Australie/Autostop – Sur la route de Cooktown: toujours plus loin vers le nord

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Publié par Froggy | Classé dans Océanie | Publié le 01-06-2013

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wallaby_creekAprès 3 semaines de pédicabs à Cairns, je quitte la ville pour rejoindre mon amie Nina au Wallaby Creek Festival, un festival de musique et d’arts situé à 300 km au nord de Cairns en pleine foret tropicale. Nina est arrivée là-bas une semaine avant moi, elle était volontaire à la cantine du festival qui durait plusieurs jours. Quant à moi, je la rejoints le dernier jour pour profiter des derniers concerts et préparer notre trek vers Cedar Bay.

C’est encore en stop que je quitterai Cairns, rencontrant les Australiens de cette région assez isolée, traversant des routes désertes entourées de bush ou de foret tropicale, montant vers le nord sous une chaleur croissante. Il doit faire au moins 35°C. Le long de la route, de chaque coté, des feux de bush qui brulent le paysage. Cela arrive souvent en Australie, c’est le cycle normal des choses. La végétation renait de ses propres cendres pour repousser encore plus verte qu’avant. Certaines graines de certaines espèces végétales ne peuvent même germer que suite à un feu de bush, c’est l’intense chaleur de l’incendie qui donne l’impulsion à la graine de germer. Sans les feux de bush, la végétation ne se renouvellerai pas. D’ailleurs, autrefois les Aborigènes eux-même avaient l’habitude de déclencher des feux de bush (contrôlés) pour « nettoyer » un terrain ou pour d’autres raisons, comme la chasse.

Je roule vers le nord dans une étrange atmosphère de bout du monde, mélange de chaleur pesante, de musique country australienne sur les postes radio des vielles bagnoles qui me prennent en stop, de l’odeur de la fumée s’échappant des flammes qui brulent la petite végétation de part et d’autres de la route, de la vue de cette fumée noire qui s’élève dans le ciel pour se fondre dans les nuages, et des termitières géantes qui jonchent le paysages, par centaines, qui peuvent atteindre 1 ou 2 mètres de hauteur ou parfois plus.


Atmosphère étrange, intense sensation d’être de nouveau dans le Voyage après plus d’un mois passé à Cairns, dont 3 semaines à travailler presque toutes les nuits. D’ailleurs, je travaillais encore la nuit dernière, vendredi soir, couché à 6 heures du matin, je n’ai dormi que quelques heures pour commencer le stop le plus tôt possible. Je suis fatigué, mais désormais libéré de mon travail, et de retour sur la Route. Tout s’enchaine bien, mes conducteurs ne cessent de me répéter que j’ai de la chance d’être pris en stop sur cette route déserte ! Le soleil brille terriblement fort, je n’attendrai jamais très longtemps mais à chaque fois dans des endroits où la solitude se fait sentir, comme cette intersection au milieu de la forêt à 20 km du premier village avec pas plus d’un véhicule passant toutes les 10 minutes.

Un vieil Australien au look de motard, barbu aux cheveux longs, écoute du métal saturé dans sa vielle voiture défoncée. Je le trouve un peu bizarre, il me parle beaucoup mais j’ai du mal à le comprendre, la musique très forte et criarde n’aide pas non plus. La fatigue encore moins… D’ailleurs, plus d’une fois je m’endormirai dans les véhicules qui me prennent en stop. J’ai beau essayer de résister, je suis épuisé. La chaleur, le soleil, la musique et les paysages qui défilent devant moi me bercent et je m’endort comme un bébé, serein, heureux, je suis bien, je suis sur la route, c’est là qu’est ma place, c’est ici que je me sens le mieux. Et puis j’ai cette sensation étrange d’être en vacances pour la première fois depuis le début de mon voyage, après plus de 2 ans, un peu de vacances, ca fait du bien !

Mon vieil Australien métaleux me fera comprendre qu’il apprécierait bien une bière à la fin du ride, nous irons boire une bière à mes frais dans le bar du petit village paumé où il habite.

Il me faudra la journée entière pour parcourir les quelques 300 kilomètres qui me sépare de Nina et du Wallaby Creek Festival, mais je n’y arriverai que le lendemain matin, chaleureusement invité à camper par mon dernier conducteur. Jack est parti de Cairns au volant de son 4×4 pour aller rejoindre sa bandes d’amis près de Cooktown, ensemble ils ont prévu de camper sur un bord de mer pendant quelques jours.

Nous quittons la route bitumée et nous nous engageons sur des pistes en terres pour rejoindre la plage ou Jack souhaite retrouver ses amis. Après quelques fausses pistes et une heure à tourner sans carte et sans GPS, nous les retrouvons enfin, peu avant la tombée de la nuit.

Des panneaux indiquent qu’il est interdit de se baigner à cause des crocodiles et des méduses. Dommage, il fait tellement chaud. Au loin, nous apercevons la fumée noire d’un feu de bush qui sévit derrière une colline et dont les vents nous apportent encore quelques odeurs de feuilles brulées.

P1150948Je fais les présentations avec les amis de Jack quand 2 d’entre eux reviennent de la pêche sur leur petite barque à moteur. Et la pêche a été bonne, il ont l’air heureux ces 2 là ! Tout le monde les félicite et les applaudi en découvrant leur plus grosse prise. Je ne me souvient pas du nom de ce poisson mais je n’ai pas oublié le gout de ses délicieux filets cuits au barbecue, ainsi que d’autres fruits de mer, crabes, crevettes et langoustes accompagnés de pommes de terres et petits légumes, le tout arrosé de bière et de vin… un vrai festin. Du camping de luxe ! Je partage avec eux le peu de nourriture que je transporte sur moi : gâteaux apéros, cacahuètes et quelques bananes pour le dessert.

La bière m’achève. Epuisé, incapable de rester éveillé une minute de plus, je vais me coucher un peu avant mes hôtes. Une couverture posée sur le sol, mon pull-over en guise d’oreiller, je m’endors sous les étoiles en regardant au loin la lumière rougeoyante du feu de forêt qui semble maintenant avoir atteint le sommet de la colline.

Vers 3 heures du matin Jack me réveille : il faut bouger, et vite ! Il me montre du doigt le feu de bush qui est arrivé à quelques dizaines de mètres de notre campement. Pas besoin d’explications supplémentaires !

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Le vent souffle toujours dans notre direction, pas très fort mais suffisamment pour orienter l’incendie, et nous serons bientot entouré par les flammes.
Tout le monde se réveille en urgence et pas question de trainer, nous commençons à déplacer nos affaires sur la plage, à 20 mètres du camp. C’est notre seule issue de secours. Tout doit être déplacé, le matériel de camping, les réserves de nourritures, les chiens, les voitures, la petite barque remorquée sur l’une des voitures, et bien sur nous-même. Sur cette plage, nous serons en sécurité, le feu s’étendra jusqu’à la lisière du bois et de la végétation, mais ne pourra pas se propager sur le sable.

Il n’y a pas vraiment de risque dans la mesure où l’incendie se propage lentement, la végétation ici est en effet très sèche mais aussi très éparse, et il s’agit plus de grandes herbes et de buissons que de vrais arbres. Mais quand même, nous l’avons échappé belle. Après avoir déplacé tout ce que nous possédons sur la plage, le feu atteindra notre ancienne zone de campement dans la demi-heure suivante, brulant lentement toute la végétation qui s’y trouve. Nous finirons la nuit sur la plage, observant les yeux grands ouverts cette lumière rouge destructrice. Nous ne somme qu’à quelques mètres des premières flammes bordant le sable, nous pouvons même sentir leur chaleur sur nos joues et sur nos bras. L’une des amies de Jack nous met en garde contre les serpents : en effet, effrayés par les flammes, eux-aussi auront la bonne idée de se réfugier sur la plage.

D’un coté le feu de bush, avançant lentement et calmement, mais tout de même infranchissable. De l’autre coté la mer, sombre et profonde, indistincte sous le ciel nocturne, potentiellement peuplée de crocodiles et de méduses, pas question d’y mettre les pieds. Entre les deux, la plage, une zone de sable de 20 mètres de large sur une longueur de 100 mètres, le seul endroit où nous pouvons nous réfugier, sains et saufs.

Je m’endormirai à nouveau, épuisé, et bercé cette fois par le crépitement des flammes tout autour de moi. Mais mes hôtes auront beaucoup de mal à refermer l’œil et se relaierons toute la nuit pour surveiller l’avancement du feu.

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La vague de feu avance de quelques dizaines de mètres toutes les heures, heureusement le vent n’est pas trop fort. Au premières lueurs du jour il commence à s’éloigner de notre camp mais est encore trop proche de la route pour pouvoir partir.

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A mon réveil, le feu s’est éloigné, il est maintenant loin sur notre gauche, à plusieurs centaines de mètres. Toute la zone où nous campions au début de la nuit est maintenant carbonisée, entièrement noire et recouvertes de cendre avec ici et là quelques arbres agonisant encore sous les flammes. Le paysage est assez spectaculaire, transformé pendant la nuit, il est passé du vert au noir, de l’état de vivant à l’état de mort, de l’odeur de la sève à celle de la cendre. Et dire que nous nous sommes retrouvés au milieu de cette vague de feu !

Au final, tout le monde va bien, les affaires ont été déplacées à temps et il n’y a aucune perte à signaler. Plus de peur de mal pour nous, même si la forêt ne peut pas en dire autant.

Après un bon petit déjeuner, Je reprend la route avec Jack qui fera un long détour pour me déposer exactement à l’entrée du festival au bout d’une piste en terre de plusieurs kilomètres, toute défoncée et pleine de trous d’eau. Exceptionnellement et sans qu’il ne m’ait rien demandé, je donnerai un peu d’argent à ce dernier conducteur pour le long trajet en voiture de la veille, le repas copieux aux frais de ses amis, et le détour qu’il a fait pour moi aujourd’hui. Ca y est, je suis arrivé au Wallaby Creek Festival, juste au sud de Cooktown.

Il me reste à retrouver mon amie Nina au milieu de ces milliers de personnes, de ces centaines de tentes et de ces dizaines de petits stands de nourriture, au milieu des scènes de musique et des chapiteaux en tout genre. Comme nous sommes réellement ici dans un endroit reculé, il n’y a aucune couverture téléphonique, et encore moins d’accès internet, il va falloir trouver un autre moyen de rentrer en contact. Après avoir fait 3 aller-retour dans toutes les allées du festival, examinant chaque tente et chaque personne sur mon chemin, sans succès, c’est finalement sur le tableau blanc du stand d’informations que j’écrirai un message à l’attention de mon amie : « Nina, je suis arrivé ! J’attends sous le gros arbre en face de la scène principale », signé: Julien.

Je m’endors, allongé sur l’herbe à l’ombre de cet immense arbre, décoré de boules lumineuses et de guirlandes que les rayons du soleil traversent en opérant une certaine magie. Il y avait quelque chose de féerique sous cet arbre, une lumière, des couleurs, des odeurs, des énergies, un rêve éveillé bercé par la musique folk-reggae-psyché jouée sur la grande scène en face de moi.

C’est Nina qui me réveillera un peu plus tard après avoir retrouvé ma trace sur le tableau blanc du stand d’informations. Ca y est, nous nous sommes retrouvés ! Nous passerons la journée à profiter du festival, de la musique, à déguster quantité de chocolats fait maison et autres délices achetés sur les stands du festival, à discuter avec ces gens dont beaucoup sont des hippies, plus ou moins jeunes, tous connectés au milieu de cette forêt à travers la musique et les arts, l’amour et le partage. Ce festival respire le bonheur et la bonne humeur, on ne peut que s’y sentir bien.

Demain, nous partirons en randonnée vers Cedar Bay, un autre lieu merveilleux et peu connu, je vous en parlerai dans le prochain article.

Commentaire(s) (3)

Comme d’habitude ce récit que tu fais est captivant.
Vraiment cette aventure au camping avec le feu qui avance inexorablement, là tu nous tiens en haleine.
Mais on ressent et on comprend aussi que ta fatigue est très importante car tu t’endors un peu partout.
Félicitations pour cette belle page d’écriture et prend bien soin de toi.
On attend la suite.

Hello Julien,

Et bien dit donc, quelle épopée Julien, on a l’impression de lire un chapitre d’un roman d’aventure ! Et finalement, c’est bien de ça qu’il s’agit : un chapitre de ta vie, Julien le globe-trotter ;-) J’ai particulièrement apprécié le passage dans les différents véhicules qui t’ont pris en stop au début de l’article, l’atmosphère y est particulièrement bien décrite !!

Bonne continuation, et en attente de la suite de tes aventures.
Tchoo !

Jolie aventure que tu nous racontes là.
Je n’aurais sans doute pas pu me rendormir avec le feu si près… Les feux de forêts, quelle frousse ça me donne.

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