Première session d’autostop en Australie : Sydney – Byron Bay – Lismore

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Publié par Froggy | Classé dans Océanie | Publié le 17-11-2012

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Le 7 Juin 2012, après 6 mois en Australie, je me lance pour la première fois sur les routes du pays en autostop ! En effet je n’avais pas encore levé le pouce depuis mon arrivée au pays des kangourous, malgré les 4000 km déjà parcourus dont une moitié en vélo et l’autre en voilier. Il me tardait de reprendre la route en stop, de voyager à nouveau « normalement ».

Ma première destination : Lismore, à 800 km au nord de Sydney. J’y ai rendez-vous dans quelques jours pour une première expérience de wwoofing au sein d’une petite communauté permaculture semi-autonome.

Afin de quitter Sydney en stop le plus facilement possible, je suivrai les conseils du site web Hitchwiki.org, que je recommande à tous les autostoppeurs partout dans le monde notamment pour les difficultés à sortir des grandes villes.

« Pour quitter Sydney par le Nord : prendre le métro/bus jusqu’à telle gare (3$) puis rejoindre la station essence qui se trouve à 500m sur la droite après la ligne de chemin de fer, ou alors se placer directement à l’entrée de l’autoroute juste après le virage en sortant de la gare [...] etc. » Voici le genre de conseil qu’on trouve sur Hitchwiki, écris par les autostoppeurs eux-même et mis à jour régulièrement, ils sont donc plutot fiables ! Chaque fois que je les ai suivi, en Australie, en Nouvelle Zélande ou ailleurs, ils m’ont été d’une grande aide.

Comme indiqué sur la page Hitchwiki, j’irai me placer à l’entrée de la Pacific Highway (l’autoroute du Pacifique) qui monte vers le nord jusqu’à Brisbane en longeant l’océan Pacifique. En moins de 15 minutes, une première voiture s’arrête, c’est pour moi ! Deux Australiens à l’allure plutôt sympathique qui se rendent directement là où je vais, je n’aurai donc pas besoin de ressortir le pouce aujourd’hui, c’est parfait… Trop facile le stop en Australie !

Je ferai environ 400 km avec eux, seulement la moitié du chemin prévu initialement car j’ai un rendez-vous de dernière minute par téléphone avec un ami autostoppeur. Joseph est Français, je l’avais rencontré à Sydney juste avant Noël et nous avions gardé contact. Aujourd’hui nos routes se croisent sur la Pacific Highway : lui fait du stop vers le sud pour rejoindre Sydney et moi je quitte Sydney vers le nord, nous allons donc nous croiser sur la route et nous nous sommes donné rendez-vous à Kempsey, une toute petite ville situé à mi-chemin entre Sydney et Brisbane.

Mais revenons à mes premiers conducteurs : 2 jeunes Australiens s’arrêtent donc pour me prendre en stop et je monte à bord d’un énorme 4×4 noir, vitres teintées, aux roues aussi grandes que des roues de tracteur (bon j’exagère un peu mais l’idée est là). Les 2 types un peu gros et gras à l’intérieur m’accueillent très amicalement et je me réjouis de passer les 4 ou 5 prochaines heures en bonne compagnie et dans une voiture plus que confortable ! J’ai le sentiment de partir à l’aventure d’une nouvelle contrée, la route du nord, et puis ces centaines de kilomètres qui se dessinent dans la même journée, incroyable, c’est tellement rapide ! Je suis excité de cette nouvelle « aventure » et j’ai envie de la partager pleinement avec mes conducteurs, j’ai plein de questions à leurs poser, plein de choses à leurs raconter aussi, mon aventure en vélo à travers le désert et puis mon retour en voilier à Sydney, je vais pouvoir partager ca pour la première fois avec d’autres personnes, des Australiens qui plus est, cela annonce probablement des discussions intéressantes et des bons moments pour cette première journée d’autostop.

La déception sera grande ! Les 2 types m’expliquent d’abord qu’ils font souvent Sydney-Brisbane (1000 km) dans leur voiture de fonction et sont très fiers de m’annoncer qu’elle consomme 4 fois plus qu’une voiture normale et qu’ils s’en foutent car ils ne payent pas l’essence. Dans la voiture, les seules questions qu’ils me poseront durant les 4 heures de route tournerons autour du sexe et des filles, mais dans un style plutot idiot et vulgaire : « Comment dit-on en français ‘blowjob’, ‘bitch’, ‘fuck’…. » en rigolant comme des baleines à chaque question et à chaque réponse. Et puis vient l’ouverture des chips et des cannettes de coca pour tuer le temps sur la route. Comme tous les Australiens ils sont très généreux, me payent à manger, à boire, sans même me demander, et nous partageons donc ce moment convivial qu’est l’ouverture d’un paquet de chips et d’une canette de coca. Ca bois, ca mange, ca fume, ca rigole, et puis quand c’est fini tous les déchets s’envolent par la fenêtre du 4×4 pour aller décorer le bord de la route. Le tout en roulant vite et en doublant tout le monde avec la musique à fond dans une ambiance « boite de nuit sur l’autoroute ». Je suis maintenant bien loin du voyage « écolo » en vélo-voilier de ces derniers mois, bien loin du rythme lent, calme et même spirituel d’une traversée du désert à la force des mollets ou d’un séjour de plusieurs semaines seul au milieu de la mer.

Retour à la réalité. Retour en Occident, au monde moderne. Retour en Australie par l’entrée principale sur le tapis rouge de la connerie humaine. Sacrée claque dans la gueule ! Il est où mon vélo ? Rendez-moi mon vélo ! Je cris intérieurement.

Pour finir, ils m’inviteront (très sympas) à les rejoindre 2 semaines plus tard à une sorte de safari 4×4-picnic-bière-biture-barbecue-bière-biture-saucisses-bière-biture dans la foret tropicale près de Brisbane. Et moi je suis là à l’arrière de la voiture et j’essaye de placer une question intéressante sur l’Australie, sur leur boulot, sur les Aborigènes, et je me sens seul au monde.

Au final j’aurai passé la plupart de mon temps complétement seul dans cette voiture à me poser plein de questions intérieurement, à observer le comportement d’un Australien dans son milieu naturel, et à me demander si je suis tombé par malchance sur les les types les plus idiots du pays ou bien si je dois m’attendre à passer les 12 prochains mois de ma vie entouré de cas similaires. Question : cas particulier ou simple représentation de l’Australien moyen ? Si c’est ca l’Australie alors je prend l’avion dès demain pour quitter le pays.

Une première expérience d’autostop très facile mais aussi très décevante. Ces types avec toute leur sympathie et leur bonne humeur australienne ( « No worries mate ! Pas de soucis » ) m’ont juste donné envie de quitter leur pays. Triste conclusion après seulement une journée de stop.

Après 400 km d’autoroute me voilà donc à Kempsey où j’ai rendez-vous avec Joseph. Joseph est, tout comme moi, un voyageur-autostoppeur, poète dans l’âme et vagabond à ses heures. Sa situation financière est encore plus mauvaise que la mienne en ce moment, avec quelques centaines de dollars en poche il a à peine de quoi se payer le ferry pour rejoindre la Tasmanie où l’attend son prochain job ! Gros fou rires entre SDF et longues discussions entre voyageurs… Oui, ce soir je suis de nouveau SDF après presque 2 mois à dormir dans ma cabine personnelle sur le voilier de Steve. Le choc est un peu dur, je regrette mon lit à bord du bateau… Heureusement, pour mon retour à « la rue » je ne suis pas tout seul mais avec Joseph, et qu’il est bon de partager la « galère » avec un ami, cela rend les choses supportables, voire « amusantes » (enfin n’exagérons rien non plus). Pendant 3 jours passés à Kempsey nous trimballerons nos sacs à dos aux 4 coins de la ville en cherchant chaque soir de nouveaux squats pour dormir, toilettes publics, gradins du terrain de sport, et enfin un merveilleux squat pour la dernière nuit : le garage d’une maison abandonnée avec ses matelas presque neufs !

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Le squat de rêve après 2 nuits plutôt mauvaises : un garage abandonné rempli de matelas ! Dehors il pleut des cordes, qu’on est bien ici !

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Un bon vagabond ne passe jamais à coté d’un bon plan ! Nous profitons ce soir des cafés gratuits (et biscuits) distribués toute la nuit aux conducteurs sur une aire de repos, dans le cadre de la semaine nationale de la sécurité routière.

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Cela fait plus de 3 mois que je n’avais pas parlé français, excepté quelques courtes conversations téléphoniques ou Skype qui se comptent sur les doigts d’une main. Après autant de temps il est un peu dur de retrouver les bons mots en français, la bonne grammaire, l’esprit pense en anglais, les phrases sortent en anglais, certains mots anglais n’ont même pas de traduction française dans mon esprit. Quelle étrange sensation d’oublier sa propre langue maternelle, mon anglais est toujours aussi laborieux et maintenant c’est mon français qui commence à régresser, ca fait peur !

Je prendrai donc 3 jours de « cours intensif de français » pour me remettre à niveau avec l’aide de Joseph avec qui nous parlerons longuement de nos voyages respectifs, mais aussi de la France qui nous manque à tous les deux.

Juste avant de quitter Kempsey je trouverai un nouvel acquéreur pour ma guitare ! Il y a déjà un moment que je voulais la revendre, faute d’en jouer régulièrement, et ma première journée de stop m’a fait prendre conscience de la « difficulté » à voyager avec un sac-à-dos + une guitare. Ca n’est pas si problématique en soit mais c’est surtout le fait que je n’ai pas l’intention de m’y remettre dans les prochains mois… J’aurai aimé pouvoir garder mon instrument plus longtemps en Australie, continuer à progresser et à en tirer profit en jouant dans la rue comme avant, mais je n’ai plus la motivation pour ca. Je n’ai surtout plus le besoin « vital » de jouer pour gagner mon casse-croute chaque jour, et donc plus la volonté de continuer… C’est dommage, d’un côté j’aimerai prolonger cette vie de vagabond-musicien comme le fait si bien Adrien avec son accordéon, mais d’un autre côté je me sens maintenant plus libre sans la guitare. La liberté de la légerté. Et puis je n’ai pas autant de volonté ni autant de talent que mon ancien camarade de voyage accordéoniste, tout simplement !

Juste avant de quitter Kempsey, donc, en proposant ma guitare à vendre dans une brocante, je rencontrerai Benny, un Australien un peu farfelu mais très sympa qui proposera de me racheter la guitare. Ca tombe bien il venait ici justement pour en acheter une ! Une bonne affaire pour lui comme pour moi : 80$ de plus dans ma poche, ca n’est pas négligeable, et un sacré boulet en moins à transporter.

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Avant de dire adieu à ma guitare, une dernière session acoustique avec Benny, dans sa voiture à l’abri du froid !

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Le passage de main est officialisé, immortalisé par l’image. La guitare avec laquelle j’avais gagné mes premiers dollars en Australie retourne maintenant entre les mains d’un Australien. Objectif atteint, fin de la mission.

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Benny m’emmènera en voiture à la sortie de la ville pour m’aider à reprendre le stop. C’est l’avantage en Australie : tout le monde sait ce qu’est l’autostop, beaucoup d’Australiens ont déjà pratiqué ou prennent souvent des autostoppeurs. Ils sont donc toujours d’une très bonne aide quand il s’agit de trouver un endroit parfait pour tendre le pouce sur le bord de la route. Comme en Nouvelle-Zélande, l’autostop fait partie de la culture et les autostoppeurs font partie du paysage routier au quotidien. Il n’y a généralement pas de peur, pas d’appréhension, ni dans un sens ni dans l’autre. D’ailleurs l’un de mes conducteurs ce jour là sera une jeune Australienne de 23 ans, seule et très jolie, qui n’a pas peur de prendre un inconnu en stop pendant plus de 3 heures de route. Elle est juste un exemple parmi d’autres des nombreuses femmes, jeunes ou moins jeunes, qui m’ont pris en stop en Australie, et toujours avec le sourire, décontracté… No worries mate !

Ensemble nous rejoindrons Byron Bay, la célèbre ville des hippies et des surfeurs, devenue un point de passage incontournable en Australie pour tous les backpackers embarqués aveuglément dans l’industrie du tourisme de masse. Je ne passerai qu’une soirée et une nuit ici, avec une météo catastrophique (froid, vent et déluge) et je ne pourrai même pas aller faire un tour sur l’une des fameuses plages de surf à cause de la pluie. C’est vrai que l’endroit à l’air plutôt chouette, et il parait que les vagues y sont parfaites pour surfer, mais pour moi ca ne restera qu’un lieu de passage sur la route du nord, une ville d’une nuit, et surtout un mauvais souvenir à dormir dehors sous la pluie, seul sur le parvis d’une église et dans des conditions misérables. Je me suis réellement senti être un SDF ce jour là, seul et miséreux, tout mouillé, lamentable, des chaussures usées qui prennent l’eau comme des éponges, perdu dans une ville nouvelle avec mon sac-à-dos comme seul compagnon.

Le jour suivant est le jour où j’ai rendez-vous pour ma première expérience de wwoofing en Australie, à environ 50 kilomètres de Byron Bay. L’autostop sera un peu plus difficile à gérer à cause de la pluie mais je serai pris finalement par une femme voyageant avec sa petite fille, en vacances dans le « nord » pour échapper au froid hivernal d’Adélaide (au sud) d’où elles sont originaires. Très gentille, elle fera un détour de presque 30 kilomètres sur sa route pour me déposer à Lismore, où j’ai rendez-vous avec mes hôtes wwoofing. Je renoue petit à petit avec les Australiens et leur bonne humeur naturelle. Ils ne sont finalement pas tous si idiots. Ouf !

Commentaire(s) (7)

ravi de retrouver ta plume et ta patte d’ecrivain mon cher Julien, plein de bisous de fontaine la guyon.

Voilà encore une jolie description de ta « remise en bouche » australienne après ton aventure dans le voilier.
Il est vrai que ce genre de comportement doit être déprimant concernant ces 2 jeunes au 4 X 4.
Pour ce qui est de ta guitare tu auras tout le loisir de t’en racheter une, dans un autre pays…..
L’ensemble est très bien écrit, et nous percevons, avec tes mots, tous tes ressentis. On attend la suite.

Oula il a pas l’air tres reveille ce type Joseph la !

Quel plaisir d avoir de tes nouvelles.

Depuis l Equateur, j ai le plaisir de pouvoir avoir des sujets de discussion interessants avec les locaux sans passer pour un intello.

Apres quelques jours en Amerique du Sud, alors que mon espagnol etait beaucoup moins bon que mon anglais, je pouvais discuter plus facilement avec les locaux sans ressentir de critique envers ma prononciation ainsi j ai pu rapidement ameliorer mon niveau.

Quand au francais, quand je ne pratique pas, j ai parfois beaucoup de difficulte pour parler.
De meme avec l anglais.
Aujourd hui j arrive a regarder des films en Anglais, Espagnol, Francais sans sous titres mais pour parler, il est beaucoup plus difficile de changer de langues.

Je n ai pas maitrise le voyage en velo mais de ton cote tu ne reussis pas a voyager avec la musique.
Chacun ses qualites ou plutot chacun ses motivations.

Certes tu as une vie de SDF mais tout ces moments a dormir sous le pavillon d une eglise, a rechercher des bons plans pour manger reste des souvenirs magiques quelques mois plus tard. Des souvenirs qui m aident a m endormir et a faire de beaux reves quand je suis dans un bon lit apres avoir ete invite a manger une simple soupe chaude.

Bon courage dans la suite de tes aventures et j attends avec impatience la suite de ton voyage.

L’Australie, c’est énorme, aussi bien sur le plan géographique que social. L’auto-stop est illégal dans certains états (Victoria et Queensland je crois, même si pas mal de conducteurs prennent des voyageurs malgré tout), et reste le plus grand mode de transport pour les fauchés dans d’autres régions.
Il y a beaucoup à voir et découvrir, c’est certains que tu rencontreras des gens qui ont la même approche de la vie que toi. Bon voyage!

Salut Julien !

Ça fait plaisir de te retrouver. C’est encore une belle aventure que tu nous racontes là, avec ton talent pour la retranscrire à l’écrit.
C’est toujours aussi percutant, vif et entier ! Il n’y a qu’à voir cette phrase : « Retour en Australie par l’entrée principale sur le tapis rouge de la connerie humaine. Sacrée claque dans la gueule ! ».
J’adore ton style ! ;-)

Le plus intéressant dans cet article reste cette analyse implicite de ton voyage, qui montre bien que même si l’on a ses préférences pour voyager, le plus important reste une question d’équilibre, et surtout de ne pas aller à l’encontre de ses envies du moment.
Contrairement à vos premiers articles où, probablement sous l’effet de la découverte et du commencement de votre aventure, vous étiez euphorisés par le stop et un mode de vie très rapide ; on ressent maintenant mieux les aspects « négatifs » de votre voyage, qui vous imposent parfois de prendre des pauses, de changer de mode de vie, quitte à ralentir… pour mieux repartir !

Continue de vivre ton aventure ! J’attends la suite avec impatience :-)

Tchoo !

No worries mate!
Marrant ces australiens quand même.
Je suis content que ça se passe bien. Mais j’ai comme qui dirait l’impression qu’on suit avec un peu de retard désormais…
Toujours à Melbourne, toujours à la recherche d’un bateau?

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