y penser après la nuit assez effrayante que je viens de passer. Je garde toujours à la main mon couteau dégainé en cas de problème… Inutile, mais rassurant !

Une deuxième journée de marche qui s’achève sans encombre après 18 km de jungle pour environ 7 heures d’effort. Ce qui nous amène à un total de 43 km aller-retour depuis hier matin. Quel bonheur et quel soulagement de retrouver le village, puis mon auberge, mon dortoir, mon lit, mon sac-à-dos, un plat de riz chaud et quelques légumes, de l’eau claire au robinet, une douche, des sourires, des voix, des gens à qui parler. La vie, quoi !

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Je quitte le Taman Negara le 9 Juillet au matin, jour de mon anniversaire, après une nuit de repos sur un matelas confortable, au chaud sous mon sac de couchage et hors de portée des écureuils, des rats, des chats, des singes, des serpents, des insectes ou de tout ce qui pourrait nuire à mon sommeil !

Parce que c’est mon anniversaire, je m’offre le retour à la civilisation en pirogue à moteur, pour 35 Ringgit (~7€), au lieu de faire du stop sur une piste sans voiture et sans espoir. Un trajet de deux heures sur la grande rivière de boue serpentant au milieu de la forêt jusqu’à Kuala Tembeling, la prochaine grande ville.

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De là je reprendrai l’autostop sans attendre et j’arriverai sans trop y croire le soir même à Kota Bharu, dans le nord la Malaisie. Une première course jusqu’à Kuala Lipis à bord d’un camion de livraison aux côté d’un conducteur malais assisté dans son travail d’un réfugié birman. Une autre petite course jusqu’à la station Shell suivie d’un long trajet en compagnie de deux jeunes gars très sympas et vraiment interressants, ils me laisseront même conduire les 80 derniers kilomètres car ils sont fatigués de leur longue journée de route. Nous traversons la superbe région de Gua Musang, où l’on peut admirer depuis la route des formations rocheuses très étranges qui mériteraient d’y consacrer quelques jours de voyage. Arrivé à seulement 20 km de Kota Bharu je dégotte un dernier lift innespéré en attendant le bus sans y croire car en pèriode de ramadan les services tournent au ralenti. Et c’est finalement un riche banquier qui m’invitera à monter à bord de son énorme Mercedes pour me déposer au centre-ville. Un homme très sympathique et très interressant que je n’oublierai pas. J’ai parcouru en tout 330 kilomètres depuis Kuala Tembeling.

La nuit tombe sur Kota Bharu, et à nouveau un sentiment de paix m’envahi : j’ai atteint en une journée de stop seulement cet objectif qui me paraissait si loin, là juste à quelques kilomètres de la frontière thailandaise. Ce matin encore je dormais aux abords du parc national. J’ai passé une journée merveilleuse à faire du stop et je ne peux m’empêcher de repenser à ce bivouac irréel dans la jungle. Celà me parait déjà loin, c’était hier seulement. C’est fou comme le voyage ralenti le temps. Il transforme les minutes en heures et les heures en semaines. Il exalte les émotions, transforme toutes les expèriences en un flux d’énergie positive. Le voyage apporte la paix, le bonheur, la compassion et la compréhension. L’éphémère se transforme alors en éternité. Le voyage rend immortel. J’ai 29 ans aujourd’hui et déjà quelques rides. Mais mon voyage lui est éternel, immuable.

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4) Kota Bharu

Je pose mes valises au « KB Backpackers Inn » , dans un confortable dortoir à 12 ringgit la nuit (~2,5€) non climatisé. En guise de dinner d’anniversaire je m’offre un repas amélioré dans l’un des bouis-bouis du centre-ville, et termine dans une patisserie fine sur une part de mango-cake. Je suis tout seul mais c’est sympa quand même, je suis bien tout seul, surtout après les longues discussions d’autostop qui ont animé ma journée.

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Je me repose à Kota Bharu pendant 3 jours et 3 nuits en attendant de rejoindre la frontière thailandaise. Il n’y a rien d’interressant à voir ni à faire ici mais je profite de la connexion internet pour répondre aux nombreux messages d’anniversaire. Je me régale le soir sur les petits marchés de ramadan au milieu d’une foule colorée et souriante.

Je quitterai Kota Bharu en bus le 12 Juillet pour rejoindre la frontière thailandaise située à une quarantaine de kilomètres.

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Selamat Jalan ! « Bon voyage » … et en route vers la Thaïlande !

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Mon parcours en Malaisie depuis Kuala Lumpur jusqu’à la frontière thailandaise au nord.

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Commentaire(s) (4)

« pasteur malais-chinois » : j’adore :-)

Bravo pour l’audace! Seul dans la jungle, pour un bivouac, quelle folie… moi je crois que je n’oserais pas. Je partagerais volontiers une telle expérience avec quelqu’un mais je ne m’y aventurerais pas seul.

On dirait que la Malaisie ne laisse pas les voyageurs indifférents.

En effet, nous sommes repartis en pleine aventure. Et quelle aventure ! Dommage que tu sois seul comme le dit Yogo.
Les petites bêtes se régalent avec ton sang. C’est assez impressionnant. Je trouve aussi que dans les traits de ton visage, on y lit de l’inquiétude et surtout beaucoup de fatigue. Il est probable que tu as voulu (te)prouver « quelque-chose ». Et tu as réussi ! Mais a deux, encore une fois, tu (vous) auriez savouré votre plaisir plus intensément. Encore une belle page de souvenirs.
Les photos sont toujours aussi belles, avec une idée artistique en toile de fond.
Félicitations.

Oui, la Malaisie est un sacré beau pays, peut-être méconnu, niché entre son voisin ultra-touristique la Thaïlande et de l’autre côté l’Indonésie avec quelques destinations très prisées comme Bali ou Komodo.

Pourtant la Malaisie a tout pour plaire, touristiquement parlant en tout cas : Mixité culturelle, gastronomie, hospitalité, facilité à voyager et infrstructures modernes, cout de la vie très faible, sans oublier les plages, forets, parcs nationnaux, villes historiques, etc.

hi j ai aimmer la malaisie sans voir

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