Wewak : Sable blanc, cocotiers, coquillages et paludisme

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Publié par Froggy | Classé dans Océanie | Publié le 18-08-2015

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Introduction : Arrivée à Wewak

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Trois jours et trois nuits ont passées depuis mon départ de Mount Hagen et depuis que j’ai dit au revoir à mon ami Simon de Kamusi. Trois jours et trois nuits de route et de piste, de bus, de camion, de rivière et de barque à moteur, mais trois jours aussi d’attente, de recherches, de rencontres et de bivouac improvisé. Trois jours durant lesquels j’ai souffert de la chaleur, de la faim, du manque de sommeil et d’une lute désespérée contre les moustiques.

Débarqué à Wewak à l’aube après une dernière nuit épouvantable passée à l’arrière d’un camion tout-terrain, c’est dans un état d’épuisement que je vais reconnecter avec ces lieux familiers mais distants, deux années déjà après mon premier passage en 2011. Le destin a voulu ce matin que je tombe nez-à-nez avec Richet sur la place du marché et me voilà arrivé à Mangar Beach (la plage Mangar) en sa compagnie, où réside la famille Seegar et toute sa petite communauté. (Voir l’article précédent)

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Jour de retrouvailles

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La plupart des gens sont déjà levés et vaquent à leurs occupations quotidiennes lorsque j’arrive au village avec Richet. Je reconnais d’abord les lieux, les habitations de bois sur pilotis construites sur la plage, à quelques mètres seulement de la ligne d’eau. Minuscule village constitué d’une poignée de cabanes rudimentaires, étalé sur une étroite bande de sable parsemée de majestueux cocotiers, coincé entre la bordure de l’océan au nord et celle des marais de mangrove sur l’autre rive.

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Nous arrivons à la maison de Mummy Lyne et de son mari Francis Seegar, le couple que nous avions rencontré sur la route 2 ans plus tôt avec Adrien, dans la remorque d’une Jeep, et qui nous avait invité à passer quelques jours en leur compagnie. N’ayant eu aucun moyen de les contacter durant ces 2 dernières années en Australie (à part une adresse postale à laquelle j’avais fait parvenir une lettre et des photos après les avoir quitté), aucun d’entre eux ne savait que j’étais sur le point de leur rendre visite à nouveau !

La surprise est formidable et la charge émotionnelle intense. Mummy Lynne, toujours aussi émotive, fond en larme à mon arrivée. Je retrouve mon cher ami Jethro (le fils de Lynne et Francis) ainsi que Cedric et Nasmie, deux gaillards que je n’avais pas oublié non plus, nous avions coupé du bois ensemble il ya 2 ans ! Puis Clarissa, Anna et Helen, les charmantes femmes de la communauté, toujours souriantes. Bertha, une femme d’un certain age, est sourde-muette mais pourtant très communicative, elle est aussi la plus douée de sa communauté pour démêler ou réparer les filets de pêche. Damien et Jeffrey, qui travaillent en ce moment avec Jethro à la construction d’une nouvelle maison, se souviennent de moi mais je n’ai gardé d’eux qu’un vague souvenir. Et puis il y a aussi quelques nouvelles têtes : le très aimable Uncle Mac, qui travaillait loin en ville ces dernières années, il est revenu à Mangar Beach pour y construire sa maison et y amener femme et enfant. Graham, un ami de Jethro, est revenu lui aussi en terre natale. Lindsey, que je ne connaissais pas, est arrivé depuis quelques mois, et d’autres encore.

D’improbables retrouvailles sur une petite plage du Paradis au bout du monde.
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On me propose de déjeuner peu de temps après mon arrivée au village (comme à l’accoutumée pour le petit-dèj : biscuits salés accompagnés de thé au sucre) suivi presque aussitôt d’un « apéritif » offert par Jethro en l’honneur de nos retrouvailles : alcool « fait maison » par Jethro lui-même. Il me montrera plus tard ses bonbonnes et son distillateur. Nous nous descendons quelques verres qui arrachent la gorge et je commence à sentir monter en moi l’ivresse mêlée d’un besoin évident de sommeil… Alors Jethro m’emmène voir la maison qu’il aura bientôt terminé de construire et m’invite à y dormir dans la grande chambre à l’étage, que je vais d’ailleurs innogurer car personne n’avait habité ce batiment jusqu’à aujourd’hui !

En guise de sièste, je passerai en fait une grosse partie de la journée à dormir profondément, allongé sur une paillasse dans la grande pièce de l’étage, à l’ombre du toit végétal alors que le soleil chauffe très fort là dehors, et tandis que Jethro et ses gars continuent leur travail dans la pièce d’à côté dont la structure en bois du sol n’est pas encore recouverte de panneaux de bambou.

La fin de journée arrive, la chaleur étouffante de l’après-midi s’adoucie alors que le soleil plonge lentement à l’ouest derrière la forêt bordant la mer de Bismarck. La communauté a plus que doublée depuis ce matin avec le retour de l’école de nombreux enfants qui passent leur temps à jouer sur la plage dans ce jardin d’Eden que l’on oserait imaginer si réel. Après un copieux repas en compagnie de Lynne, Francis et Clarissa (cuisinière en titre) dans la grande pièce sombre et toujours enfumée qui fait office de cuisine, c’est Jethro qui vient me chercher pour reprendre la petite fête du matin là où nous l’avions laissée !

SP_beerRetour au « bar » de la communauté : une minuscule cahute en bois, deux larges bancs couverts de paillasses pour s’assoir ou s’allonger, et même une chaine hi-fi pour faire la fête en musique ! En musique, certes, mais pas trop longtemps car elle fonctionne sur batteries, le village n’étant pas connecté au réseau électrique.

En plus de l’alcool de Jethro, plutôt infect je dois dire, j’aurai l’immense plaisir de redécouvrir et donc de (re)descendre quelques bouteilles du plus célèbre breuvage de Papouasie-Nouvelle-Guinée : la fameuse SP Beer ! Aahhh ce qu’elle m’avait manqué cette bière pendant 2 ans ! Non pas tant pour sa saveur, correcte malgré tout, mais pour toute la symbolique et les souvenirs qu’elle m’évoquait, la légendaire bière des Papous, dont ils sont d’ailleurs si fiers.

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Entre chaque verre de goutte ou de bière, Jethro et ses amis me questionnent sur mon périple en Australie, ils sont très curieux d’en apprendre plus sur ce voyage à petit budget, qu’ils ont un peu de mal à concevoir et c’est bien normal, surtout lorsque je leur parle de mes déplacements en autostop, en vélo, ou de mon rythme de vie « camping et petits boulots ». Ils sont aussi très curieux de connaitre mon point de vue sur l’Australie, ce géant économique et géographique, si proche et à la fois si innacessible pour la plupart des Papous. J’aurai l’occasion plus tard de leur montrer à tous mes photos d’Australie sur l’ordinateur, en leur racontant plus en détails mes aventures et mes petits boulots. Il me semble comprendre qu’ils sont à la fois interressés par tout ce qui concerne leur grande soeur l’Australie mais qu’ils ne quitteraient leur cher village pour rien au monde !

Ce soir, pour ma première nuit à Wewak je m’endormirai comme un sac sur ma paillasse de bambou, ensorcellé par la bière après des semaines de privation. Heureux de retrouver mes amis de Mangar Beach, comblé d’avoir été accueilli avec tant de fraternité et serain de ne pas avoir à penser au lendemain.

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La vie à Mangar Beach

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Les jours suivants seront pour moi des moments de repos et de profonde relaxation, vivant au rythme de mes amis Papous dans leur lieu de vie idyllique et pourtant, me semble-t-il, bien réel. Après une visite approfondie du village et les explications de tout un chacun concernant les changements de ces 2 dernières années (quelques extensions de batiments, une nouvelle maison par ici, une autre rasée par là), je passerai de longues heures à marcher sur la plage, accompagné de Jethro, d’Oncle Mac, ou d’Anna, parfois seul, mais jamais très longtemps à cause de l’armée de gamins tous plus curieux les uns que les autres, ayant pour la plupart un bon niveau d’anglais et une furieuse envie de discuter avec l’étranger que je suis.

Un pic-nic est organisé 2 jours après mon arrivée, une sortie en groupe à quelques kilomètres du village avec pour seules vivres dans nos balluchons quantité de papayes et de comcombres frais. Une fois sur place, dans un petit bois près de la plage, les enfants débordant d’énergie s’occuperons d’aller ramasser des coquillages dans la vase, des noix de coco tout en haut de gigantesques cocotiers qu’ils escaladent sans difficulté, et même des sauterelles et des lézards attrapés avec beaucoup de dextérité en courant dans les herbes hautes ! Un petit feu de camp vient donner du sens à tout celà et nous faisons alors griller notre collecte d’insectes et de lézards pour les manger en amuse-gueules accompagnés du jus frais des noix de coco.

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Beaucoup de balades aussi dans le centre-ville de Wewak, avec Mummy Lyne ou Anna pour les sorties qutotidiennes sur le grand marché au poisson et fruits et légumes frais. Une très longue promenade avec Jethro qui souhaite me faire découvrir tous les recoins de la ville et au passage me présenter à ses nombreux amis, tous plus loubards les uns que les autres ! Quelques sorties avec Cedric qui m’escorte en ville pour tenter de m’aider à trouver un accès internet qui fonctionne (que je ne trouverai jamais) et une connexion téléphonique internationale (que nous mettrons 2 jours avant de dénicher).

Lorsqu’on souhaite recharger un téléphone portable, par exemple, il faut se rendre dans certaines boutiques de Wewak équipées de prises électriques, de déposer son appareil le temps de la charge en laissant une pièce d’un Kina. Pratique, quand on n’a pas l’electricité à la maison !

Anna m’emmènera faire un tour à la marina de Wewak où elle me dit rencontrer parfois des touristes australiens débarquant ici en voilier pour une escale de quelques jours. La marina organise même des soirées dinatoires et musicales tous les samedis soir pour 20 Kinas (~8€) et nous programmons alors de revenir dans quelques jours pour y manger, y boire, y danser. Je ne serai malheureusement plus en état de sortir samedi soir.

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En plus des jolies ballades à pieds autour du village, j’aurai l’occasion de faire quelques sublimes sorties en canoe au milieu des mangroves, ou même sur l’océan le long de la côte. Les petits canoes de bois que les Papous fabriquent eux-même en creusant dans la masse d’un tronc d’arbre sont faits pour transporter une ou deux personnes tout au plus et sont assez difficiles à manoeuvrer quand on n’a pas l’habitude… De plus, la stabilité de l’engin laisse à désirer, surtout lorsque qu’on grimpe à 4 sur un canoe prévu pour seulement 2 personnes ! Petite frayeur lorsque, au moment précis où Uncle Mac et moi-même nous levons pour interchanger les pagaies, déséquilibrons le bateau qui se retourne et finissons tous à l’eau à 200 mètres de la côte, l’appareil photo dans la poche (étanche, mais quand même), tout habillé et n’ayant pas forcément prévu de me baigner ! Un autre canoe venu à notre rescousse, quelque gymnastique dans l’eau afin de remettre notre bateau à l’endroit, et nous voilà repartis, peu fiers et tous mouillés ! C’est déjà la grande rigolade au village, où depuis la plage nos compagnons ont pu admirer notre ridicule cabriole !

Un autre jour, entre deux parties de cartes sur la plage, j’aurai l’occasion de m’essayer à la pêche sous-marine au pistolet-harpon en compagnie de Drunken, un jeune du village qui m’explique que cette activité est difficile même pour les locaux et que la chance est un facteur important de réussite ! En effet, nous rentrerons bredouille ! Heureusement que la pêche a été meilleure pour Jethro qui a passé toute la nuit en mer sur son petit canoe, avec comme seul équipement ses lignes et sa lanterne à gaz.

On peut parfois observer, le soir et la nuit, de petits points lumineux sur l’horizon lorsqu’on regarde la mer. Ce sont les pêcheurs qui, seuls à bord de leurs minuscules canoes de bois, attirent les poissons à la surface à l’aide de très puissantes lampes-tempête.

D’ailleurs, ca n’est pas une surprise, les repas ici sont consitués essentiellement de poisson frais (absolument succulent), cuit sans fioritures et accompagné le plus souvent de riz ou de boules de sagou. Nous mangeons au rythme de 2 vrais repas par jour, l’un en milieu de matinée et l’autre en fin d’après-midi, auxquels nous ajoutons un petit-déjeuner très modeste (biscuits salés + thé/café) au reveil.

Il est de coutume, lorsqu’on est hébergé chez les Papous plus de quelques jours, de participer aux frais de nourriture, et c’est bien normal ! Nous allons donc ensemble au magasin, ou au marché, pour acheter ce dont nous avons besoin : riz, sucre, sel, huile, thé, fruits et légumes frais, parfois un peu de viande, du lait en poudre, etc.

En contrepartie les Papous ne demandent jamais à un étranger de payer directement pour son hébergement, même si d’une certaine manière on rééquilibre les comptes en achetant de la nourriture. Ce qui est je trouve un très bon système, basé sur le partage et non sur le profit.

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Nasmie et Cedric, 2 jeunes « branchés » du village, généralement bien habillés (ce qui n’est pas très courant en Papouasie) me font découvir la musique Papoue sur leur téléphone portable ou sur leur mini chaine stéréo-MP3 portative (en forme de canette de soda). Reggae local et musique des iles de New Britain très appréciée en PNG, je redécouvre aussi Texas Allan, l’un des chanteurs les plus populaires du pays. A découvrir ici sur Youtube !

Je souhaite également partager avec eux une chanson papoue que j’adore particulièrement, découverte en Australie l’an passé, intitulée « West Papua » de Georges Telek, une très grande figure de la musique dans le Pacifique. « West Papua » est une chanson en langue pidgin qui traite de l’occupation militaire et politique de la Papouasie Occidentale (West Papua) depuis la fin des années 1960 par les colons indonésiens. A ma grande joie, tout le monde ici, petits et grands, connait et adore cette chanson. Tous sont capables de la chanter par coeur ou presque. J’en profiterai donc pour l’apprendre moi aussi, et pour me la faire expliquer et traduire en anglais par la femme d’Uncle Mac, une adorable professeur d’anglais. Je découvre alors à quel point les Papous libres de l’Est (de Papouasie-Nouvelle-Guinée) soutiennent le combat de leurs confrères de l’Ouest (Papouasie sous occupation indonésienne). Ce sujet me tient beaucoup à coeur et j’en parlerai plus en détails dans un prochain article.

Enfin, les scéances de présentation de mes photos de voyage auront un certain succès mais ce sont surtout les vidéos de mes différentes activités en Australie qui auront la côte auprès des Papous et qu’ils me demanderons de voir et de revoir, la palme étant attribuée au montage-vidéo sur la cueillette de pomme, bien rythmé par la musique du groupe Fun « We are young ». Vidéo qui fera un tabac parmi les plus jeunes, à la fois pour sa musique et pour son contenu qui déclenchera même quelques vocations : « Et si nous aussi nous tentions de partir à l’aventure en Australie pour y trouver des petits boulots ? »

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Socialisation, alcool et noix de bétel

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Le sport national en Papouasie, c’est le mâchage de noix de bétel « buai » , qui associé à de la poudre de coquillage cuit « kambang » et à une plante épicée « daka » provoque une certaine ivresse et accessoirement colore la salive et les dents d’un rouge persistant. Je me plairai à mastiquer des noix de bétel achetées au petit stand de rue ou sur le marché, socialisant comme le font les Papous à l’ombre d’un arbre et crachant tout rouge le surplus de salive abondant mélé à la purée de bétel à la saveur terriblement amère.

Hommes et femmes passent leurs journées à mâcher des noix de bétel et les abstinents sont rares. C’est en PNG que le taux de cancer de la bouche est le plus élevé au monde, et ça n’est pas une coincidence. Mais il faudra surement plusieurs générations d’éducation sanitaire et sociale (encore insignifinate) pour arriver à changer les habitudes et modérer la consommation de cette plante/drogue. (On pourrait tout à fait comparer le phénomène avec notre bon vieux tabagisme sauf que dans notre cas on ne peut pas mettre ça sur le dos du manque de prévention !)

La consommation d’alcool et de tabac elle aussi est trés élevée en PNG, et son impact sur la santé et sur les relations sociales est loin d’être négligeable. Les petits regroupements entre hommes pour boire de la bière jusqu’à ne plus avoir un sous en poche sont assez courant, et Jethro m’emmène parfois au « bistro » de la plage, cet espace aménagé sous les cocotiers, juste au bord de la mangrove, où l’on peut s’assoir sur une trogne en vidant des bières en présence de la moitié des effectifs du commissariat de Wewak qui vient prendre sa pause en se désaltérant… Des rassemblements alcoolisés qui ne plaisent pas à tout le monde et particulièrement aux femmes de la communauté qui les contemplent avec un certain mépris et surtout cette appréhension légitime que les choses tournent mal, une fois de plus…

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Don du sang

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Mon séjour à Wewak coincide avec le passage de ce qu’on pourrait appeler la « caravane du sang », c’est à dire une équipe médicale détachée de l’hôpital de Wewak qui passe dans toute la ville et dans les villages alentours afin d’organiser des collectes de sang et d’informer la population sur cette démarche encore méconnue.

Alors ici à Mangar Beach, l’équipe médicale installe son atelier directement sur la plage, et toute la communauté est réunie autour de l’infirmière en chef qui explique, à la fois en anglais et en pidgin, comment va se dérouler la collecte. Bien sur, je me porte volontaire et je serai même le premier ce jour là à donner mon sang. En short, les pieds nus couverts de sable blanc, allongé sur un transat en face de la mer et rafraichi par une légère brise à l’ombre des cocotiers… L’infirmière est heureuse d’avoir un premier volontaire déterminé et souriant afin de rassurer les autres villageois qui déjà font la queue pour donner leur sang. Lors de la première giclée à l’interieur de la seringue, la forte dame en blouse blanche s’exclame : « Ohh, regardez, il n’a pas le sang bleu ! Son sang est rouge, comme le notre ! », déclanchant les rires de l’assemblée et enchainant adroitement sur un bref message de fraternité et d’appartenance à un seul et même Dieu, une seule et même humanité, malgré nos différences de couleur de peau.

Je m’en ressortirai allégé d’un demi-litre de sang et joyeusement alourdi d’un joli petit badge aux couleurs de la fondation Papoue du don du sang !

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Baignade et toilette

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Le mot pidgin pour dire « se baigner » est le même que celui pour « se laver » ou « se doucher ». Il s’agit du mot « waswas » (de l’anglais « wash »).

La baignade en mer fait partie du quotidien des villageois car c’est le moyen le plus efficace pour se rafraichir à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Se « rafraichir » n’est d’ailleurs pas le mot le plus adapté car la température de la mer est d’environ 29-30 degrées, mais le contact de l’eau sur la peau est tout de même bougrement agréable après des heures passées à l’exterieur dans la chaleur épuisante des tropiques.

C’est aussi dans l’eau de mer que nous faisons notre « pré-toilette » généralement en fin d’après-midi pour lessiver le maximum de crasse avant d’aller se savonner puis se rincer à l’unique robinet d’eau douce de la communauté. Situé en plein air juste à coté du bar-cahute, hommes, femmes et enfants s’y toilettent indifféremment et sans pudeur au milieu du reste de la communauté qui vaque à ses occupations.

L’océan faisant face aux habitations, c’est aussi le lieu privilégié des villageois et des villageoises en ce qui concerne la grosse commission. A la fois tout proche du village, isolé de la foule et parfaitement à l’abris des regards, il suffit de rentrer dans l’eau en slip de bain ou en sous-vêtement, puis de marcher ou de nager sur 20-30 mètres au large pour avoir l’eau à hauteur de poitrine, et de se laisser aller à ses besoins naturels. Le ballottement des vagues et les nombreux poissons peuplant les côtes feront ensuite un rapide travail de nettoyage et de recyclage.

La mer est aussi peuplée de millions de petites « méduses » (vraiments très petites, moins d’un milimètre) mais pouvant être assez urticantes. S’il n’y a pas de problème particulier lors d’une « simple » baignade, il faut y faire un peu plus attention lors de la toilette complète ou de la grosse commission ! La technique, que m’ont appris les locaux, pour éloigner ces méduses est de faire le plus de mouvement possible sous l’eau avec ses bras afin de créer du remou et beaucoup de bulles d’air autour de soi. Je crois que la méthode fonctionne assez bien, mais celà ne m’a pas empéché plusieurs fois de me faire piquer sur les fesses ! L’irritation qui peut être assez vive les premières minutes disparait ensuite rapidement.

Pour finir sur le chapitre de la mer, je n’ai d’autre choix que d’ajouter une note plutôt pessimiste. Il semble bien que le niveau de l’océan soit en train d’augmenter très rapidement en Papouasie-Nouvelle-Guinée, comme c’est le cas dans d’autres régions du monde. Les habitants de la côte me racontent que depuis une vingtaine d’années ils voient monter le niveau de la mer jusqu’à plusieurs mètres par an. Au point même que tous les 4-5 ans environ ils doivent abandonner les maisons les plus proches de la plage, qui se retrouvent les pieds dans l’eau, pour en construire de nouvelles plus loin. Sauf que l’espace de vie se réduit d’autant et que le phénomène semble être en train de s’accélérer. J’ai moi même constaté que le niveau de l’eau sur la plage était beaucoup plus haut que dans mon souvenir, pourtant séparé de seulement 2 années, avant que mes amis ne me confirment le phénomène. C’est assez flippant… Je me dis qu’à ce rythme là si je retourne là-bas dans 10 ans, la petite plage de Mangar Beach n’existera peut-être plus du tout…

Je ne compte plus non plus le nombre de personnes, quelque soit le pays et y compris en PNG, qui observent les changements météorologiques année après année et l’augmentation de phénomènes extrêmes (pluie, sécheresse, tempêtes, etc.).

Le futur climatique de la planète semble bien incertain.

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Une crise de paludisme au Paradis

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Mangar Beach est véritablement un endroit fabuleux, comme il en existe surement des milliers en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Un village à taille humaine construit au bord de la mer, la plage, le soleil et la végétation tropicale, une vie simple, authentique et déchargée de tout stress, de la nourriture en abondance aussi bien sur terre que dans la mer, des sourires sincères et des visages rayonnant de bonheur… C’est bien dans un petit Paradis terrestre que vivent mes amis papous de Mangar Beach et j’en suis pleinement conscient à chaque seconde passée auprès d’eux.

Et puis, après une petite semaine de séjour sur la plage et au moment même où je commence à penser au départ, une bouffée de fièvre plus forte que les précédentes et des douleurs musculaires persistantes me mettent, un peu tardivement, la puce à l’oreille. C’est Mummy Lynne, à qui je parle de mes symptômes, qui la première va évoquer l’éventualité d’un début de crise de paludisme, une maladie extrêment répandue dans le pays. Je n’ose y croire au début… « Bah, le palu, ca n’arrive qu’aux autres ! »

Moi qui pensait être seulement sous l’effet d’une profonde fatigue, résultat de plusieurs semaines épuisantes de voyage suivi d’un possible excès de soleil ces derniers jours, je me rend compte avec 48 heures de retard que je suis peut-être atteint de la maladie du moustique… Courbatures, douleurs musculaires dans tout le corps et particulièrement fortes au niveau du cou, état général très affaibli, je me décide à me rendre à l’hôpital ! Et c’est Anna qui m’accompagne pour une longue traversée de la ville en bus, pénible, vers l’hôpital de Wewak où je serai reçu après une petite demi-heure d’attente.

Description des symptômes, prise de température, fièvre avérée, puis le chiffre 54 indiqué par l’aiguille de la petite balance de l’hôpital dont j’ai eu du mal à me remettre, et me voilà bon pour un traitement anti-paludique pendant 7 jours. L’infirmière m’explique que théoriquement j’ai le choix entre les comprimés à avaler chaque jour, ou la piqûre dans les fesses (chaque jour aussi), mais que malheureusement il y a rupture de stock sur les comprimés…
C’est ballot !

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En déambulant dans les couloirs de l’hôpital je passe par hasard à coté d’un patient alongé dont la tête est enroulée d’un bandage très ensanglanté, la chemise ouverte tachée de rouge et le bras aussi très abimé… Anna m’explique que ce type est arrivé là dans la nuit après avoir encaissé plusieurs coups de machette sur la tête, y laissant son oreille gauche au passage… Encore une bagarre trop alcolisée qui a dégénérée en bain de sang, comme cela arrive souvent en Papouasie-Nouvelle-Guinée…

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carnet santé png [600x450]L’étape suivante sera mon enregistrement obligatoire auprès du système de santé papou et l’obtention de mon carnet de santé. En tout et pour tout, frais administratifs + obtention des documents + consultation à l’hôpital + achat du traitement anti-palu et des antalgiques (paracétamol), je n’aurai à dépenser de ma poche que l’équivalent d’une vingtaine d’euros, une somme minime même pour les Papous.

Une première injection dans la fesse droite après ma consultation à l’hôpital, puis les 6 injections suivantes (une par jour) seront faites à domicile par une adorable infirmière du village qui se porte volontaire pour m’administrer mon traitement. Un coup dans la fesse gauche, le jour suivant dans la fesse droite, etc. Eh bien je peux vous dire qu’après 7 jours de piqûres et les fesses meurtris on est bien content que ca s’arrête !

La prise de paracétamol toutes les 6 heures, jour et nuit, est indispensable pour supporter les fortes douleurs musculaires et pour faire baisser la fièvre qui me cloue au lit. Je passerai ainsi une grosse semaine allongé, à manger très peu mais à boire énormément d’eau et à vider des litres de sueur dans des draps que chaque jour je fais sécher à la fenêtre de la cabane avec l’aide d’Anna et de Charlton. Je m’efforce de manger un peu de riz quand mon estomac l’accepte mais c’est surtout des fruits frais dont je me régale une ou deux fois par jour, des papayes, des bananes, des noix de coco, que Mummy Lynne ou Anna vont chercher sur le marché pour moi. La famille Seegar s’occupe de moi comme l’un des leurs et je leurs serai éternellement reconnaissant.

J’ai compris en discutant avec mes amis que j’avais dû attraper ce parasite lors de mon séjour dans la région de Bogia/Angoram (East Sepik), quelques jours avant d’arriver à Wewak. Une région marécageuse infestée de moustiques où le taux de transmission de la maladie est l’un des plus élevés du pays. C’est aussi là-bas que j’ai bivouaqué avant de prendre un bateau pour remonter la rivière Sépik, passant une horrible nuit très exposée aux insectes… Et comme on m’explique par la même occasion que le temps d’incubation est d’environ une à deux semaines, celà ne fait plus aucun doute, tout coïncide ! J’ai maintenant le lieu du crime, la date du crime et l’arme du crime ! Saletés de moustiques !

Le paludisme (ou malaria) est une maladie de tous les jours en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Bien sur chaque région a ses particularités et on a moins de chance d’être piqué par un moustique si l’on vit dans la fraicheur d’une vallée d’altitude que dans les plaines marécageuses du Sépik. Mais globalement de nombreux Papous attrapent la maladie régulièrement, hommes, femmes et enfants de tous ages, et il est même fréquent qu’une personne tombe malade une fois par an.

Grâce au traiment médicamenteux accessible presque partout et à un prix abordable, les gens savent se soigner et ne sont malades en général que quelques jours avant de reprendre pied. Le paludisme n’est donc absolument pas une angoisse pour les habitants de Papouasie, à la seule condition qu’ils aillent chercher leur traitement à temps, auprès d’un hôpital de campagne ou d’une pharmacie. J’ai été un peu tardif à reconnaitre et à admettre les symptômes, ce qui a ralongé le temps de guérison. De plus, mon organisme étant fatigué et n’ayant jamais eu à faire à cette bestiole auparavant, il m’a fallu plus d’une semaine pour être complétement rétabli. Et l’infirmière me réconforte en m’expliquant que, non seulement je suis censé être totalement immunisé pour les prochains mois, et que si j’attrape à nouveau le paludisme un jour, alors je guérirai beaucoup plus rapidement ! Chouette !

J’ai été malade dans le plus bel endroit du monde, sur une plage paradisiaque bordée de cocotiers, dans une jolie cabane en bois avec vue sur la mer, entouré de gens qui me considéraient comme un membre de leur famille à part entière…

Bien sur il vaut mieux ne pas être malade du tout, mais s’il fallait choisir alors je prefère 1000 fois une petite semaine de fièvre en Papouasie plutôt qu’une horrible grippe en plein hiver sous nos latitudes, sans soleil et sans espoir.

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(Photo d’archive) – Wewak, Mangar Beach

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(Photo d’archive) – Wewak, Mangar Beach

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(Photo d’archive) – Wewak, Mangar Beach

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Départ de Wewak

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Finalement, c’est presque 3 semaines que j’aurais passé à Wewak, soit 3 fois plus de temps que prévu, à cause de mon état de santé qui ne me permettait pas de partir. J’arrive à la fin de mon visa (60 jours) et je vais devoir à nouveau changer tous mes plans… Impossible maintenant de rendre visite à d’autres familles qui m’avaient hébergé il y a 2 ans dans la région de Vanimo. J’aurais pourtant bien aimé les revoir.

Mais je n’ai maintenant plus une seconde pour moi. En fonction des conditions de route pour les jours à venir, et des démarches administratives à régler à Vanimo (visa indonésien) il est même fort probable que j’arrive avec quelques jours de retard à la frontière… Dans ce cas là je ne sais pas comment ça se passe mais on peut tout imaginer : forte amende, interdiction de sortir du pays, nouveaux problèmes administratifs, etc.

Alors pour mettre toutes les chances de mon côté avant de débarquer bêtement à la frontière en possession d’un visa expiré, je décide de retourner à l’hôpital afin d’obtenir un document rempli et signé par le médecin en chef, justifiant du fait que j’ai été malade, hospitalisé, et mis sous traitement pendant une semaine. Avec l’espoir que ce document magique puisse me dépêtrer de problèmes à venir…

Je quitte le petit paradis de Mangar Beach avec beaucoup de tristesse. Le temps est passé trop vite en compagnie de la famille Seegar et de la communauté qui m’a accueilli a bras ouverts. Je n’ai malheureusement pas pu profiter d’une partie de mon séjour à cause de la maladie, mais pour tout le temps passé en pleine forme alors je garderai un souvenir merveilleux de ce deuxième passage à Wewak. Je promets à Jethro, à Mummy Lyne, à Anna, de repasser les voir un jour, et puis d’ici là nous savons que nous allons pouvoir communiquer par téléphone. Ce qui n’est déjà pas si mal et rend les au revoir moins douloureux…

C’est dans la remorque d’une jeep que je quitterai Wewak dans des conditions encore bien difficiles, avant de rejoindre Vanimo puis la frontière indonésienne dans quelques jours. Mais je vous parlerai de cette toute dernière ligne droite dans le prochain -et dernier- article consacré à la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

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(Cet article parait peut-être illustré de nombreuses photos mais en fait il ne s’agit que des  3 ou 4 premiers jours de prises de vues. Suite à une succession de problèmes informatiques et un vol de matèriel -beaucoup plus tard en Europe- j’ai perdu 90% des photos sur cette pèriode de mon voyage, ainsi que toutes les vidéos. Un sacré coup dur, mais il faut faire avec)

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Commentaire(s) (2)

Notre livre est à nouveau ouvert, et comme toujours l’attention pour dévorer tous ces passages palpitants est présente. Tu vois, dès que l’on « mange » la première ligne l’appétit va en augmentant, et dès qu’arrive le dessert (les photos) nous sommes a peine rassasiés. On attend encore le prochain « repas ».
En parlant de manger, les insectes et les lézards je ne crois pas que j’aurais goûté. Enfin vu le contexte, avec tous les autres gens, faut voir….
Très plaisant de les entendre dire : « oui, bien sur l’Australie pour des petits boulots, mais on aime trop notre village pour partir ! »
Je remarque aussi qu’ils ont l’alcool mauvais…
Quels beaux souvenirs pour toi. Et c’est vraiment dommage que toutes ces photos te soient volées -et en rentrant en Europe- comble de l’ironie.

« C’est ballot ! »
Tu l’as dit l’ami! Pas de chance.

54… et mais faut manger gamin :-)

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