Australie/Julien [2/2] – En route vers la Papouasie-Nouvelle-Guinée en stop !

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Publié par Froggy | Classé dans Article-photos, Océanie | Publié le 01-01-2014

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–> Deuxième partie : Cairns-Weipa-Bamaga, la péninsule du Cap York en autostop

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Cliquez ici pour (re)lire la première partie de l’article : « Darwin-Cairns, 3000 km les doigts dans le nez ! »
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P1170153Introduction
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Cairns, 12 Aout 2013. Mon visa australien expire dans 18 jours et j’attaque maintenant la deuxième partie de ce périple en stop vers la Papouasie. Je dois rejoindre Bamaga à la pointe nord de la péninsule du Cap York, dans une région de l’Australie encore peu explorée où les routes sont des pistes en terre et les seuls véhicules à y circuler sont des 4×4.

Il y a longtemps que je prépare cette expédition vers le Cap York et longtemps que cela tourne dans ma tête : « Est-il possible de remonter en stop les 1000 km de piste qui mènent à Bamaga ? Si oui, combien de temps me faudra-t-il ? ». Malgré une préparation de longue date, une étude minutieuse de toutes les cartes routières que j’ai eu entre les mains, des recherches approfondies sur internet, et des dizaines d’Australiens interrogés sur la faisabilité du périple, j’en reviens toujours au même point : il va me falloir tout découvrir par moi-même ! Il semble que personne ne soit jamais allé en stop jusque là-haut, et même les locaux dans la région de Cairns n’ont jamais voyagé sur ces pistes et sont incapables de me renseigner. L’avis général est plutôt pessimiste. Et moi je reste planté devant mes cartes routières, essayant d’imaginer à quoi ressemblera dans la réalité ce petit trait en pointillés de 1000 km qui sera ma seule et unique option vers la Papouasie.

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En rouge : mon trajet en stop Cairns-Bamaga. (Cliquez sur la carte pour l’agrandir)

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La péninsule du Cap York est situé au nord-est de l’Australie entre le Golf de Carpentaria, à l’ouest, et la Mer de Corail à l’est. C’est une région tropicale dont la seule route -piste- à la traverser de part en part (nord-sud) devient complètement impraticable à tout véhicule durant la saison des pluies (de Décembre à Mai).

Je m’y rendrai au mois d’aout 2013, en saison sèche quand la plupart des rivières sont soit asséchées, soit réduites à l’état de ruisseaux, et qu’il est possible d’y circuler à condition quand même d’avoir un bon 4×4.

Ce bout de terre plus grand que l’Angleterre est considéré comme l’une des dernières zones encore sauvage de la planète (plus de 99% de la végétation est native et intouchée), et ne compte que 18000 habitants dont 60% sont aborigènes.

Le paysage du Cap York, épargné par l’activité technonique depuis des temps anciens, est l’un des plus vieux, des plus stables et aussi des plus érodés du monde. Son sol ancien, encore plus infertile que le reste de l’Australie, est tellement pauvre que l’activité humaine ne peut pas s’y développer à grande échelle. L’agriculture ou la culture de fruits et légumes, par exemple, y est impossible. Ces paysages sont constitués essentiellement de plaines recouvertes de bush, d’immenses zones marécageuses, de savane, de mangrove, ou encore de forêt tropicale pour les endroits les plus soumis à la mousson.

Le réseau téléphonique et le réseau routier, tout comme l’activité humaine, y sont quasiment inexistant.

C’est cette région méconnue de l’Australie, peu touristique, peu attrayante, que je m’apprête à traverser en stop de bout en bout, du sud vers le nord, sur un bon millier de kilomètres, avant d’arriver, enfin, au détroit de Torrès… aux portes de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

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Mon itinéraire pour remonter le Cap York en auto-stop : Cairns, Mareeba, Lakeland, Weipa, Bamaga, Seisia.

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Départ de Cairns

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Je quitte Cairns en stop très facilement, jusque là pas de surprise, je sais que la route sera goudronnée jusqu’à Mareeba et même jusqu’à Lakeland/Cooktown. Un premier lift de quelques minutes depuis le centre-ville m’emmène jusqu’au carrefour de Mareeba sur la route de l’ouest. De là, ce sont 3 jeunes aborigènes qui s’arrêtent et m’invitent à grimper dans leur vieille voiture défoncée. Pas de sourire, des visages tristes et abimés malgré leur jeune age, des présentations plutôt froides et un accent difficile à comprendre; je ne me sens pas complètement rassuré dans leur voiture… Et pourtant, la conversation se fera doucement mais surement, ils me déposeront à Mareeba après une petite heure de route dans cette jolie région vallonnée.

Une heure de perdue à Mareeba à marcher dans la mauvaise direction en étant persuadé d’être sur la bonne route… Je reviens sur mes pas et retrouve enfin la route du nord, c’était pourtant simple, je devais avoir la tête ailleurs ! J’enchainerai par un minibus, avec à son volant une très charmante femme suisse immigrée en Australie depuis plusieurs décennies. Enfin, c’est un travailleur des mines qui s’arrête pour me prendre en stop dans son camion, me parlant avec passion de sa belle région et de ses exploitations minières.

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La road-house (station-service) de Mount Carbine, au nord de Cairns.

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Me voilà arrivé à Mount Carbine roadhouse (station-service, motel et restaurant routier), déjà bien loin de Cairns. Enfin, peut-être pas si loin en terme de distance mais mon esprit lui est déjà très loin.

La circulation ici est quasi-inexistante, je pose mon sac devant la station-service et m’assoie sur la route en attendant qu’un véhicule passe… Toutes les 15 ou 20 minutes je me relève pour tendre le pouce aux voitures que j’entends arriver de loin dans ce silence abyssale. Le temps passe, une heure, 2 heures, je m’ennuie, j’ai du voir passer 10 véhicules en tout depuis que je suis arrivé. La moitié de ces conducteurs se sont arrêtés à la station-service et sont d’eux-même venus me dire bonjour et me poser quelques questions sur ma destination. Tous très sympathiques, ils m’auraient volontiers pris en stop mais aucun d’entre eux ne va vers Lakeland. Locaux habitant dans leur ranch au milieu des bois ou bien voitures déjà pleines à craquer, il va falloir que je sois patient. Le bon côté des choses, c’est l’accueil toujours aussi chaleureux des Australiens par rapport à l’autostop, même dans cette région où ils ne doivent pas en voir souvent.

Le soleil est de plus en plus bas, je commence à envisager de passer la nuit là ce soir et repère quelques endroits où planter ma tente. J’ai de l’eau et de la nourriture en quantité, il n’y a pas un nuage dans le ciel, tout va bien ! Par acquis de conscience, et aussi parce que je n’ai rien d’autre à faire, je resterai quand même sur la route jusqu’aux derniers rayons du soleil. La persévérance de l’autostoppeur, sa plus grande qualité !

D’autres conducteurs s’arrêteront boire un café à la terrasse du restaurant et l’un d’entre eux m’invitera à discuter à sa table. Sans me dire d’où il vient ni où il va, il s’intéresse à moi et à mon voyage avant de finalement me proposer un lift jusqu’à… Lakeland ! Accompagné de sa femme et de sa fille sur la route des vacances qu’ils passera à Cooktown, cet immigré né en Serbie (à l’époque de la Yougoslavie) vie depuis l’age de 15 ans en Australie. Il me racontera ses voyages de jeunesse, à pied et en autostop, avec le plaisir immense de pouvoir les partager avec un autre voyageur, le sourire jusqu’aux yeux. Nous discuterons avec passion de voyages et de religions pendant les 2 heures de route qui me séparent de Lakeland, mon terminus.

Il fait nuit depuis longtemps quand nous arrivons à la roadhouse de Lakeland qui est d’ailleurs sur le point de fermer. Une courte ballade de repérage me confirme qu’à part la station-service et les toilettes, il n’y a rien d’autre que du bush… Retour à la station avant que toutes les lumières ne soient éteintes et, posé à une table en terrasse, complètement seul à nouveau, mon esprit s’égare dans un petit bilan de la journée sur fond de sandwich au beurre de cacahuète. Je suis satisfait de ma première journée de stop, la route a été belle et agréable de bout en bout, les rencontres passionnantes, du pur plaisir. Malgré une longue attente à Mount Carbine tout s’est bien enchainé et j’ai atteint mon objectif du jour : Lakeland. Demain je quitterai la belle route bitumée de Cooktown pour m’engager sur ce qui, pour moi, n’est encore qu’un petit trait noir en pointillés sur la carte de l’Australie…
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Les dieux de l’autostop sont avec moi !

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Avant que je n’ai eu le temps de terminer mon deuxième sandwich un gros 4×4 arrive en trombe à la station-service, invisible derrière l’écran de lumière de son énorme projecteur fixé sur le toit. Il se gare à l’une des pompes, éteint ses phares et son moteur rugissant comme celui d’une voiture de rallye, je découvre le monstre de la route, le roi des 4×4, le tout-terrain à l’australienne : un radiateur et un pare-buffle (en réalité un pare-kangourou) quasiment aussi gros que ceux des road-trains, une grille de protection recouvrant tout le pare-brise, des marche-pied surélevés pour accéder à la cabine, de puissants phares doublés d’un projecteur rotatif sur le toit, une antenne radio/CB de 2 mètres installée à l’avant du capot, toutes vitres teintées, finitions chromées, et pour clore le tout un Australien bodybuildé qui en sort avec… la classe de l’Australien bodybuildé : en tongues, short et marcel !

Encore à moitié perdus dans mes pensées, intrigué par ce véhicule peu ordinaire arrivant à toute allure en crevant la nuit pour se garer juste devant moi, voilà son conducteur qui se tourne vers moi et me lance un très amical :
- « Hi mate, everything alright ? » ( « Salut l’ami, tout va bien ? » )
Sur lequel je réponds par un très (vraiment très bien placé !) :
- « Hi mate, tout va bien pour moi, merci ! J’arrive de Cairns en stop aujourd’hui, je suis en route pour Bamaga et mon dernier conducteur m’a déposé ici, donc je vais passer la nuit là et reprendre le stop demain matin. »
- « Bamaga, hum? Ca fait une trotte ! Je vais à Weipa, c’est sur ta route, tu veux monter ? »

Weipa !?…. Mon cerveau s’embrouille, je ne suis pas bien sur d’avoir compris… Weipa est situé à 600 km d’ici, c’est à plus de la moitié du chemin vers Bamaga, c’est le genre de route que d’après moi on attaque tôt le matin et non pas tard le soir ! Surtout pour rouler sur de la piste non goudronnée, parsemée de seulement quelques stations-service et sans réseau téléphonique en cas de problème…

- « Je reprend le boulot après-demain mais je dois être à Weipa demain matin, si tout va bien on devrait arriver dans la nuit vers 2 ou 3 heures du matin. »
- « Comment ca, demain matin ? Vous voulez dire… cette nuit ? Vous ne vous arrêtez pas pour dormir en chemin ? »
- « Non, je préfère rouler de nuit, ca va beaucoup plus vite. La journée y a trop de voitures qui circulent, c’est dangereux à cause de la poussière, aucune visibilité, impossible de rouler à plus 30 km/h. Alors que la nuit y a presque aucun véhicule, ca va vite ! »

Je fais ainsi connaissance avec Patrick, originaire de Cairns, technicien-mécanicien dans les exploitations minières de Weipa depuis 12 mois. 19 ans et déjà un boulot qui lui rapporte 3 fois plus qu’un SMIC en France, propriétaire de son 4×4 avec à bord : son fusil de chasse, son arc et ses flèches, son matériel de pêche, quelques cannettes de Coca trainant sur le sol et… son chien Johny.

Je deviens rapidement intime avec Johny qui n’en peut plus de me lécher le visage tandis que j’essaye, tant bien que mal, de terminer mon sandwich au beurre de cacahuète à moitié entamé à la station-service.

Nous sommes partis, ca y est.

Enfin, je suis sur la route de Bamaga. Du mal à y croire… Je devrais être en train de dormir à l’heure qu’il est ! Patrick emprunte cette route 2 fois par mois pour rendre visite à sa copine à Cairns. Simple routine. Mais pour moi c’est le début de la grande aventure : je suis entré dans la Péninsule du Cap York par la petite porte dérobée de l’autostop… et j’en ai des frissons tellement j’ai passé d’heures et de jours et de nuits, et de mois, à imaginer ce voyage !

Nous allons vite, sacrément vite pour de la ‘dirt road‘. En réalité la piste alterne entre des tronçons bitumés et des tronçons de terre brute, plutôt de bonne qualité malgré les « corrugations » (ces petites vagues de terre à intervalles réguliers sur la piste, formées à cause du passage des véhicules sur la terre brute et rendant la conduite très inconfortable). Nous tapons largement les 100 km/h. Mais Patrick m’explique que la route ne sera pas aussi bonne partout et que, notamment à partir du lieu-dit Coen, la route devient très mauvaise : traversées de rivières à gué, zones boueuses et compagnie.

Après 2 heures de route, quand nous croisons enfin la première voiture arrivant en sens inverse, Je comprend l’intérêt de rouler de nuit avec un minimum de circulation. Il n’y a pas de vent, la piste est sèche et la terre très fine… le nuage de poussière crée par le véhicule que nous venons de croiser est long de plusieurs centaines de mètres. La poussière reste dans l’air pendant de longues minutes avant de retomber tout doucement sur la route ou sur les arbres alentours qui ne sont d’ailleurs plus verts mais rouges, marron, gris, ou blancs, en fonction des tronçons de route et de la couleur de leur terre respective.

Le nuage de poussière stagnant sur la voie de droite (on roule à gauche) il est encore possible de voir la route mais en réduisant l’allure, toutes fenêtres fermées ! Quand, plus tard dans la nuit, nous rattrapons un autre véhicule roulant dans le même sens que nous alors il devient presque impossible de distinguer le sol à quelques mètres tant la poussière est dense. Patrick connaissant bien la route et étant à l’aise au volant de son 4×4 il arrive quand même non seulement à avancer à l’aveugle dans cette épaisse poussière mais aussi à rattraper le véhicule pour finalement le doubler… Nous croiserons 4 véhicules en tout sur les 570 km qui nous séparent de Weipa.

Sur la route : kangourous et wallabies, vaches, serpents, cochons sauvages, chauve-souris et nombreux oiseaux. Dommage qu’il fasse nuit, on n’y voit pas grand chose et pourtant la route à l’air magnifique. Nous ferons un arrêt pour prendre de l’essence et un autre pour tenter de chasser le cochon sauvage que Patrick a repéré à l’orée du bush. Il s’enfuira sans faire de bruit avant qu’aucun coup de fusil ne soit tiré.

La dernière partie de route sera effectivement plus mauvaise, un peu plus vallonnée avec de nombreux ruisseaux et rivières à traverser, de l’eau à hauteur du pare-choc. La route devient si mauvaise par endroit qu’il n’est plus question de rouler à gauche ou à droite mais seulement de se frayer un chemin pour éviter les zones de boue, les trous, les tranchées, les fossés qui entaillent la route de part et d’autre. Une belle piste de rallye et toujours à bonne vitesse dans l’indestructible 4×4 de Patrick !

Arrivés à Weipa vers 3h00 du matin, comme prévu, Patrick me déposera sur le terrain de camping après m’avoir fait visité l’endroit où il travaille : les mines de bauxite qu’on extrait pour fabriquer l’aluminium.

Weipa, petite ville minière de 3000 habitants située sur la côte Ouest de la péninsule du Cap York. J’y passerai 2 nuits, profitant de mon avance pour visiter cet endroit qui n’était pas spécialement au programme. Légère ‘déception’ en visitant la boulangerie de Weipa quand on me propose, très sérieusement, un boulot à plein-temps à la vente afin de remplacer une personne qui s’en va dans quelques jours… Mon visa de travail expire dans 2 semaines, c’est impossible. C’est déjà la deuxième offre d’emploi en 2 jours, après celle de Patrick qui me proposait du boulot dans le ranch de son oncle dans la région de Lakeland où il m’a pris en stop. Quelle frustration après avoir passé autant de temps à chercher du travail partout en Australie…
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Le jour suivant, levé avec le soleil, je serai sur la route à 7h00 pour optimiser les chances d’autostop sur cette dernière ligne droite avant Bamaga. Il fait déjà très chaud et la demi-heure de marche vers la route principale me fait perdre toutes les calories consommées au petit-déjeuner !

Dix minutes d’attente à la sortie du rond-point, avec mon petit carton d’autostop « Bamaga », et c’est d’abord une policière qui me propose un lift jusqu’à la sortie de la ville. Cinq minutes plus tard, un deuxième véhicule s’arrête et je fais connaissance avec Mark, qui se dépêche de ranger le bordel dans sa voiture avant de m’inviter à monter et à l’accompagner jusqu’à… Bamaga ! La chance est avec moi, il n’y a aucun doute. Je serai à Bamaga ce soir, seulement 3 jours après avoir quitté Cairns et en ayant passée une journée de repos à Weipa !

La route entre Weipa et Bamaga est vraiment belle, je suis content de la faire de jour. Piste de terre rouge bordée de termitières géantes, le bush y est plus vert, plus grand et plus dense que dans le reste de l’Australie. Du bush « tropical » à l’approche de l’équateur, que c’est beau !
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Cette fois je me rend mieux compte de l’immense nuage de poussière qui s’étend derrière notre véhicule ou derrière ceux que nous croisons. Impressionnant… Heureusement nous ne rencontrerons presque personne sur les 350 km qui nous séparent de Bamaga, empruntant d’ailleurs un raccourci non répertorié sur les cartes, non balisé, que seuls les locaux connaissent. La piste n’est pas confortable, souvent très abimée à cause du passage des voitures ou des camions sur la terre fraiche. Ici et là encore quelques petites rivières à traverser à gué. Mais seule la Jardine River à l’approche de Bamaga, coulant à flot toute l’année y compris pendant la saison sèche, nécessite une traversée sur barge.
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Ayant bien roulé toute la matinée nous arriverons à Bamaga en milieu d’après-midi. Mark fera même un petit détour de 20 minutes pour me déposer au Caravan Park de Seisia, le village côtier d’où je prendrai le bateau dans quelques jours pour l’ile de Thursday Island, d’où j’attaquerai ensuite ma traversée du détroit de Torrès vers la Papouasie.

Bamaga/Seisia marque la fin de mon périple en stop Darwin-Cairns-Bamaga, mais c’est aussi le point final de mon voyage « terrestre » en Australie. Presque 2 ans à parcourir l’Australie de part en part, en autostop, en voiture, en camping-car, à pieds, en vélo… et c’est ici, dans le petit village de Seisa situé à l’extrême pointe du Cap York, que le voyage se termine, que je vais quitter le continent australien.

Immense émotion. J’y suis, putain, j’y suis. Aux portes du détroit de Torrès… A seulement 150 km de la Papouasie-Nouvelle-Guinée ! Depuis la plage de mon terrain de camping je peux même admirer les premières iles du Torrès, toutes proches de la côte, notamment Horn Island et Prince Of Wales Island. Je reste bloqué de longues minutes devant ces iles, j’ai rêvé de ce moment de nombreuses fois, je veux le savourer à sa juste valeur, la valeur qu’il a dans mon esprit : un trésor. Il est là devant mes yeux, le Détroit de Torrès, il est là, à porté de mes bras ! Des frissons, des frissons, que c’est beau, je garde les larmes pour plus tard, il me reste encore un petit bout de mer à parcourir avant d’en avoir complétement terminé avec l’Australie.
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La jolie plage du terrain de camping de Seisia (12$ la nuit). Baignade déconseillée, à cause des crocodiles…

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Le détroit de Torrès est là, devant mes yeux… Plus que 150 km de mer à parcourir et je serai en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

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C’est fini, je ne ferai plus d’autostop en Australie… Après ce dernier périple de 4200 km depuis Darwin, et un total de 17500 km parcourus en stop au long de mes 21 mois en Australie, je me débarrasse de mes 2 dernières pancartes… Une page se tourne dans mon voyage.

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Bonus : « The Tip of Australia »

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Une fois mon sac-à-dos posé et ma tente installée dans le paradisiaque terrain de camping de Seisia, je ferai connaissance avec Byron, mon nouveau voisin de tente. Byron est australien, guide de trek à ses heures et pêcheur expérimenté. Toujours armé de son matériel de pêche, de camping, de sa tente et de son réchaud, Byron parcours l’Australie à bord de son vieux 4×4 à la recherche de petits boulots saisonniers qui lui permettent de financer son éternel voyage. Lui aussi a l’intention d’aller faire un tour en Asie un jour, et envisage prochainement une virée en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Je lui raconte mon périple en stop depuis Darwin et mon projet imminent de traverser le détroit de Torrès vers la Papouasie. Le courant passe bien entre nous et nous organisons une virée en 4×4 sur 3 jours et 3 nuits pour aller visiter la région de Bamaga et notamment le « Tip of Australia » : le point le plus au nord du continent australien, situé à la pointe de la péninsule du Cap York.

Au programme : Camping sauvage sur de magnifiques plages quasi-inaccessibles et absolument désertes, feux de camp arrosés à la bière ou au vin blanc en admirant des couchers de soleil et des ciels étoilés spectaculaires, pêche à la ligne et chasse au crabe dans les mangroves, exploration du bush en 4×4 ou à pied sur des pistes de sable blanc presque vierges de tout passage humain, snorkeling fascinant au bord de l’eau entouré de petits requins, de méduses bleu-électrique et de coraux multicolores, observation des dauphins au large et des nombreux oiseaux qui peuplent les forêts de cette région préservée, découverte d’anciennes peintures rupestres aborigènes en explorant les petites grottes sur la côte rocheuse, courses poursuites au milieu du bush pour échapper aux essaims de guêpes (toutes petites guêpes « natives » d’Australie, très agressives) dont les nombreuses piqures au visage et sur les bras sont particulièrement douloureuses… Et bien d’autres encore !
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Coucher de soleil sur le détroit de Torrès

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Byron me montre comment utiliser le « castnet » (filet servant à capturer les petits mulets, que nous utilisons ensuite comme appât au bout de la ligne). Geste très technique, beaucoup plus difficile que ca en à l’air !

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Nous traversons en 4×4 des rivières et des zones boueuses pour rejoindre la pointe nord de la péninsule, le « Tip of Australia ». Deux autres véhicules nous suivent sur cette unique piste vers le nord. La route Weipa-Bamaga ressemble beaucoup à ca par endroit : quand ce n’est pas de la terre sèche générant d’immenses nuages de poussière, c’est de l’eau et de la boue !

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Ce soir nous camperons là, quelque part dans le bush le long de cette immense plage déserte. Au bout de la route, au bout de la péninsule du Cap York, au bout de l’Australie, au bout du monde…

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Le fameux Tip of Australia : Le panneaux vous dit que « Vous êtes arrivé au point le plus au nord du continent australien »

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Le « Tip of Australia » – Crapahutage avec Byron sur la côte rocheuse.

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La sensation d’être arrivé au bout du monde, après 2 heures de 4×4 sur des minuscules pistes de sable blanc perdues dans le bush.

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De la mangrove, l’endroit idéal pour pêcher le succulent « mud-crab » (littéralement: crabe de boue)

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Petite frayeur lorsque Byron me demande sèchement de stopper tout mouvement et de déposer ce rondin de bois à terre sans faire aucun geste brusque… Ca n’est pas le premier scorpion que je rencontre en Australie et je sais qu’ils ne sont, à priori, pas mortels, n’empêche, ca fait peur quand même !

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La pêche du jour n’a pas été fabuleuse, on se contentera de ces petits mulets grillés au feu de bois, accompagnés de patates et de riz. Un régal !

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Ces fourmis jaunes et vertes qu’on trouve un peu partout en Australie sont délicieuses : l’abdomen de la fourmi est rempli d’acide citrique. Attrapez la fourmi par la tête, croquez lui les fesses, et vous aurez l’impression de mordre dans un citron vert ! Ces fourmis constituent non seulement un parfait assaisonnement pour nos repas à base de poisson, mais aussi un délicieux snack à déguster à tout moment de la journée. Nous en raffolons !

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Camping face à la mer, on ne s’en lasse pas. De l’autre coté de l’horizon, là-bas, à 150 kilomètres derrière le détroit de Torrès, il y a la Papouasie-Nouvelle-Guinée… Je ne peux m’empêcher d’y penser !

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Du pain frais pour le petit-déj’ ! Cuisiné au feu de bois dans une vielle gamelle en métal, les Australiens appellent ca du « damper ».

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Mon camarade Byron, j’espère qu’on se reverra un jour, mate !

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Trois jours de pure détente en compagnie de Byron, une belle récompense après mon périple de plus de 4000 km au départ de Darwin. Et surtout une relaxation physique et psychologique dont j’avais besoin, oubliant pendant 3 jours les soucis du voyage et le stress de ma prochaine étape encore bien incertaine : traverser le détroit de Torrès en (bateau-)stop et quitter l’Australie impérativement avant la fin de de mon visa qui expire dans 2 semaines.

A suivre…

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Commentaire(s) (10)

Il va falloir que tu cesses de nous entrainer dans tes aventures de plus en plus vivantes. Vraiment, encore une fois, chaque mot de lu dans tes écrits attire très vite le suivant (l’impatience de voir la suite).
J’ai eu l’impression de faire le voyage avec toi, ce Cairns à Bamaga.
Gros 4 X 4, les pistes poussiéreuses et boueuses, la gentillesse des conducteurs, ces paysages j’imagine presque vierges, les mulets grillés, le pain « maison » et l’abdomen des fourmis à déguster, ça si ce n’est pas de l’aventure…..!
Excellente année 2014 (24 H. avant nous) avec l’espoir de continuer à lire autant d’aventures si bien relatées.

Bonne année 2014 en France et bonne année à tous les lecteurs du blog !

Merci beaucoup pour ce superbe article.

J’en ai pleuré avec toi de ce moment où tu aperçois enfin le détroit de Torres. Je n’avais pas l’impression d’être avec toi, en fait, j’aurais VOULU y être, mais par contre, j’ai ressenti je crois ce que tu décrivais, quand tu dis qu’une page se tourne, cette sensation de vivre des choses uniques, qui choses qui n’appartiennent et qui n’appartiendront qu’à toi, à jamais.

Je me posais la question aujourd’hui du sens du voyage, et le sens que je souhaite donner au voyage, c’est toi qui m’a aidé à le définir. Ca fait plus de deux ans maintenant que je lis votre blog et que je vibre avec vos articles. Et ce qui fait que je reviens toujours, c’est la façon dont tu écris, car tu écris vrai, tu ne cherches pas à nous « vendre du rêve » ni à nous montrer que ta façon de vivre est la meilleure.

En fait, tu écris comme tu vis : pleinement, et avec ton âme.

Je t’en remercie.

(Je viens probablement d’écrire le plus long commentaire de blog de ma vie ! et accessoirement de te faire une grande déclaration je crois !!)

Bonne année à toi ! Et continue de nous faire rêver : j’attends tes articles sur la papouasie et l’indonésie avec impatience !!

Jess, il m’est difficile de faire une réponse à la hauteur de ton message, alors je dirai simplement : Merci.

Je suis touché. Tu viens de m’écrire le plus beau commentaire que ce blog ait jamais vu, je crois…

En fait, quand je le lis, et le relis, je ressens comme un sentiment de mission accomplie : celle d’avoir réussi à partager mon voyage -solo- avec d’autres personnes, via ce bel outil qu’est l’écriture. C’est comme si, cet instant où j’étais seul devant le détroit de Torres et mon esprit bourré d’émotions et de souvenirs, et bien je ne suis plus seul devant ce détroit de Torres, nous sommes plusieurs, à vivre l’instant, à partager ce moment d’une intensité extraordinaire, nous le vivons à plusieurs, et ce me fait chaud au coeur !
Aussi parce que, ce que je vis (émotionnellement) est tellement unique que je regrette souvent d’être seul, que parfois je rêve d’avoir un ou des compagnon(s) avec qui partager ces émotions.

A travers l’écriture je trouve mes compagnons de voyage et avec vous je partage mes émotions.

Alors, merci d’être là avec moi, à chaque instant ou presque, merci de m’accompagner dans mon voyage et de le rendre plus beau encore.

Aaaah, qu’il est bon de te lire !
Tout simplement, on sent le vécu et tes émotions se transmettent si biens à travers tes mots.. Bonne route à toi !
La Papouasie, terre sauvage mystérieuse et mystique à mon gout, est une destination de haut niveau pour tout voyageur qui veut vraiment éprouver son trip’ !

Merci Robinando, en effet la Papouasie mérite bien ses différents surnoms : « The land of unexpected » and « The last border » (La dernière frontière).

Tout ce que tu y prévois n’arrivera pas et tout ce que tu n’avait pas prévu se produira, c’est ca la Papouasie! C’est sauvage, c’est brut, c’est mystèrieux mais c’est tellement beau et chargé d’humanité.

En graannnde attente de quelques photos et récits de ton expérience en papouasie :)

Nous prévoyons d’y passer qqs semaines voir qqs mois avec mon ami cette année.
Sommes donc impatient de voir comment tu as su te débrouiller en mode.. road again héhé..
Histoire d’avoir un apperçu de ce qui nous attend ;)

Belle journée à toi

Julie

Je vais bientot commencer à écrire les articles sur mon voyage en PNG, au programme : « Traverser la Papouasie en surface » : cargo-stop en compagnie d’une équipe papou/nord-coréenne! remontée de la rivière Bamu en bateau-stop et traversée de la jungle à pieds dans les régions sans route du Western Province, fete nationale et danses traditionelles des 4 coins du pays dans le camp d’exploitation forestière de Kamusi, le très sale Mount Hagen et la très jolie Madang, la traversée du Sepik et de la rivière Sepik en dinghy où j’ai attrapé la malaria dans l’un des plus beau endroit du monde avec des gens d’une gentillesse hors du commun… Le « Mountain Mangi » que j’étais dans les Highlands devient « Mangi Sepik » sous les cocotiers de Wewak !

Au menu également: du seigo (beaucoup de seigo!), du poisson frais chaque jour accompagné de riz et de kumu, mais aussi de la tortue, du dugong, du kangourou arboricole, du lézard, des grillons, et toujours autant de coconut et autre bananes, pow-pow et lau-lau… sans oublier la bière locale, la SP, et l’incontournable noix de Betel (avec les dents rouges sinon c’est pas drole) !

Merci Julien pour cet article vibrant.
Moi qui n’est jamais rêver de l’Australie, elle n’a jamais fait partie de mes plans de tour du monde, tu viens de me la vendre une fois de plus.
Je suis désolé que mon frère, qui ne cesse de me vanter les paysages australiens et ces habitants, et toi n’ayez pas réussi à vous croisez.

Bon voyage en PNG et à bientôt de te lire.
Je suis désormais dans le sous continent indien.
Yogo

Bravo pour cet article si fourni !

Il nous dévoile l’ensemble de tes états d’âme sans pudeur rendant l’expérience encore plus vraie. J’apprécie réellement que tu ne nous envois pas juste du rêve avec une grosse moralisation à la clé (ce que je peux parfois trouver « désagréable » avec les articles d’Adrien). Tu as des moments de doute, une lucidité sur l’Australie, une franchise sur tes moments de solitude.

Merci.

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