Iran [3/5] Yazd, ville du désert

0

Publié par Froggy | Classé dans Moyen-Orient | Publié le 13-04-2016

Mots-clefs :, , , , , , , , ,

Arrivée à Yazd – Une nuit dans la gare routière

DSC03497 [600x450 (tdm_blog)]

C’est à la tombée de la nuit que j’atteins la ville de Yazd, après un voyage en bus de plus de 400 km depuis la région de Shiraz que j’avais quitté en début d’après-midi. (Voir l’article précédent :
« Iran [2/5] Shiraz et Persépolis »)

Je tente une sortie de la gare pour explorer les environs mais suis immédiatement surpris par le froid qui me cloue sur place ! Je ne sais pas si la température est positive ou négative là dehors mais elle est insuportable pour mon organisme qui vient de passer plusieurs années dans des régions tropicales/équatoriales où je portais rarement autre chose qu’un t-shirt… Je rentre aussitôt à l’intérieur, frigorifié. Décidemment plus mon périple m’entraine vers le nord de l’Iran et plus la température chute !

Si quelques jours plus tôt j’aurais encore imaginé possible de passer une nuit à la belle étoile (à Bandar-Lengeh ou à Jahrom par exemple), je ne m’en sens maintenant plus capable. Même avec mon sac de couchage je ne m’y tenterai pas.

Heureusement, la gare routière est grande et bien chauffée ! Le hall principal du bâtiment est immense : à la fois très haut de plafond, très spacieux, et presque entièrement vide… Le chauffage, lui, tourne à plein régime avec de très gros poêles à gaz que l’on peut voir partout en Iran dans les bâtiments publiques. La chaleur dégagée par ces radiateurs me rappelle celle d’un feu de cheminée, douce et puissante à la fois. Ils réchauffent le corps et appaisent l’esprit.

Quelques personnes sont allongées sur les sièges métalliques du grand hall et tout porte à croire qu’elles ont l’intention de passer la nuit -ou une partie de la nuit- ici… Je déciderai d’en faire autant après avoir englouti un bon repas chaud à la cantine du premier étage…

Curieusement, je passerai ici l’intégralité de ma nuit sans être dérangé par qui que ce soit, au chaud, au calme, et me sentant parfaitement en sécurité parmi d’autres passagers en transit. Cette gare est une véritable oasis de chaleur et de quiétude au milieu du froid hivernal, un cadeau du ciel !

Je crois comprendre, simple hypothèse personnelle surgissant entre deux phases de sommeil léger, que cette gare étant située géographiquement au centre du pays elle reste ouverte 24h/24 pour accueillir les bus parcourant de longues distances entre les grandes villes situées de part et d’autre du territoire : depuis Téhéran et Tabriz au Nord, Esfahan, Ahvaz à l’Ouest, Shiraz et Bandar-Abbas au Sud, ou encore les villes de l’extrême-Est iranien comme Mashhad ou Zahédan.

.

Iran_map_Itinary_2014_Article3 [1024x768]
Mon itinéraire complet en Iran est tracé en noir sur la carte. La partie entourée représente la zone couverte dans cet article. (Cliquez sur la carte pour l’agrandir)

.

DSC03444 [600x450_portrait (tdm_blog)]Une journée avec Ebad

Au réveil je ferai connaissance avec Ebad, un jeune iranien qui arrive tout droit de Zahédan, tout à l’Est à la frontière pakistanaise, où il fait ses études. Il est en route vers Téhéran pour rendre visite à sa famille. Il est donc en “escale” ici, à Yazd, entre deux grosses journées de bus, et lui aussi a passé la nuit au chaud dans la gare.

Malgré son niveau d’anglais très limité il souhaitera ardemment discuter avec moi et insistera aussi pour m’offrir un sac rempli d’épices qu’il rapporte de sa région natale (cardamone, citronelle, cannelle) ainsi qu’un gros paquet de bâtons d’un bois particulier servant à se nettoyer les dents (l’ancêtre local de la brosse à dent). Puis il décidera même de retarder un peu son prochain départ pour pouvoir m’accompagner dans Yazd et m’aider à trouver un hôtel.

Nous allons donc passer la journée ensemble à nous balader en ville, visitant quelques grands monuments ici et là, mais je découvrirai surtout ce jour là les fameuses “tours à vent” (appelées badgir) : des tours très anciennes qui servent à capter le moindre souffle de vent et, par un jeu de différence de pression entre la base et le sommet, permettent d’évacuer l’air chaud vers l’extérieur et d’aspirer l’air frais vers le bas de la colone et donc vers l’intérieur du bâtiment. Ce système est nécessaire en été pour refroidir les maisons lorsqu’il fait très chaud dehors (30 à 40 degrés). C’est donc l’ancêtre de la climatisation, tout simplement ! (Evidemment en hiver les badgir ont beaucoup moins d’intêret !)
.

DSC03433 [600x450 (tdm_blog)]
Quatre tours à vent -badgir- dépassant des toits

.

DSC03443 [600x450 (tdm_blog)]
Yazd, aux abords de la vieille ville. Un badgir surplombe le quartier

.

DSC03440 [600x450 (tdm_blog)]
Un exemple de badgir vu de l’intérieur, depuis la base. A cet endroit le léger courant d’air est glacial, alors qu’il n’y a pas un souffle de vent à l’extérieur. Ca marche !

.

Ebad insistera aussi pour m’emmener manger une crème glacée dans une sorte de petit bistrot… En hiver, quelle drôle d’idée… mais il n’y a pas de saison en Iran pour apprécier la glace ! D’ailleurs, je découvrirai aussi ce jour là que la crème glacée fût inventée en Iran (ou plutôt en Perse, à l’époque) il y a bien longtemps, plusieurs siècles avant notre ère.

C’est grâce à des systèmes de réfrigération “naturels” que l’on pouvait la produire et la conserver même en plein été (par 30-40 degrés) bien évidemment sans électricité à l’époque ! Comment ? Grâce à ces étranges bâtiments en forme de dôme (appelés yakhchal) aux murs d’argile très épais, qui conservaient au frais pendant tout l’été la glace que l’on y stockait durant l’hiver. Ces dômes sont souvent associés à des badgir (les tours à vent) et à des qanat (canalisations d’eau fraîche souterraines) pour encore plus d’efficacité. Ce système est donc l’ancêtre du réfrigérateur !

.

DSC03452 [600x450 (tdm_blog)]
Cet étrange bâtiment en forme de dôme est un « yakhchal » servant à conserver la glace et le froid (et donc la nourriture) été comme hiver. Celui-ci est associé à plusieurs tours à vent (badgir).

.

DSC03437 [600x450 (tdm_blog)]
Ebad m’invite à manger une crème glacée : la spécialité locale !

.
A midi, après la crème glacée qui nous a ouvert l’appétit, nous décidons d’aller manger un genre de kebab dans un petit resto-fast-food. Ebad se rend compte qu’il n’a plus d’argent pour payer, il avait mal évalué son budget voyage, le pauvre ! Ca ne change rien, j’avais de toute façon l’intention de l’inviter à manger.

Et puis dans l’après-midi il m’aidera à trouver un hôtel bon marché, un petit hôtel “local” fréquenté uniquement par des Iraniens, d’ailleurs le personnel de la réception ne parle pas un mot d’anglais et j’aurais eu énormément de mal à trouver si j’avais du chercher tout seul. Merci Ebad !

.

DSC03446 [600x450 (tdm_blog)]
Mon hôtel à Yazd, dont je n’ai jamais su le nom !… Pas toujours facile de voyager en Iran lorsqu’on ne parle pas le persan. Heureusement, les Iraniens sont toujours prêts à apporter leur aide.

.

Minuscule chambre carrée équipée d’un lit double et d’un petit radiateur mural, salle de bain et toilettes à l’extérieur de l’autre coté de la cour. Rustique et charmant à la fois. Ce sera mon tout premier hôtel en Iran ! Le but étant d’y passer une nuit ou deux pour prendre le temps d’explorer la ville avec Moonzur, mon camarade français rencontré la veille à Persépolis.

Ebad s’en retourne dans l’aprés-midi à la gare routière où il va récupérer sa correspondance pour Téhéran, et je suis d’ores et déjà invité à lui rendre visite lorsque je serai à Téhéran !

Je reste seul en attendant l’arrivée de Moonzur qui a prévu de me rejoindre dans la soirée. Le lendemain nous irons explorer les vieux quartiers de la ville.

.

DSC03449 [600x450 (tdm_blog)]
Le monument Amir Chakhmâgh à Yazd.

.

La vieille ville de Yazd

Yazd est située en plein coeur de l’Iran, mais également au milieu d’un grand désert aride. Pour survivre et prospérer durant des millénaires (Yazd est l’une des plus anciennes villes du monde) elle a du user de techniques d’architecture exceptionnelles pour s’adapter au climat (très chaud en été, glacial en hiver) et à son environnement aride défavorable.

On peut admirer son architecture extraordinaire en se promenant dans la vieille ville, un fantastique musée à ciel ouvert avec ses innombrables tours à vent -badgir- et autres bâtiments énigmatiques aux formes si originales.

.

DSC03489 [600x450_portrait (tdm_blog)]
Le grand badgir de Dowlat-âbâd : il s’agit du plus haut badgir d’Iran avec ses 34 mètres

.

DSC03487 [600x450_portrait (tdm_blog)]
L’impresionnante voûte au centre du bâtiment Dowlat-âbâd

.

DSC03473 [600x450_portrait (tdm_blog)]
La grande mosquée de Yazd

.

Avec Moonzur nous partons explorer à pied ces vieux quartiers, ces ruelles désertes aux grands murs de brique et d’argile où nous aimons nous perdre pour mieux atteindre les recoins les plus biscornus et innaccessibles.

C’est tellement calme, il n’y a pas un souffle de vent, pas un bruit, pas un véhicule, pas un chat. Nous passons parfois une heure ou plus à errer dans un vieux quartier aux couleurs sable avant de retomber par hasard sur une rue passante. Quelquefois, au détour d’une allée, nous croisons l’un de ces étranges fantômes couverts d’un grand voile noir de la tête aux pieds, apportant malgrés eux leur touche de mystique à ces ruelles d’un autre monde, d’un autre temps.

.

DSC03451 [600x450_portrait (tdm_blog)]
Dans les vieux quartiers de Yazd

.

DSC03482 [600x450_portrait (tdm_blog)]
Dans les vieux quartiers de Yazd

.

DSC03456 [600x450_portrait (tdm_blog)]
Dans les vieux quartiers de Yazd

.

Nous visiterons par chance un ancien bâtiment, assez imposant, aujourd’hui reconverti en hôtel de luxe avec ses nombreuses chambres donnant sur une magnifique cour centrale, ouverte sur le ciel, animée de bassins et de fontaines, et son réseau de galeries souterraines d’où l’on peux observer les canaux de distribution d’eau douce (les qanat) arrivant tout droit de montagnes lointaines. Magique… L’aimable réceptionniste de cet hôtel à qui nous venions simplement demander notre chemin nous offrit là une merveilleuse visite !

Je découvre que de nombreux bâtiments en Iran se sont étendus vers le bas (plusieurs étages en sous-sol) au lieu d’être construits vers le haut, pour lutter à la fois contre la chaleur intense en été et contre le froid en hiver. Ce que l’on voit depuis l’extérieur, depuis la rue, n’est que la partie emergée de l’iceberg, en quelque sorte !

.

DSC03457a [600x450 (tdm_blog)]
Visite de Yazd avec Moonzur

.

DSC03457 [600x450_portrait (tdm_blog)]
A l’intérieur du somptueux « Vali traditional hôtel »

.

Un peu plus tard en nous promenant dans le dédale de l’immense marché couvert, le bazaar, nous dénichons, un peu par hasard mais pas complètement, une porte d’accès donnant sur les toits du bâtiment ! En effet nous cherchions depuis un moment un moyen d’atteindre les toits de la vieille ville, en imaginant les vues spectaculaires auxquelles on aurait droit de là-haut… C’est chose faite grâce à cette porte dérobée donnant sur un escalier en colimaçon débouchant sur une épaisse porte en bois qu’il nous suffira de pousser pour accéder… aux toits de l’immense bazaar !

Et quelle vue depuis là-haut, wahoo !

Nous nous offrons des panoramas spectaculaires sur toute la ville et sur la chaine de montagne qui ferme l’horizon au loin. Les innombrables tours à vent pointent leurs nez partout où le regard se pose, tandis que quelques éminents minarets s’élancent verticalement tels de prodigieux doigts d’honneur pointés vers le ciel. Nous passons des heures à admirer, photographier et flâner sur ce gigantesque réseau de toitures reliant entre eux la plupart des bâtiments du vieux quartier.

La vue est tellement spectaculaire et l’endroit en lui-même si séduisant que nous déciderons de revenir le soir au moment du coucher du soleil, et aussi le lendemain matin pour profiter des premières lueurs et des premières couleurs de la journée !

.

DSC03474 [600x450 (tdm_blog)]
Sur les toits de Yazd

.

DSC03480 [600x450 (tdm_blog)]
Sur les toits de Yazd

.

DSC03465 [600x450 (tdm_blog)]
Sur les toits de Yazd, avec Moonzur

.

DSC03472 [600x450_portrait (tdm_blog)]
Sur les toits de Yazd

.

DSC03478 [600x450 (tdm_blog)]
Sur les toits de Yazd

.

DSC03493 [600x450 (tdm_blog)]
Sur les toits de Yazd, avec Moonzur

.

DSC03497 [600x450 (tdm_blog)]
Sur les toits de Yazd, au soleil couchant

.

DSC03503 [600x450 (tdm_blog)]
Le soleil se lève doucement derrière la grande mosquée de Yazd

.

DSC03504 [600x450 (tdm_blog)]
Sur les toits de Yazd, au petit matin. La lumière rasante laisse entrevoir au fond le sommet enneigé des montagnes.

.

Après une deuxième nuit à l’hôtel, volontairement interrompue aux aurores pour nous laisser la chance d’admirer le lever de soleil sur la vieille ville depuis les toits du bazaar, nous prendrons un bus pour nous rendre à Esfahan, une ville historique située à quelques 300 km au nord-ouest de Yazd.

La suite du périple en compagnie de Moonzur… au prochain article !

.

.

<— Article précédent | Article suivant —>

.

.

Ecrire un commentaire