Julien en Papouasie-Nouvelle-Guinée : Retour dans les Highlands avec Simon

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Publié par Froggy | Classé dans Océanie | Publié le 07-06-2015

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A propos du blog : Un an sans articles !

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Juin 2015.
Voilà presque un an que je n’ai plus écrit d’articles, et un peu plus de 5 mois que je suis rentré en France. Cinq mois déjà ! Je n’en reviens pas comme le temps passe vite ici, en France, dans ma nouvelle vie sédentaire.

Je reprends donc avec beaucoup de difficulté l’écriture de ce blog, l’esprit confu, toujours un peu dans le voyage, mais un peu sorti aussi, il faut bien le dire. Me voilà relancé dans une dernière ligne droite pour tenter de retranscrire par les mots mes aventures de ces 12 derniers mois entre la Papouasie-Nouvelle-Guinée et la France, à travers l’Asie du Sud-Est, le sous-continent indien, le Moyen-orient, et l’Europe.

Même si la motivation n’est plus aussi présente qu’avant, même si chaque jour qui passe m’éloigne maintenant un peu plus de ce grand voyage, je tiens absolument à terminer l’écriture des articles (et il en reste quand même un paquet!) pour finaliser ce que j’avais commencé il y a 5 ans avec Adrien, le carnet de route des Aventures de Froggy.

Je ne sais pas exactement combien de lecteurs nous suivaient régulièrement il y a encore un an. Une petite centaine peut-être ? Ou au moins quelques grosses dizaines ? Le compteur du blog nous indiquait environ 200 visites par jour je crois, mais il faut toujours prendre ces chiffres avec des pincettes. Bref, je ne sais combien d’entre vous seront toujours là aujourd’hui sur ce blog, pour partager et vivre avec moi la suite des aventures, comme vous le faisiez si bien avant à travers vos commentaires, vos messages, vos e-mails.

Mais même si je devais être seul à présent à consulter ce blog, je me devrais de terminer correctement le travail d’écriture commencé il y a 5 ans, pour moi-même, pour l’honneur, pour ma famille, pour Froggy.

Je reprends donc l’histoire exactement là où je l’avais laissée au dernier article : en Papouasie-Nouvelle-Guinée, quelque part dans une vallée reculée de la région des Highlands.

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Introduction : Retour dans les Highlands

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Je me trouve à présent dans le minuscule village de Tamal situé au coeur des montagnes au centre du pays, dans la région qu’on appelle les Highlands (le « haut pays » en francais). Nous sommes tout proches du Mont Giluwe et de ses 4300 mètres d’altitude, deuxieme plus haut sommet de Papouasie-Nouvelle-Guinée, et nous nous situons à environ 80 kilomètres au sud de Mount Hagen, l’une des plus grandes villes du pays, mais les conditions de route sont si mauvaises qu’il faut environ 3 heures pour faire le trajet en minibus.

Je suis toujours en compagnie de Simon, mon ami papou qui m’a accompagné depuis Kamusi dans une incroyable aventure à pieds d’une semaine à travers la jungle.

Ici dans le village de Tamal, il m’invite à passer un peu de temps en compagnie de sa famille dans la fraicheur des vallées d’altitude. Nous sommes tous les 2 détruits physiquement après cette longue randonnée, et les 15 heures de bus de la veille sur des chemins de cailloux déglingués ont fini de nous achever. (Cliquez ici si vous souhaitez re-lire l’article précédent)

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Tamal, village du bout du monde

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Qu’il fait froid ici ! Nous sommes en altitude, ca ne pardonne pas ! Et en plein coeur des montagnes et donc aussi bien loin de la mer maintenant. Les journées sont fraiches et agréables mais on peut dire que les nuits sont froides, voire glaciales pour moi qui n’ai connu, à quelques exceptions pret, uniquement un climat tropical chaud durant ces 2-3 dernières années…

En fait, je crois que le thérmomètre devait descendre aux alentours de 10 degrés pendant la nuit,  assez froid pour apprécier une grosse couette bien épaisse, mais aussi pour choper un bon rhume ! Il faut dire que notre chambre est une simple cahute en bois, dont les paroies en bambou tressé sont épaisses de quelques milimètres seulement et qui n’est dotée d’aucun système de chauffage, pas même un feu de bois. Ajoutez à celà une salle de bain rudimentaire, j’ai nommé… la petite rivière de montagne qui passe en bas de la colline, et vous obtenez… un hérmitage calme et rafraichissant loin de la chaleur étouffante des tropiques, oui…, une cure de santé revigorante pour le corps et l’esprit, oui…, mais encore? Et voilà, un bon rhume, je vous l’avais dit !

Je ne m’attendais pas à faire l’expèrience du froid dans un pays situé si prés de l’équateur, mais l’altitude change la donne. Eh oui d’après Simon il parait même qu’il neige parfois, occasionnellement, sur le petit village de Tamal ! Incroyable.
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Une fois de plus le hasard des rencontres au fil du voyage m’a permis, grâce notamment à mon ami Simon, d’échouer dans un endroit des plus improbables, des plus reculés, presque innaccessible, le genre d’endroit où l’on ne mettrait pas les pieds si personne ne nous y invitait. Cela a des avantages et des inconvénients. D’un coté il n’y a pas grand chose à faire, comme on aime si bien le dire pour se justifier (comme s’il y avait besoin de se justifier) de passer quelques jours sans aucune activité particulière, vivre tout simplement, comme le font si bien les Papous; d’un autre coté il y a là la chance pour moi de vivre une expèrience culturelle intense, en étant hébergé au sein d’une famille des plus traditionelles, n’ayant jamais eu de réel contact avec un étranger.

Le village est constitué d’une vingtaine de petites chaumières et de très nombreux jardins. Les habitations sont éparpillées ici et là sur une zone assez vaste, reliées entre elles par des minuscules sentiers qui coupent à travers les jardins luxuruants et les terrains en jachère. Il faut, par exemple pour rejoindre la cabane des toilettes depuis notre maison, descendre 100 mètres de colline en suivant un sentier boueux et glissant à travers une jungle épaisse de plantes potagères qui montent largement au dessus du niveau de la ceinture, chemin qu’il faut parfois arpenter de nuit, à la seule lueur de la lune ou plus souvent encore sous la pluie, en s’efforcant de ne pas glisser dans la boue et surtout de ne pas se perdre en arrivant aux différents embranchements de ces sentiers qui sillionnent les jardins… Et ca, simplement pour aller aux toilettes ! Rejoindre un village voisin est une aventure assez similaire en y ajoutant quelques kilomètres supplémentaires et de vastes zones boisées qui établissent parfois les frontières entre les villages, les clans, les tribus.

Pour contenir au mieux la chaleur à l’interieur de la maison, les batiments sont très petits et il y a généralement un grand feu de bois au centre de la pièce principale, alimenté jour et nuit, faisant office à la fois de cuisinière, de source de lumière (il n’y a pas de fenêtre) et de chauffage (il n’y a pas d’électricité). La pièce principale elle-même est à la fois une cuisine, une salle à manger, une pièce de vie, et une chambre pour ceux qui souhaitent dormir au chaud près du feu. Simon et moi dormons dans un batiment séparé qui ne sert que de chambre à coucher, et qui est dépourvu d’emplacement pour le feu donc dépourvu de toute source de chaleur et de lumière. Petite pièce froide, humide et très sombre, quelques paillasses sur le sol de terre battue en guise de matelas, une grosse couverture par dessus pour survivre jusqu’au lendamain matin, et un bon rhume au réveil !

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Les jardins qui nous entourent sont splendides et s’étalent à perte de vue. Le climat est idéal, il ne gèle jamais vraiment, la température en journée est douce, et c’est une parfaite combinaison de soleil et de pluie régulière qui crée cet écosystème fertile et généreux. Les principales cultures dans ces régions sont la patate douce « kaukau » (que l’on mange à tous les repas, matin, midi et soir) ainsi que différentes variétés de légumes verts « kumu » , mais on y trouve aussi du taro, du yam, des cacahuètes, des bananes, etc.

Très peu de gens parlent anglais au village, à part 2 ou 3 étudiants et quelques enfants qui baragouinent une poignée de mots appris à l’école. Nos échanges sont assez limités et se font dans un mélange d’anglais très basique, de Pidgin (ou Tok Pisin) la langue nationale, et de quelques mots du dialect local. Mais comme partout ailleurs en PNG, l’accueil est exceptionnel, les gens chaleureux, curieux, souriants.

Simon m’emmène visiter à pieds les villages voisins où il en profite pour revoir ses amis après plusieurs années d’absence. Il aime me présenter auprès des siens en racontant mon histoire, mon voyage depuis l’Australie où j’ai passé les 2 dernières années de ma vie, mon arrivée en PNG à bord d’un petit avion cargo et de quelques étapes en bateau depuis Daru, puis notre aventure à travers la jungle depuis Kamusi où nous nous sommes rencontrés 2 semaines plus tôt, et enfin quand on lui demande de quel pays je suis originaire, question fréquente, il évoque vaguement l’Europe et la France que personne ne connait ici, même pas lui-même, alors pour situer un peu mieux la région il se voit obligé de faire apppel aux seules références géographico-culturelles connues ici-bas, je cite : Rome, et Israel !

(conversation type en pidgin ou en dialecte local entre Simon et ses amis) :
- Et alors, il est de quel pays ?
- Il vient de France, heuu… d’Europe, c’est juste à coté de Rome, pas très loin d’Israel…
- Ahhh oui d’accord.

Vous l’avez compris, les programmes scolaires en Papouasie-Nouvelle-Guinée consacrent plus d’heures à l’éducation religieuse qu’à la géographie !

D’ailleurs, et malgré leur grande curiosité, leurs connaissances du reste monde (au delà de la région Asie-Pacifique-Océanie) sont souvent très limitées, ce qui est tout à fait compréhensible, mais leur vision du monde et de la religion (sujet important) est souvent très imparfaite, érronée, voire totalement farfelue. Pour prendre un exemple un peu extrême mais bien réel, un Papou m’avait raconté avec une immense fierté, beaucoup de certitude et des tonnes de détails, l’histoire de Jésus qui, après être né du coté d’Israel, serait venu directement jusqu’en Papouasie-Nouvelle-Guinée à bord d’un bateau avec toute sa troupe, à la rame, pour offrir aux Papous l’illumination divine et les clés du Paradis…

J’imagine très bien certains prêtres ou professeurs papous ayant reçus une éducation et se la réapproprier complétement, y ajouter des éléments, la modifier à leur guise avant de l’enseigner à nouveau à d’autres élèves… qui deviendront eux-mêmes des prêtres ou des professeurs et qui à leur tour passeront toutes ces connaissances à travers le filtre déformant de leur petit cerveau créatif. Un message qui, tout comme le principe du « téléphone arabe », se transformera à chaque passage de personne, ou à chaque passage de génération. D’où les abérations auxquelles on arrive avec un Jésus parcourant la moitié du globe à la rame pour venir en aide aux Papous.

Autre petit détail rigolo de cette éducation religieuse qui à l’origine a été introduite par les missionnaires-colons européens (à partir du XIXe siècle) : Comment dit-on « Dieu » en langage pidgin ? …
Réponse : « Bikman » , de l’anglais « Big man ». Ce qui signifie en francais (pour les moins anglophones d’entre nous) « Grand homme ».

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Mais revenons à Tamal… Pendant ma semaine de repos au village il pleuvra trop souvent pour qu’on puisse faire de vraies ballades dans la région. C’est dommage car Simon m’avait promi que, si la météo le permettait, on irait faire une petite randonnée sur 2 jours pour grimper au sommet du mont Giluwe (4300m) et qu’on pourrai même dormir à l’abris dans une belle grotte en haut de la montagne. Nous sommes décus tous les deux, surtout qu’il m’avait bien vendu la beauté de la région, l’intêret de la ballade, et la relative facilité d’accès ! Mais ca n’est que partie remise… Nous remettons ca à ma prochaine visite.

Alors pour passer le temps lors de ces longues journées grises et pluvieuses, nous jouons aux cartes assis autour du feu dans la pièce centrale de la maison. Je découvre leurs jeux et je leurs en fait découvrir d’autres en échange. Les gens d’ici adorent jouer aux cartes, surtout les plus agés. En petits groupes ou même parfois seuls (avec des jeux comme le solitaire par exemple), il peuvent passer des journées entières à jouer aux cartes en attendant le retour du soleil. Nous rigolons bien ensemble, même sans parler la même langue, avec des cartes dans les mains on se comprend toujours !

Quelques jours seulement après mon arrivée à Tamal on commence à me surnommer le « Mountain Mangi » , « le gamin de la montagne » en pidgin ! J’adore mon nouveau surnom papou ! Simon et ses proches ne peuvent plus s’arrêter de chanter le refrain d’une chanson papou qui parle justement d’un « mountain mangi », ils s’en donnent à coeur joie et nous rigolons bien !

La semaine passe ainsi lentement et agréablement entre nos petites ballades autour du village et ces longues parties de cartes dans l’obscurité de la chaumière, agrémentée de délicieux repas de patates douces 3 fois par jour, d’un certain repos méditatif au bord du feu et de nuits fraiches mais réparatrices sous l’épaisseur de la couette. Je soigne mes bobos et reprends des forces doucement, Simon en fait autant. Chevilles et genoux, hanches et plantes de pieds, tout ce qui avait souffert lors de la grande randonnée se remet doucement en place.

Lors de nos ballades vers les villages voisins Simon m’explique qu’il existe encore des « conflits tribaux », c’est à dire des conflits ouverts entre 2 tribus ennemies aboutissant parfois à des combats et plus rarement à des assassinats. Il y a donc certains villages que nous voyons au loin sur la colline, qu’il me montre du doigt, où nous ne mettrons clairement pas les pieds, car ils sont habités par une tribue « ennemie ».

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Un cassowarry en cage, engraissé pour être mangé, sa viande est réputée très bonne mais je n’aurai pas l’occasion d’y gouter. Les plumes colorées servent aussi pour la confections des costumes traditionnels. Très gros oiseau, très bel animal, j’en avais déjà entendu parler en Australie mais sans jamais l’avoir aperçu, c’est un oiseaux agressif, dangereux, voire mortel, si on l’approche d’un peu trop près.

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Mount Hagen, ville de transit

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Mount Hagen, troisième plus grande ville de PNG avec ses 46000 habitants, nichée au coeur des montagnes dans la région des Highlands. Derrière ce nom qui m’évoquait jusque là le dépaysement de la Nouvelle-Guinée, l’altitude tropicale, et surtout le célèbre festival culturel (le « Mount Hagen Show » , l’un des plus grands de PNG), derrière ce nom se cache en fait l’une des villes les plus sales du pays.

La boue recouvre le sol d’une grande partie de la ville, le reste est couvert de déchets en tout genre. Les millions de crachats rouges des Papous machant des noix de bétel apportent la touche finale à ce tableau répugnant. Rien n’est entretenu, rien n’est nettoyé. Aucun ramassage des ordures n’est organisé et des amoncellements de plastique et de verre font leur apparition à chaque coin de rue. Quelques voitures se frayent un chemin au milieu de ces rues peu accueillantes et de nombreux passants vaquent à leurs occupations comme dans toute ville digne de ce nom. Les odeurs de pots d’échappements se mélangent à celles de la boue, des détrituts, des animaux, et de la noix de bétel. Mount Hagen, ville poubelle.

C’est dans ce décor immonde que je passerai une journée à déambuler de boutiques en boutiques et de bureaux de poste en librairies à la recherche d’une simple carte postale pour souhaiter le plus rapidement possible un anniversaire en France… La ville n’est pas très grande mais il m’aura fallu une après-midi entière à questionner les passants, avec l’aide de Simon, et à traverser les quartiers de part en part et dans toutes les directions pour y trouver des boutiques fermées, inexistantes, ou ne vendant tout simplement pas de cartes postales… La plupart des gens ici ne sachant pas ce qu’est une carte postale, à mon grand étonnement car j’imaginais la ville un peu plus touristique grâce à la réputation de son grand festival annuel qui attire de « nombreux » Australiens. Il n’en est rien ! Je finirai quand même par dégoter cette fichue carte dans un petit bureau de poste ouvert seulement quelques heures en fin d’après-midi. Mission accomplie ! Je ne vous raconte pas la difficulté de ma deuxième mission du jour à Mount Hagen, qui fût de dénicher un téléphone fixe avec une liaison internationale afin de passer un bref coup de fil en France, n’ayant eu aucune connexion internet/téléphone depuis plus d’un mois.

Simon continue d’aller à la rencontre des membres de sa famille éparpillés ici et là dans la ville et dans les villages de banlieu. Je le suis sans jamais trop savoir à l’avance où nous allons et combien de temps nous allons rester. Les nombreux trajets en bus et les longues conversations en pidgin incompréhensibles finissent parfois par m’ennuyer terriblement.

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Nous passerons aussi 2 jours et 2 nuits chez la tante de Simon à coté Mount Hagen où il invitera ses meilleurs amis et une partie de la famille en vue d’une grande présentation de mon voyage sur l’ordinateur. Je passerai alors la soirée à présenter mon aventure devant une vingtaine de personnes entassées les unes sur les autres dans le minuscule salon de la maison. Photos, vidéos, itinéaires et cartes du monde, explications des concepts de voyage en surface et à petit budget, en vélo et en autostop, présentation de mes petits boulots en Australie afin de financer mon retour en France, etc. Tout le monde est très excité d’avoir droit non seulement à la venue d’un Blanc à la maison, mais en plus à une soirée thématique sur le voyage avec présentation sur ordinateur et à domicile !

Je me souviens de la fascination qui les a animé toute la soirée, attentifs du début jusqu’à la fin et profitant du moindre silence pour poser l’une des 1000 questions qu’ils avaient en tête afin d’en apprendre toujours et toujours plus.

Quel est mon métier, suis-je marié, ai-je des enfants, combien de frères et soeurs, comment s’appellent mes parents et que font-ils, à quoi ressemble mon « village » (mon pays), et que mange-t-on dans mon « village » ?… Questions classiques chez les Papous. Et puis, viennent des questions plus précises ou plus techniques comme : Est-ce que c’est vrai qu’il y a 4 saisons dans ton village ? As-tu déjà vu la neige ? Est-ce que vous cultivez des patates douces ? Avez-vous des bananes, du sagou, du riz ? Comment sont les filles de ton village ? Est-ce que vos villes sont propres ? Et l’état de vos routes, ca doit être meilleur qu’ici, pas vrai ? Et comment fais-tu pour voyager si loin de ta famille ? Tu n’as pas peur tout seul ?

Une curiosité sans limite avec des centaines de questions à la clé, l’oreille attentive et l’esprit receptif, le sourire toujours présent à l’écoute des réponses comme pour mieux montrer qu’ils comprennent, qu’ils aiment et qu’ils en redemandent. Au final, ce fût un véritable moment d’échange culturel et une très belle soirée pour eux comme pour moi.
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La fin d’une aventure

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C’est ici à Mount Hagen que Simon et moi devront nous dire au revoir. Nos chemins se séparent après plus de 2 semaines innoubliables et chacun va rependre sa petite routine de vie. Simon s’en ira passer quelque temps auprès de sa famille dans les Highlands avant de prendre un vol pour retourner travailler à Kamusi, où nous nous étions rencontré. Quant à moi, je vais continuer comme prévu ma progression en surface vers le nord-est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

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Avant de quitter son village natal de Tamal, Simon m’avait expliqué la tradition des bâtons de marche. Ces 2 beaux morceaux de bois que nous avions taillés au début de notre grande randonnée, ces solides bâtons qui nous avaient tant supportés lorsque nous étions dans la jungle, les pieds dans la boue, tribuchant dans les dédales de racines aériennes, glissant sur les rochers mouillés, titubant de fatigue ou de faim. Lorsque nous avancions à marche forcée vers le nord et la civilisation. Ces bâtons de marche auquels nous sommes tant attachés ! Aujourd’hui, ils sont suspendus à la charpente de sa petite chaumière, à Tamal, ils resterons là jusqu’à mon retour au village, dans quelques mois ou dans quelques années, et lorsque je reviendrai alors pour fêter mon retour parmi eux on décrochera les bâtons, on y embrochera 2 beaux cochons engraissés avec soin pendant des années et on les fera cuire au feu de bois pour un grand festin avec l’ensemble du village. Une fois le repas terminé, les cochons dévorés, les ventres bien remplis, on brisera les bâtons de marche pour marquer la fin de la cérémonie et pour se souvenir de la Grande Randonnée.

Tradition qui j’espère se réalisera un jour, à la seule condition que je retourne à Tamal pour rendre visite à Simon et à sa famille.

Mais pour l’instant, c’est l’heure des au revoir. Simon m’a accompagné à Mount Hagen pour cette dernière journée afin de m’aider à trouver un bus à destination de Madang, ma prochaine étape. Il restera avec moi dans le minibus pendant une petite heure avant que celui ci ne soit suffisamment plein pour pouvoir partir. Nous partageons alors notre dernier repas ensemble, un sandwich au porc dégoulinant de graisse, un soda et quelques biscuits, assis sur les banquettes défoncées du vieux véhicule et agonisant de chaleur sous le soleil de midi.

Malgré sa carrure de boxeur et son caractère impulsif, Simon est très sensible comme j’avais pu le découvrir par le passé. Il n’arrivera pas à retenir ses larmes lors de notre séparation.

C’est la fin d’une aventure humaine, la fin d’une histoire inoubliable, Simon mon ami papou qui ne parle pas anglais mais qui pour moi a remué ciel et terre afin de rendre mon voyage en surface possible.

Le bus démarre, Simon sort pour laisser monter le dernier passager et donne quelques consignes au chauffeur, je crois qu’il arrange déjà mon futur hébergement à Madang. Nous nous serrons la main une dernière fois par la fenêtre ouverte du véhicule et il reste là, planté seul au milieu du grand parking de la « gare routière » : un vaste espace boueux où des dizaines de minibus patrouillent en cherchant des clients pour telle ou telle destination. Il ne souri plus et ses yeux sont brillants, il me fixe. Je lui cri que je reviendrai lui rendre visite, que je lui enverrai des photos par courrier, et que je l’appellerai dès que je le pourrai. Je suis triste, je réalise tout ce qu’il a fait pour moi, pour rendre mon voyage en surface possible depuis Kamusi, depuis 2 semaines. C’est incroyable. Les Papous sont incroyables. Simon est extraordinaire.

Je le perds de vue. Nous roulons vite déjà. Le soleil brûle à travers la vitre, mon corps tout entier baigne dans sa sueur. Une larme coule sur ma joue. J’avale la dernière bouchée de mon repas, mes mains sont grasses et puantes, je n’ai rien pour les essuyer. Nous quittons la ville par l’Est, en direction de Goroka, la chaleur suffocante à l’intérieur du véhicule et les premiers nids de poule m’annoncent déjà la couleur de ce voyage qui durera 12 heures.

Me voilà seul à nouveau.

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Commentaire(s) (26)

Un réel plaisir de t’accompagner une dernière fois pour cette dernière ligne droite. Je suis impatient de lire la suite. Merci encore pour ce partage!

Salut Jeremy et merci pour ton message, tu es la première personne à laisser un commentaire sur cette nouvelle série d’articles après un an d’absence, et c’est un honneur pour moi :-)

Salut Julien, un grand plaisir de te retrouver en chemin et de lire tes aventures ! Merci, merci, merci !

magnifique…
cela faisait longtemps que j’espérais d’autres articles narrant ton périple…!!!

Enfin des nouvelles ! Un grand plaisir de lire la fin de tes aventures, toujours aussi passionnant!

Merci d’avoir repris la publication de tes (excellents) articles Julien ! Bien content d’être repassé par ici et j’attends les autres avec impatience. Vraiment envie d’en savoir plus sur les aventures du « retour » depuis le temps :) .

Je suis toujours tes aventures depuis 3 ans maintenant. C’est en partie grace à vous deux que j’ai commencé ma vie de voyage, il y a 5 ans. Merci de partager avec nous tous ces récits.
Que fais tu maintenant en France?

En France sepuis 5 mois, je suis toujours dans une phase -difficile- de transition-réadaptation-réacclimatation. Je reprends doucement l’intérim et les petits boulots, et continue de m’interroger sur mon avenir professionnel…

Bonjour à tous et un Grand Merci pour vos premiers messages qui me font chaud au coeur !

Jeremy, David, Pascal, Christopher, Tapor, Tony… C’est super de vous retrouver à mes côtés pour la suite de l’aventure :-)
Je ne m’attendais pas à autant d’entousiasme à la reprise de ces articles, sur ce blog que je croyais déjà un petit peu « enterré » sur la toile, toile qui en propose de nombreux et nouveaux chaque jour qui passe.

Vous m’apportez l’énergie et la motivation qui me permettront de continuer non seulement à écrire, mais surtout à prendre du plaisir à écrire !

salut

Fidèle lecteur depuis le début de l’aventure, je revenais régulièrement sur le blog pour connaitre la suite et la fin de l’aventure. C’était comme s’il manquait les dernières pages d’un super bouquin…c’est vraiment cool de te retrouver. Merci.

Merci Dan !
L’écriture des « dernières pages du bouquin » de mon aventure est en cours, lentement mais surement. Cela me tient trop à coeur de ne pas laisser ces dernières pages vierges…
Même si l’inspiration commence à me manquer parfois. Alors merci beaucoup pour le soutient !

Merci de nous apporter la fin de tes aventures! Je continue à suivre également, la PNG semble un pays intrigant, à découvrir!

Bravo pour ton article, c’est un délice de le lire (et de le relire). On ressent beaucoup d’émotion dans ton écriture, c’est un hymne à l’amitié et à la fraternité. Très touchant. Stéf.

Bonjour Julien,

Je decouvre ton site aujourd’hui en faisant une recherche sur la PNG.
J’ai lu ton aventure comme un roman et en attend la suite desesperement.
Moi meme voyageuse au long court, je comprends ton difficile retour en France et à une parfois triste realite du monde occidental. C’est pourquoi j’ai personellement choisi de plus rentrer. 6 ans et 9 pays differents pour y vivre et des tas d’aventures et differents voyages.
Le prochain est donc tu t’en doutes la PNG. Je pars avec ma maman qui est toute autant baroudeuse que moi. Apres avoir fait l’Inde ensemble, et apres qu’elle soit venu me rendre visite un mois sur mes presque deux ans au Cambodge, nous revons de PNG.

Pour cela, j’avoue que j’apprecierais grandement tes conseils. Est il facile de voyager seules? 2 femmes? Comment faut il proceder pour rencontrer les locaux tout en les respectant au plus haut point? Nous adorerions visiter et surtout echanger avec eux! Penses tu que nous pourrions emmener des photos de notre « village » pour leur montrer ou encore des petits cadraux? Ou cela va t il les froisser?
Nous arriverons depuis l’australie a la capitale et nous demandons comment rencontrer des gens sympathiques et aidant puisque la capitale n’est pas la partie la plus securisee et surtout la partie qui nous interesse.

J’espere ne pas vous ennuyer avec mes demandes de conseils, tout conseil ou idee est bienvenue. J’espere vous lire a nouveau bien vite.

Bons futurs voyages et bon vent comme on dit chez moi.

Marion

Bonjour Marion,

Merci beaucoup pour ton message.
Je ne peux que vous recommander à toi et à ta maman d’aller explorer la PNG, si le pays vous attire et si vous êtes prêtes physiquement et psychologiquement à voyager dans des conditions difficiles, et aussi si vous avez déjà voyagé en indépendant avant ca, alors n’hésitez plus.

La PNG est un pays où il n’est pas facile de voyager seul-e-s, car les conditions de transports sont très mauvaises, et les infrastructures (touristiques ou autres) quasiment inexistantes. Mais c’est aussi ce qui fait le charme du voyage dans ce pays. Il faut s’attendre à des difficultés et à beaucoup d’imprévus, à changer ses plans. Donc il est préférable de ne pas avoir de projet trop précis en arrivant !

Il y a un risque supplémentaire à être une femmes (ou des femmes) car les Papous, malgré toute leur gentillesse et leur humanité, ont l’alcool mauvais, et une partie d’entre eux peuvent être violents et devenir incontrolables.

La règle d’or a respecter est de ne jamais sortir seul-e-s le soir, notamment dans les villes (et peut-être aussi la journée en ce qui concernent les grandes villes : Port Moresby, Lae, Hagen…).

Mais vous verrez que 99% des Papous que vous allez rencontrer seront charmants et qu’ils vous prendront sour leur aile, qu’ils vous inviterons à manger/dormir, qu’ils vous accompagnerons à l’exterieur pour les ballades, et qu’ils ferons tout pour assurer votre sécurité (parfois même un peu trop !).

Donc : éviter tout contact avec une personne ou un groupe alcolisé (même des gens recontrés avant). Et lors de vos sorties à l’exteireur, restez tout le temps avec les Papous de confiance qui vous hebergent.

Il est très facile de rencontrer et d’échanger avec les locaux. Vous allez voir que tout se fait naturellement. Ils vont être curieux et vont venir d’eux-même vous voir pour discuter. Vous pouvez aussi aborder n’importe qui dans la rue (à l’exeption des bandes de jeunes trop bruyants le soir, et de toute personne possiblement sous alcool ou vous paraissant louche).

Je pense que les plus beaux cadeaux que vous pouvez leur faire sera de leur montrer les photos de votre « village », votre pays, votre famille, votre maison, etc. et de leur expliquer comment vous vivez en France. Emportez avec vous des photos « papier » (de vous) pour pouvoir leur en donner quelques unes en souvenir, lorsque vous les quittez. Prenez leur adresse postale afin de leur envoyer un colis plus tard depuis la France (pour y mettre les photos imprimées, entre autres, ce que vous voulez). Vous pouvez aussi venir avec une carte mémoire ou clé USB contenant de la musique francaise (ou toute autre style que vous aimez) afin de partager avec eux. Vous pouvez même prendre plusieurs cartes mémoire pour en laisser quelques unes aux plus interressés. Des vidéos aussi (clips musicaux, films d’action, etc). Imaginez que la plupart n’ont pas internet mais que tous aimeraient avoir accés à tous ces médias : musique, clips, films, etc.

Si vous avez un appareil photo polaroïd cela peut être une excelente idée de l’emmener avec vous pour leur donner instantanément les photos prises avec eux.

Je ne suis pas sur qu’apporter des cadeaux soient la meilleure idée, mais si cela vous fait plaisir alors faites le, personne ne le prendra mal ! (mais plutôt quelque chose de personnel, que vous avez fait vous même ou qui représente votre « village »…). Vous pourriez même leur apporter des livres (en anglais) sur l’histoire de votre « village » avec beaucoup de photos, pour les enfants, par exemple. (mais bon la place dans le sac… pas terrible).

La capitale est loin d’être le meilleur endroit pour passer du temps et je vous conseille de quitter Moresby aussi vite que possible. Mais vous y trouverez aussi des gens accueillant, ca sera juste un peu plus compliqué. Attention aux taxis et aux arnaques en tout genre dans la capitale. Si vous ne savez pas où dormir il y a le dortoire du « Salvation Army » pour quelques euros la nuit, fréquenté exclusivement par les Papous mais s’il y a de la place vous serez acceptés aussi !

Bon courage pour les préparatifs et bon voyage en PNG. Tenez moi au courant de votre avancée, et je peux aussi vous envoyer des adresses ou des numéros de téléphone de contacts en PNG. Dites moi si cela vous interresse.

A bientot !

Vive Mountain Mangi et son ami Simon.
Quand tu retournera partager le porc roti avec lui, tu lui transmettra mes salutations et mes remerciement pour avoir pris soin de toi.
Oh que j’aime la PNG à travers tes articles.

Merci Yogo !
Je n’y manquerai pas. Et puis qui sait, peut-être que lorsque je retournerai en PNG rendre visite à Simon, nous serons ensembles pour cette aventure et tu pourras le rencontrer toi aussi ;-)

Ça serait génial!
J’adorerai!

Salut, on c’était croisé à Darwin, je te croiser des fois quand je rentré chez moi,on devait se voir puis.. Anyway
Un grand plaisir de savoir que tu vas nous écrire sa !!!
Moi je rentre la semaine prochaine après 3 ans sur la route, la je suis en nouvelle-caledonie.
Merci, au plaisir take care

Samut Greg,

Je me souviens de toi, de notre rencontre furtive à Darwin, lorsque j’étais sur mon pédicab, à l’angle de rue devant le MacDo ou je ne sais quel fast food ? C’est bien ca ?

J’aurais aimé qu’on ait plus de temps pour discuter ou pour se revoir car cette rencontre fut vraiment rapide, en pleine soirée de rush-pédicab !
Mais j’étais bien occupé à Darwin avec mon travail qui m’occupait plus de 12 heures par jour, et toi peut-être aussi très occupé à ce moment là, je ne me souviens plus ce qui t’amenait à Darwin…?

Alors, ca y est, tu es rentré en France après ta dernière étape en Nouvelle-Calédonie ? Comment se passe ton retour après 3 ans… pas trop dur ?

Je m’associe à ce flot de compliments. Tes articles sont toujours aussi poignants et on ne décroche pas.
C’est à nouveau l’aventure, ton aventure, et un peu notre aventure. Dan du 12-6 à bien résumé en quelques mots.
Bravo pour ce travail de rédaction et pour recaler les souvenirs (toujours aussi vivants…)
On attend la suite.

Fidèle lectrice de vos aventures depuis le début, c’était une grande frustration de ne pas connaitre la suite. Merci pour tous ces articles passionnants, ces rencontres émouvantes. C’est très enrichissants, nous apprenons beaucoup. Et pour parfaire nos réflexions sur les travers de nos habitudes occidentales, ce sera super de nous raconter vos impressions au retour, sans craindre de nous heurter.
Merci, merci pour ce partage.
Annie

Je ne vais pas faire dans l’originalité puisque les précédents commentaires le disent très bien. Fidèle lecteur depuis le début de l’aventure, et c’est avec grande joie que je lis ces lignes toujours aussi bien écrites nous offrant images et émotions. Vraiment impatient de connaître la suite du voyage et de savoir quels sont tes projets maintenant que le retour est déjà bien amorcé. Dans tous les cas bon courage pour écrire la suite et surtout plein de réussite dans tes expériences présentes et futures.

Merci Mathieu, et Annie D, pour vos messages. C’est un plaisir immense de lire ces quelques mots, si puissants.

Mes projets actuels : petits boulot en France (intérim), réadaptation tranquille, sans forcer, écriture des articles « Asie – Moyen Orient – Europe » dans les prochains mois.

Ensuite, d’autres voyages, peut-être, plus courts surement. C’est encore flou. Mais l’envie de voyager est toujours là.

;-)

C’est avec un grand retard que j’ai lu ce dernier article.

Toutes mes félicitations Julien, pour l’écriture et pour ton attitude pendant ce voyagé épique.

Figure-toi qu’en lisant les paragraphes relatant ton au revoir avec Simon, j’ai presque ressenti ce qu’il t’a transmis, et qu’une larme a perlé.

Quel voyage tu as fait décidément l’ami.

Puisses-tu le faire sans forcément bouger, paisiblement, de l’intérieur.

Au grand plaisir de te revoir bientôt.

Bonjour David,
C’est avec un grand retard que je réponds à ton commentaire…

Un immense merci à toi pour ce message qui me va droit au coeur.
Ta parole est pleine de sagesse.
C’est vrai, j’aimerai pouvoir vivre aussi intensément sans aller chercher le bonheur à l’autre bout du monde, mais je n’ai pas encore trouvé le moyen d’y parvenir.
Le temps finira bien par m’apporter des éléments de réponses ou des pistes de réflexion…

Au plaisir, mon cher David !

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