Traversée du Sahara Occidentale en autostop, et découvertes de l’hospitalité au Maroc d’Agadir à Taroudant 1/4

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Publié par Froggy | Classé dans Afrique | Publié le 06-09-2014

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104_0048-largeur-max-1024-hauteur-max-768Il fait chaud, 35°C, je n’ai pas d’ombre, je suis à la frontière sans un village marocain avant une centaine de kilomètres et les taxis attendent leurs clients .

En autostoppeur novice, je n’aurais pas même tenté le stop dans de si mauvaises conditions et j’aurais donné les 10 euros inespérement économisé en Mauritanie pour partager un taxi avec un Africain et rejoindre la prochaine ville .

Les Sénégalais, Maliens, Ivoiriens, l’autorisation de séjours en poche claquent sans hésiter leurs billets pour se rapprocher un peu plus de l’Eldorado européen. Ils sont riches. Au Sénégal, nombreux étaient à avoir 3 millions (4500euros) à me prêter pour les aider à faire le voyage illégal jusqu’à la France. Pourquoi n’investissent-ils pas dans leur pays ? Avec 4500euos au Sénégal, avec un administration plus allegée qu’en France, on peut se lancer dans de très beau projet professionnel. En 6 mois à Paris, il ne leur restera plus rien.

« La connaissance est la liberté, l’ignorance est l’esclavage » ai-je lu sur le t-shirt d’une étudiante italienne il y a quelques jours. On pense souvent que j’ai perdu mon temps avec mes études d’ingénieur et avec mon voyage interminable, inutile et fatiguant . Pour moi, toutes les connaissances acquises par les nombreuses experiences me permettent de vivre en pleine liberté et de ne dépendre de rien. Je ne subis pas la vie comme ses nombreuix africains, je ne suis pas un esclave du temps , de l’espace ou de l’argent ; j’en suis le maitre, encore élève car je ne maitrise pas tout les rouages complexes de la vie crée par des forces encore mal connues de notre science trop physique et pas assez spirituel, métaphysique.

Je termine mon tour du monde enrichi de paix interieur tel un grand-père à l’aube de sa mort, mal compris par ses petits enfants baignés dans le savoir partiel des universités . Je profite de mes derniers instants, j’ai appris que le bonheur se vit dans l’instant présent, ne pas le chercher, ne plus vouloir prendre un livre du Routard pour découvrir les 10 incontournables à voir et à faire au Maroc. Je n’ai pas réussi le tour du monde parfait car il n’existe pas et que les critères de qualités sont aussi différents que chaque être humain . Je suis fier de regarder en arrière et de me rappeler des centaines d’expériences vécues au cours de ses 4 petites années, un concentré de vie où se mèle les joies et les douleurs mais où le regret n’a pas sa place. Quelle chance ai-je eu d’avoir été invité par le destin à voyager !

En autostop direction le futur

Noyé dans mes méditations, je ne verrai pas le temps passé et un camion s’arrêtera. Le routier est ravi de discuter avec quelqu’un lors des 12 prochaines heures de routes à travers le desert.

-          « Pourquoi tu transporte rien dans ton camion pendant 800 km ? »

-          « Que veux-tu que je ramène de Mauritanie ? Ils ne savent rien faire, même pas la cuisine ! Quand je transporte de la marchandise en Mauritanie, Sénégal ou Mali, je suis obligé de faire le Ramadan, tout est sale, et mal cuit dans de la mauvaise huile en trop grande quantité. As-tu mangé des Tagines au Maroc ? Tu verras ici, on cuisine bien, on a une bonne agriculture, on est éduqué, propre et on travaille. Le Maroc ce n’est plus l’Afrique. »

Après 2h au milieu des plaines arides, nous nous arrêtons prendre un peu d’essence et découvrir la cuisine marocaine. Le tagine est totalement différent de la Mauritanie. Les légumes sont nombreux et colorés, il n’y a pas seulement des oignons et quelques pommes de terre. Le tout est cuisiné dans un tagine en terre et pas dans une casserole en inox, la viande de dromadaire a été grillée et saupoudrée d’épices. Fini la viande bouillie dans l’eau.

Quand au thé, je m’étais habitué au Sénagal puis en  Mauritanie à des verres remplie à 1 centimètre avec 1 centimètre de mousse et à attendre une demi-heure pour avoir le deuxieme verre. Au Maroc, le temps s’accelere. On ne passe pas autant de temps à faire la mousse et on enchaine plus rapidement des verres bien remplis.

Je reprends le plaisir de prendre le repas assis sur une chaise et non accroupis ou assis sur un tapis.

Après ce délicieux repas, nous continuons notre route. Au milieu de la nuit, nous traversons ma première ville marocaine : Boujdour. En moins de 24h, j’ai l’impression d’avoir changé de continent. Mes yeux sont émerveillés de voir une ville si moderne où les trottoirs ne sont plus envahis par le sable ou par les restes de parpaings. Les peintures rouges et blanches dessinent clairement le contour, et le terre plein central est égayé par de jolies palmiers n’ayant pas subis lors de leur plantation la terreur de moutons en liberté comme dans les villes au Sénégal ou en Mauritanie. Quelques poubelles emprisonnent  les sacs plastiques qui ne peuvent plus ainsi voler grâce au vent dans les rues.  Tout les lampadaires fonctionnent et une petite lumière bleue au dessus de chacun d’eux donne une touche de XXIème siècle à la ville.

Mon chemin avec le routier s’arrête à Laayoun . Il va chercher un peu de marchandise à transporter jusqu’à Casablanca et quant à moi, je vais chercher un peu d’hospitalité en jouant de l’accordéon dans les rue pour connaitre la vie des Saharawi (en francais marocain) en dehors des apparences de bonnes prospérités.

Découverte de Laayoune à la recherche de l’hospitalité

Il est 9h du matin et la proximité de l’océan m’indique qu’il ne fera pas trop chaud même si je suis dans la capitale du Sahara Occidental, appartenant au Maroc. J’ai toute la journée pour essayer de trouver quelques personnes sympathiques pour discuter puis m’héberger . Avant de se séparer, après une nuit dans le camion, le routier m’offrira le thé avec une soupe de légumes et du pain. L’hospitalité et la générosité au Maroc semble être bonne. Je profite d’être avec quelqu’un de confiance pour connaitre les prix au Maroc : 100g de pain (1 dirham – un peu moins de 0 ,1 E), 1kg de légumes ou fruits (entre 3 et 20 dirhams), 100km en bus (35 dh), une nuit d’hôtel bon marché (entre 20 et 50dh). Malgré l’apparence de modernité, c’est un grand plaisir de voir que les prix sont environ les mêmes qu’au Sénégal ou en Mauritanie et même moins cher concernant les fruits et légumes.

En marchant en direction du centre-ville, le gérant d’un des nombreux salons de thé, où la clientèle est exclusivement masculine, m’invitera à partager une théière de thé. Mes bagages attirent la curosité.

En arrivant au centre-ville, j’ai de nouveau l’impression d’être de retour en Europe. Il y a de nombreux établissement bancaires , des agences d’assurances, des panneaux publicitaires, des enseignes lumineuses, des boutiques aux vêtements soigneusement pliés, souvent étiquetés du prix et la vitrines décorés de mannequins pour attirer le client à rentrer. Dans la rue, il n’y a plus ces nombreux vendeurs ambulants, et les trottoirs sont propres et non détruits par des travaux provisoires (dans la théorie).  La rue me tend les bras pour m’asseoir sur ce beau rebord d’escalier où je m’installe avec mon accordéon. Je passerai la journée à jouer de la musique, à gagner mes premiers dirhams, à discuter avec quelques marocains ou à lire mes nouveaux romans que j’ai réussi à obtenir par échange à la bibliothèque abondante et abandonnée de l’Alliance Francaise de Nouaddibou.

A Laayoune, je suis supris de voir que la langue francaise n’est pas la langue dominante. Après l’arabe, il est préfèrable de savoir parler espagnol ou anglais. L’Espagne ayant en effet colonisé la région du Sahara Occidental avant la France.

Il est 18h et la rue principale et commercante que j’avais trouvé étrangement vide pour une si grande ville, se peuple petit à petit. Plus les ombres grandissent et moins les Saharawis semblent avoir peur du soleil. La fréquence de mes discussions deviennent plus nombreuses mais contrairement à la Mauritanie ou au Sénégal personne semble vouloir m’inviter à la maison .

-          «  Pourquoi ici personne m’invite à la maison malgré la gentillesse des gens ? »

-          «  Problème politique. Le Sahara et son désir d’indépendance du Maroc. On veut bien inviter un étranger à la maison mais il faut l’autorisation de la police »

A la police on m’explique qu’il faut simplement remplir un papier avec le numéro de passeport de l’étranger, le numéro d’identité du Marocain, l’adresse de résidence, un nméro de télephone. On m’explique que je ne peux pas dormir au commissariat comme j’ai pu le faire de nombreuse fois en Mauritanie.

Il fait maintenant nuit et depuis les 9h du matin, je n’ai pas réussit à trouver une famille d’accueil. J’ai gagné 40 dirhams, assez pour payer l’hotel, mais là n’est pas mon objectif.
La nuit, la rue et la place grouille de monde. L’espoir est loin d’être mort. Armé de mon accordéon, aidé d’un carton où j’explique en 5 lignes mon voyage et ma recherche d’un toit, j’accoste de nombreux marocains afin de montrer que je suis plus interessé par les discussions que des dirhams supplémentaires dans la corbeille. Après 2 minutes de discussion, je lance ma question franche et directe «  Est-ce que je peux dormir dans ta maison cette nuit pour mieux découvrir la culture Saharawi ? » .  Par cette technique de drague assez peu fine, j’essuierai évidemment de nombreux refus mais pour s’excuser on me donne quelques pièces de 5 dirhams. Je dormirai peut-etre seul et mangerai le diner seul mais je ne vais pas mourir de faim. 5 dirhams c’est un pain avec 1 kg de tomates, oignons, concombres que je peux manger en salade.

Premieres invitations dans une famille marocaine

En insistant, je réussirai sans vraiment être surpris, à trouver quelqu’un qui souhaite discuter plus longuement avec moi et qui m’invitera donc chez lui. Il est professeur, sa femme parle également bien le français et est géologue. Il appelle son épouse pour qu’elle prépare le diner pendant que nous rejoignons tranquillement à pied sa maison à une trentaine de minute. Nous prenons ensuite le thé avec du pain, un peu d’huile d’olive et quelques olives. Le mari rapporte ensuite de magnifique  plats colorés, salades de tomates, carottes rapées, jus de betteraves, pastèque, melon et tagine de légumes au poulet. Un vrai repas de roi pour deux. Pendant toute la soirée, je ne verrai pas la femme, pourtant j’avais plein de question concernant les ressources minières au Sahara Occidental, un territoire source de conflit entre le Maroc et l’Algérie. La femme reste cachée dans la cuisine et le mari lui demande depuis le salon la traduction française de certains mots.

Le banquet terminé et l’heure bien tardive, nous sortons pour digéré et le Saharawi me payera deux nuits à l’hôtel et m’invitera à prendre le déjeuner le lendemain. « Ne gaspiller pas 100 dirhams, je peux dormir dans le salon de thé ou sur la terrasse » « Ce n’est pas un problème d’argent mais je veux éviter des problèmes avec la police ».

Quelques minutes de marche me permettront de quitter la ville, de m’installer à un rond point avec mon carton. Deux heures d’attentes sans succès me donneront la motivation de m’aventurer dans la plaine désertique où j’aperçois cependant au loin quelques bâtiments. 3km plus loin, il y a une station service et un contrôle de police.  De nouveau je rencontre le policier avec lequel j’avais tenté de dormir dans le commissariat. Une nouvelle fois, il ne me sera pas très utile mais je profiterai du ralentissement des voitures pour montrer mon panneau. Une heure plus tard me voilà embarqué pour Tarfaya à 100km. Le conducteur , comme la plupart des conducteurs aidant les autostoppeurs est fort sympathique, et m’invitera à partager le couscous avec sa femme et sa fille. Cette fois, elles ne sont pas cachés mais elles ne parlent pas un mot de français.

L’après-midi, j’erre dans les rues de Tarfaya, une petite ville de pêcheur, mais il n’y a personne dans les rues à part quelques gamins (pas de filles) faisant l’école buisonnière pour jouer au foot. De la langue française, ils connaissent seulement « Bonjour Monsieur, donne moi un cadeau ».

Au détour d’une rue, un gardien d’école m’invitera à prendre le thé et à fumer le célèbre hashish marocain. Il me parlera de la langue amazir-ou berbère, la langue du Maroc avant qu’il ne soit colonisé par les arabes puis par les espagnols puis les français. L’écriture amazir utilise un alphabet très différent de l’alphabet arabe ou latin. Sans connaitre les lois, en pensant faire le bien, il me permettra de jouer de la musique dans l’école et m’invitera dans sa famille. Pour ses deux actes pleins de générosité, il aurait du demandé une autorisation au ministère de l’intérieur validée par le recteur académique puis par le directeur de l’école, et faire une déclaration d’hébergement d’un étranger à la police.

En m’invitant chez lui, il est ravi de pratiquer son français et d’avoir un peu de distraction dans ses longues journées monotones de gardiens.

Autostop dans le désert

Au lever de soleil, après une journée de repos à regarder les vagues dans le village de pêcheur , un solide petit déjeuner, j’entreprend une marche le pouce tendu pour terminer la traversée du désert et arriver à 600km à Agadir.

Je marche, écoute le silence du désert se rompre par l’arrivée lointaine d’un véhicule, devine l’instant où il sera à moins de 500 mètres pour marcher à reculons, montrer mon carton écrit en français et en arabe puis offrir mon plus beau sourir quand je commence à apercevoir le conducteur à une centaine de mètre.

Marcher sur les longues routes rectilignes du désert est propice à la méditation.  Le vent apporte un peu de fraîcheur. Quand il me fait face pour durcir mon avancée, je repense aux lignes du roman de Sylvain Tesson «Eloge de l’énergie vagabonde » quand il relate ses longs kilomètres à bicyclette le nez dans le guidon pour lutter contre le vent dans les steppes kazaks et parcourir les 100km interminables et arriver dans le prochain village où il profitera d’une bonne bière fraîche.

A vélo ou en stop, les difficultés diffèrents mais il faut savoir garder la patience et laisser le temps gagner le combat. Le soir venu, peut importe la beauté du village, on pourra gouter les fruits de ses efforts. Plus ils ont été durs et plus la bière sera bonne et  le sommeil appréciable même allongé sur un sol rocailleux. Le retour à la civilisation parlant une langue connue ou pas est rassurant. Dans mes kilomètres de marche, je discutte mentallement avec mon collègue Sylvain Tesson. Ce soir, je n’aurai pas de bière mais un whisky marocain, un verre de thé. Pour la bière, je repense à la dernière, bue au Brésil. La prochaine m’attend sur les côtes espagnoles. Comme un Africain, la bouche sèche et la bouteille d’eau chauffée par le soleil, je rêve à la traversée du détroit de Gibraltar, mais pour d’autres raisons …

Après 10km de marche chargé de mes 25kg – ma santé se porte bien et est vivifié par la cuisine marocaine riche en fruits et légumes -, un véhicule s’arrêtera enfin pour soulager le poids sur mes épaules et parcourir 50 km en seulement vingt minutes. Cependant il s’arrête dans une carrière de ciment et je me retrouve de nouveau seul dans les étendues du désert, le prochain village est encore loin.

Je reprends la marche, dit bonjour aux étranges pêcheurs du désert. A l’aube, ils sont tendus leur ligne sur l’océan, désormais ils la tendent de nouveau sur la route avec en guise d’hameçon le poisson fraichement pêché en espérant attraper les routiers et leurs billets.

Je suis dans le désert, et curieux soit-il, je m’inquiète du ciel noir. J’espère qu’il ne pleuvera pas car il y  a ni batiment ni arbre à proximité pour me mettre à l’abri en cas d’une averse, dans le désert ! Par chance, je ressentirai seulement quelques grosses gouttes apportant un peu de baumes au cœur dans une journée d’autostop encore peu fructueuse . Mon énergie s’épuise, le village est trop loin pour l’atteindre à pieds, je commence à m’enervé auprès des conducteurs toujours trop pressés qui ont plein de place à l’arrière de leur pick-up. La haine remplace le plaisir de la méditation .
Un Marocain arrivera en sauveur pour me libérer de l’envahisseur satanique qui commencait à prendre le contrôle de mes pensées. Il m’aidera à rejoindre le village à 100km, m’explique qu’il m’a aidé car j’étais étranger, aider un autostoppeur marocain dans le désert est imprudent. Dans les villages, je retrouve tous les camions et voitures qui m’ont snobés. Ils prennent la pause déjeuner , un tagine accompagné du thé,  dans l’une des dizaines d’auberges. Je marche lentement devant chacun d’elles en repérant la plus propice pour jouer un peu d’accordéon dans le but de gagner quelques dirhams pour manger , reprendre des forces mais surtout pour sympathiser avec un routier qui m’emmenera un peu plus loin. Un gérant d’auberge m’interpelle. Je le rejoinds, parle de mon voyage, de mes difficultés en stop, joue un peu d’accordéon pour ses amis et en 10 minutes, on m’offre un bon tagine avec du thé.

J’aime les villages de routiers.  L’absence de présence féminine est compensé par une ambiance sereine. Que ce soit les stations services dans le désert australiens, les petits restos le long de la Transamazonica dans la forêt amazonienne au Brésil ou les routes de la pampa en Argentine, ces arrêts sont des petits coins envahis par la bonne humeur. Après des heures de solitudes sur des routes ennuyeuses, les routiers sont ravis de retrouver des collègues pour discuter et prendre un bon repas, qui occupait l’esprit depuis plusieurs kiolmètres pour se remplir l’estomac. Les aubergistes aiment cette clientèle fidèle et généreuse. Souvent célibataire et dormant dans son camion, les routiers dépensent sans compter leur salaire pour satisfaire leur ventre . Un musicien dans ces coins est une cerise sur le gateau et est par conséquent toujours très bien reçu.

En essayant de faire du stop à la station service, le premier routier m’ayant vu avec mon accordéon, m’explique que le règlement de son entreprise lui interdit de prendre les autostoppeurs et il me tend 40 dirhams. Le second véhicule m’aide à faire 10km, juste assez pour rejoindre un barrage de police. Cette dernière m’offre un jus d’orange, quelques biscuits et en quelques minutes me dégote un camion « Coca Cola »pouvant me transporter jusqu’à Tan Tan à 200km.

Arrivé à destination, le soleil sur le point de terminer sa journée, je souhaite préserver l’énergie cinétique de ses dernières heures pour tenter de gagner quelques kilomètres me rapprochant de la fin du désert.

A Tan Tan, le camion me dépose à la sortie de la ville où il y a un barrage de police et deux jeunes marocains voyageant en stop. Ils s’apprêtent à diner et à planter leur tente à l’exterieur de la ville. Je leur parle de mon voyage et de l’autostop en compagnie de la police. Les Marocains parlent avec la police en arabe. Elle nous aidera a trouver un bus. En attendant nous partageons le diner ; deux heures s’écoulent et la police n’a toujours pas trouver de bus. Je vais seul discuter avec le policier, il me donne 50 dirhams pour payer une petite nuit d’hotel et payer le bus le lendemain matin. Un bus passe, je discute avec le chauffeur et en l’espace de 5 minutes je quitte la ville, un billet dans la poche. Les Marocains aident les francais mais pas les Marocains. Ils sont racistes entre eux.

Dans le grand bus, nous sommes seulement 10. Il y avait de la place pour les deux jeunes apprentis voyageurs qui resteront à quai pendant que je continue d’avaler les kilomètre tout en me reposant dans le bus. A Guelmin, le bus s’arrete pour trouver des clients jusqu’à Agadir. Le chauffeur m’indique que je suis arrivé à destination. A moitié endormi, j’arrive à le convaincre de me laisser continuer jusqu’à Agadir. Je profite des kilomètre supplementaire pour prolonger ma nuit. A 3h du matin, le bus s’arrête définitivement à Inezgane. Je suis paniqué, où est Inesgane, ai-je louper l’arret pour Agadir ?  On me rassure en m’expliquant que Inezgane est la banlieue d’Agadir. Je terminerai la nuit sur une chaise en plastique le nez sur la table. Epuisé mais extrèmement ravi de cette longue journée qui m’aura permi d’effectuer 600km à l’aide de 5 véhicule en autostop, de gagner mes repas, tout en empochant 100dirhams, de quoi manger pendant près d’une semaine et de pouvoir me reposer sur les plages d’Agadir en regardant les couchers de soleil !

Pour la 1ere fois, j’utiliserai le réseau TWAM (TravelWithAMission.org), créé par Ludovic Hubler, pour rencontrer un étudiant qui m’hébergera et me permettra de faire des conférences dans son université de tourisme où je parlerai de ma façon de voyager, d’un club de jazz et d’une école de chorale où j’encouragerai les amateurs de musique à ne pas avoir peur de voyager grâce à leur art comme le font de nombreux Argentins et Chiliens en Amérique du Sud.

A Agadir, je jouerai de l’accordéon sur la corniche tout en profitant du coucher de soleil. Le plaisir sera avant tout pour moi car peu de Marocain se sont attardé pour m’écouter. Les jours suivants, j’irai au souk (marché) avec mon accordéon sur le dos afin d’éviter les arnaques à touristes et de pouvoir bien négocier.

Je rentre par la porte 1 dans l’immense souk d’Agadir. Le vendeur de pêches commence à me parler. Je m’asseois, discute avec lui et comme avec un vieil ami, nous partageons le thé et croquons dans quelques fruits.Les voisins qui s’aprêtaient à manger m’invite à partager le Tagine. Pendant ce temps là, j’observe les touristes négocier, penser faire une bonne affaire et payer 50% de plus que le prix marocain. Sans même jouer de l’accordéon, je prends conscience que les 4 ans de voyage n’ont pas seulement déchiré les coutures de mon sac mais ont transformé ma manière d’être, de parler et ma manière de penser.

Quand je vois des Européennes courtement vétues, je suis choqué. Depuis 8 mois, je vois des filles voilées, voir de nouveau un décolleté ou une jupe s’arrêtant au niveau du genou me parait être une provocation alors qu’il y a un an au Brésil mon regard s’était habitué et était même devenu ininteressé par les filles simplement vêtue pour pouvoir se jeter en quelques secondes dans les vagues de l’océan. Quand je sors mon accordéon, les vendeurs de légumes s’approchent, lisent mon carton « voyage depuis 4 ans … joue de la musique pour avoir des amis, un toit, du pain et de l’eau…. » et ils reviennent avec un verre de thé à la main, des tomates, oranges, courgetteS, épices …  En 1 heure, j’ai 3kg de légumes et une invitation à manger le couscous du vendredi.

Pendant 2 jours, je jouerai de la musique dans les différents coins du souk. Pendant 30 minutes je joue dans le secteur des légumes, puis le secteur parfumé par les épices, celui décoré par les tapis, les lampadaires orientaux, puis en face d’une femme préparant l’huile d’argan de façon artisanal. Pendant que je joue, je m’impregne de l’ambiance pour graver dans ma mémoire ses expériences uniques du voyage en l’absence d’appareil photo. Tout en jouant, je me fais de nombreux amis qui me permettent sans négocier de gouter à l’huile d’argan, au Amlou (huile d’argan mélangée à une pâte d’amande), aux différentes varieté d’olives, de dattes ou de patisseries, de boire du jus d’orange pressé … Les vendeurs du souk sont devenus mes frères, je suis aimé de tous.Quand avec mes dirhams je veux acheter des œufs, une cliente m’ayant entendu jouer, paye à ma place et le vendeur rajoute deux oeufs en cadeau.

« Que veux tu faire dans la vie ? » « Ingénieur… ou plûtot accordéoniste dans les souks au Maroc ! » Tout va bien dans le meilleur des mondes, la vie est belle quand deux hommes en chemises bleus ciel me demande :

« -Avez-vous des problèmes ?

-          Non aucun, les gens du souk sont tous très sympathiques.

-          Il est interdit de jouer dans le souk ; vous pouvez jouer où il y a les taxis (où il y a personne car le soleil est brûlant)

-          Maintenant j’ai des problèmes mais demain je vais quitter Agadir pour ne plus vous voir. (Désolé dans ma culture, je n’aime pas utiliser le backshish pour supprimer les problèmes avec la police).

A Agadir je rencontrerai aussi Omar avec qui nous réussirons à monter à 2 sur sa mobylette Peugeot 103 sans frein chargé de mon accordéon et de mon sac à dos. Il réussira l’exploit de me dénicher un appareil photo à 100 dirhams (9euros) avant que je quitte la région d’Agadir pour celle de Marrakech. Merci Omar de me confirmer que tout est possible dans la vie quand la volonté est forte.

Après Agadir, j’irai rejoindre Tarazoute, une ville paradis pour les surfeurs et fumeurs de hashish. Quelques heures dans cette ville me suffiront pour un lieu pas adapté à mes goûts. Je rejoindrai Tamri où l’on cultive la banane, et où on reçoit 25 sardines en échange de 5 dihrams. A Tamri, je rencontrerai un professeur passioné par la Beat Generation chez qui j’aurai l’occasion de lire le roman « Le Pain nu » de Mohamed Choukri, un classique de la littérature marocaine.

La route côtière est belle, ensoleillée, rafraichit par le vent et facile à pratiquer en stop. Toutefois mon cœur me guidera vers les montagnes. J’aime les pays où on a le privilège de pouvoir choisir entre plage et montagne. Au Maroc on a également le choix du désert.

A chaque fois, la chance, ou la générosité marocaine, me permettra de quitter Agadir en faisant du stop même à l’interieur de la ville. Les calèches tirées par les ânes s’arrêtent avec grand plaisir. A 10km/h, c’est toujours plus confortable et rapide qu’à pied.

Un camion récupérant le lait des coopératives m’aidera à rejoindre Taroudant. Les ouvriers m’expliquent que l’entreprise achète le lait à 3dhs le litre, puis le coupe avec un litre d’eau pour revendre le « lait coupé » à 8dhs. Je leur explique que les agriculteurs marocains vendent les oranges à 2dhs le kilo, au souk le kilo coute 4dhs puis en France, il coute 30dhs. Les agriculteurs sont les esclaves du monde moderne !

Taroudant est une magnifique ville ; on l’appelle « la petite Marrakech ».  C’est une ville pas trop grande comme je les aime qui peut être entièrement traversée à pied en moins de 2h. La ville est entourée d’un rempart ; à l’intérieur les voitures sont rares, les vélos et les calèches sont toujours à la mode. Les ruelles sont étroites, à l’ombre et calmes mais animées par les habitants flanant entre les heures de prières et la pause thé. C’est une ville parfaite pour jouer de l’accordéon. A quelques pas de la mosquée historique ayant malheureusement brûlée il y a un an, je m’insta’le sur une marche d’escalier entre un vendeur d’herbes aromatiques et d’épices et un vendeur de légumes. En face de moi, la boulangerie. Quelques ânes, des enfants et de vieilles ménagères se promènent doucement pour acheter les ingrédients du dîner. Au coin de la rue, au salon de thé, les hommes prennent un enième verre de thé. J’aime cette ambiance traditionnelle et paisible. Sans vouloir trop la modifier, je joue tranquillement quelques valses du film Amélie Poulain. Les Marocains semblent apprécier. En moins de 10 minutes, l’un d’entre m’invite à boire le whisky marocain à la maison. On discute. Il me trouve sympathique. Il me propose de m’héberger à condition de faire un tour au hammam.

En face de la mosquée, dans un bâtiment de quelques siècles tapissés de vieilles faïences décorées d’ornementations arabes bleutées, je découvre le hammam. Un labyrinthe mystérieux, à l’atmosphère sombre mais chaleureuse où l’air est humide et les voix résonnantes. Je me déshabille, reste en caleçon puis suit le marocain responsable du hammam. Après le souk, le salon de thé, le hammam est un lieu très important dans la vie des Marocains, un lieu privilégié pour les commérages.

Seul dans une pièce, il me demande de m’allonger sur le sol carrelé chaud et humide. Comme à un enfant, il commence à me laver en commençant avec un massage d’huile, un peu de pière ponce pour enlever la noirceur de mes pieds tout en contournant maladroitement les nombreuses plaies et ampoules. En massant puis en frottant, mon « laveur » emet des petits gémissements jouissifs. Au Brésil, j’aurai été très mal à l’aise mais au Maroc, ce serait extremement mal vu d’avoir un comportement homosexuel. Toutefois, quand il passe sa main sous mon caleçon pour me frotter, je suis on ne peut plus gèné. Chaque pays à ses traditions et je suis tout de même ravi d’avoir vécu cette expérience traditionnelle du hammam. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas eu les dessous de pieds et le dos aussi propre.

Le soir, je partagerai un délicieux diner en compagnie de toute la famille, des 2 enfants et de la mère parlant tous très bien français, ce qui n’est pas si courant. Le lendemain, je prolongerai le plaisir de la ville de Taroudant en jouant sur la place principale. Les musiciens berberes, la dresseuse de serpent et le clown m’invitent dans leur spectacle afin d’offrir un peu de nouveauté aux spectateurs. Avec mon accordéon, instrument étrange, il me suffit de quelques minutes pour construire un cercle d’une vingtaine de personnes autour de moi. Le plaisir serait plus grand si il y avait quelques jolies filles parmi le public totalement masculin. Je dois oublier que je suis au Maroc et plus en Colombie ou au Vénézuela.

Ses instants d’accordéon me permettront de faire de nombreuses connaissances parmi les hommes et de me faire inviter par des étudiants marocains vivant en colocation. Certains ont des copines mais tant que le mariage n’est pas célébré, il est interdit par la loi de vivre sous le même toit. Les étudiants sont membres d’une organisation de scout. Cette fois-ci, sans respecter la loi, sans attendre les autoristations ministerielles, j’organiserai une conférence, et médiatisera le site internet travelwithamission.org pour aider les futurs voyageurs à partager leurs connaissances avec les marocains. Les conférences me permettent également de partager mes valeurs et de me faire de nouveaux amis qui me permettent de mieux comprendre la culture marocaine. A Taroudant, on m’offrira une nouvelle paire de chaussure, une casquette, une nouvelle coupe de cheveux et un papier magique pour m’aider à poursuivre mon voyage idyllique au Maroc.

Commentaire(s) (2)

On suit et on lit d’autant plus près ton voyage au Maroc lorsqu’ on y a été. Ce qui nous permet de faire des comparaisons quant au ressenti que tu as eu, toi -grand voyageur- et ton lecteur, qui lui, a eu moins de temps et n’a pu visiter surement que les lieux touristiques (à part pour les souks, -pauvres et « typiques »- mais ouverts aux touristes).
Et donc (concernant le Maroc) la pression est telle et la surveillance tellement intense pour « encadrer le peuple » que ce si peu de gens qui voulaient bien te recevoir chez eux s’explique par la crainte.
Leur roi a eu très peur au moment de la révolution des pays Arabes, que son pays ne sombre aussi dans la révolte. Le nombre de gens habillés pauvrement pour donner le change, afin de surveiller partout, dans tous les coins et tous les milieux, est très important.
Et c’est pour cela, lorsque tu prends le car, et que tes deux infortunés copains voyageurs restent à quai, (pour ce que tu appelles « du racisme entre Marocains ») il est peut-être plus probable que se soit la crainte de voir des jeunes « voyageurs marocains éclairés » porteurs d’idées de révoltes.
Ta remarque est très pertinente quant tu prends en référence le livre de S. Tesson : « Eloge de l’ énergie vagabonde » = « Laisser le temps gagner le combat » !
Effectivement , laissons le temps au temps.
Tes couchers de soleil au bord du désert et de l’océan nous font bien sur rêver.
On sent aussi ton plaisir de revenir doucement au bercail.
Que de belles aventures !!!!
félicitations.
Et bonne continuation, bien sur.

Et bien, on dirait que l’Afrique est ton continent! Je le disais déjà pour l’article précédent mais c’est encore plus vrai pour celui-là, tu as grandement amélioré ta qualité d’écriture. C’est bon, c’est agréable à lire, c’est précis, c’est vivant, plein de détails qui nous permettent de vraiment partager ton histoire.
Merci!

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