Du voilier-stop en Australie [1/2]

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Publié par Froggy | Classé dans Article-vidéo, Bon plan, Lang. : English version, Océanie | Publié le 24-08-2012

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Introduction

* Ce matin encore à Adélaïde je partageais mon dernier déjeuner avec Matt, mon camarade de vélo à qui j’ai fais mes Adieu à la gare routière. « Auf Wiedersehen Freund ! » . Ce matin encore je dormais dans la rue allongé sur des bouts de cartons qu’un autre SDF avait laissé derrière lui… *

Ce soir… je dormirai à bord d’un voilier de plaisance sur l’ile de Kangaroo Island au sud d’Adélaïde. Steve, le propriétaire du voilier, m’attend dans le port de Kingscote où il effectue quelques réparations sur son bateau avant de reprendre la mer.

C’est ca la vie de voyageur, passer du tout au tout, d’une nuit misérable sur le béton froid d’une mégalopole à l’approche de l’hiver à la cabine en bois d’un voilier et son lit douillet, bercé par un léger roulis qui vous emmène lentement au pays des rêves. Savoir apprécier le confort, qui ne dure jamais très longtemps, savoir apprécier les amitiés, éphémères, et savoir apprécier chaque instant du voyage, chaque lieu et chaque personne, car tout passe et ne laisse au bout du compte que des souvenirs. C’est encore une page bien remplie qui se tourne dans le « livre du voyage » pour faire place à une nouvelle page sur laquelle il m’appartient d’écrire les premières lignes.

C’est donc à bord d’un voilier que débute cette nouvelle page…

Rencontre avec le skipper

Je ferai d’abord la connaissance de Steve, avec qui je n’avais eu jusque là que des échanges téléphoniques. A quelques rues du port, autour d’un café dans la brasserie du village nous faisons les présentations. Steve est Australien, retraité et ancien officier-mécanicien de la marine australienne. Son voilier, il vient de l’acheter, une bonne occasion à un prix intéressant… mais le bateau étant à vendre sur la cote Ouest de l’Australie (Perth) il doit maintenant le rapatrier sur la cote Est où il a sa résidence (Brisbane). Pour rapporter son nouveau jouet à la maison il est obligé de parcourir les 5000 petits kilomètres qui séparent Perth de Brisbane, c’est un peu comme quand vous allez récupérer votre voiture neuve au garage, mais en version « bateau-Australie » ! Et c’est dans cette partie de l’histoire que j’interviens…

Je ne parcourrai pas la totalité du trajet avec Steve, qui est déjà en mer depuis plusieurs semaines accompagné d’un autre matelot. Je le rejoindrai seulement à mi-chemin, du coté d’Adélaïde où son matelot à décidé de revenir sur la terre ferme, et je prendrai donc la relève pour aider Steve à naviguer jusqu’à Brisbane.

Notre « contrat » : j’aide Steve à naviguer d’un point A à un point B, un voyage qui durera plusieurs semaines, et en échange j’ai la chance de voyager gratuitement sur le voilier (nourri-logé) et d’apprendre la voile et la navigation en conditions réelles. J’apporterai aussi mon aide pour tous les petits boulots à bord du bateau (cuisine, nettoyage, réparations, etc.) sur une base de « partage des tâches 50-50″. Accessoirement je vais aussi améliorer mon niveau d’anglais en passant 24h/24 7j/7 en compagnie d’un Australien enfermé dans quelques mètres carré au milieu de la mer !

En fait, ca ressemble beaucoup à du Wwoofing : « travail » volontaire en contrepartie du logement et de la nourriture, échange de compétences, expériences nouvelles et le tout dans un contexte amical et décontracté (très loin du concept « patron-ouvrier »).

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J’ai cuisiné des « iles flottantes » pour le dessert. Steve est ravi de son nouveau matelot français ! ^^ (le précédent, un retraité néo-zélandais, ne mangeait que des boites de conserve et détestait faire la cuisine)

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Première semaine au port

A cause de la météo peu favorable nous passerons une semaine dans le port de Kingscote (Kangaroo Island), une bonne occasion pour Steve de finir les réparations les plus importantes sur le moteur. Et l’occasion pour moi de prendre mes repaires dans ce nouvel environnement avant de quitter le port. En effet, je n’étais jamais monté sur un voilier avant aujourd’hui.

Pendant une semaine, en attendant que la météo s’améliore, j’aiderai Steve à finir tous les petits travaux du bateau, je ferai notamment toute la peinture intérieure, mais aussi une partie de la coque et du pont à l’extérieur après avoir gratté les points de rouille, ainsi que quelques travaux de menuiserie pour étanchéifier les jointures des fenêtres, les conduits d’aération, et enfin j’aiderai Steve à résoudre ses problèmes informatiques. Pendant ce temps je commence à accumuler des compétences (théoriques) sur le fonctionnement du bateau, des voiles, du moteur, de tous les équipements électriques et électroniques à bord, radios, GPS, sonar, pilote automatique, chargeur solaire et éolienne, ancrage, cartes et boussole, canot de sauvetage, fusées de détresse, etc. etc.

J’apprendrai aussi à utiliser OpenCPN, le logiciel de « planification d’itinéraire » sur l’ordinateur de Steve, très important, qui nous permet de créer un itinéraire virtuel sur la carte maritime de l’Australie en évitant les récifs, les bas-fonds et toutes les zones dangereuses ou non autorisées. Cet itinéraire virtuelle (route) doit ensuite être configuré sur le module GPS pour l’aide à la navigation en temps réel.

chartUne autre compétence « théorique » à maitriser avant de prendre la mer, c’est de savoir lire les cartes météorologiques maritimes (disponibles sur internet), savoir les interpréter et être capable de prendre la bonne décision : quitter le port en toute sécurité ou bien rester à l’abri des vents violents et des vagues qui déchainent la surface de l’océan à quelques kilomètres des cotes. On ne rigole pas avec la sécurité. Savoir comprendre les risques liés à la météo est l’un des points les plus importants en terme de sécurité, pour le bateau et pour ses occupants. Surtout quand le bateau est un petit voilier de plaisance qui n’est pas fait pour la haute mer.

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Les pieds sur le moteur, je passe la première couche de peinture sur le plancher de la cabine de pilotage.

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John, « l’homme qui parle aux pélicans » est l’attraction touristique du village, avec toujours sa mouette sur la tête. Il me prêtera son vélo pour aller visiter l’ile. Au fond de l’image : le « Marquis of Anglesea », mon bateau !

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Le grand départ

Le 3 mai 2012, 2 ans jour pour jour après le début de ce tour du monde, nous prenons enfin la mer. Le destin et la météo en ont décidé ainsi. Quel plus beau cadeau pouvais-je espérer en ce jour d’anniversaire ? Il y a pile un an je traversais le Vietnam en stop avec Adrien, aujourd’hui j’embarque à bord d’un voilier pour une ballade autour de l’Australie… où serais-je dans un an, dans 2 ans…? Une pensée pour Adrien qui aurait surement bien aimé être sur ce voilier avec moi mais dont les plans de voyage ont emmené vers l’Amérique du sud ; Bon anniversaire de « tour du monde » camarade !

Pour ma première sortie en mer sur le voilier un dauphin nous escorte jusqu’à la sortie du port, comme pour mieux marquer l’événement… magnifique. Notre ami dauphin disparait dans les profondeurs pour rejoindre les siens et l’ile s’éloigne petit à petit derrière le bateau, laissant place à une étendue bleue infinie tout autour de nous. Nous nous dirigeons maintenant droit vers un sublime arc-en-ciel que le dernier orage à laissé derrière lui. L’océan nous ouvre ses portes… C’est parti ! Nous avons pris la mer, la mer nous a pris !

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Nous avons mis le cap à l’est, vers Port Fairy à environ 4 jours de navigation. Pour le grand départ nous fonçons vers l’arc-en-ciel, nous tenterons de le rejoindre et de passer en dessous, en vain, pas assez rapide !

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Les premiers jours en mer

Comme nous sommes parti un jour de beau temps nous naviguons avec le soleil, peu de vent et presque pas de vague ; de bonnes conditions pour débuter ce voyage ! A cause du faible vent nous n’allons pas battre un record de vitesse aujourd’hui… mais au moins on avance et le voyage est agréable. Ca commence par une sensation de liberté, d’évasion, de voir les terres disparaitre autour de nous et se retrouver au milieu du Grand Bleu, c’est assez excitant.

Le soleil est chaud est la réverbération sur l’eau est aveuglante. J’ai bien fait de suivre les conseils qui me disaient d’acheter une paire de lunettes de soleil… C’est quasiment indispensable sur le voilier. Mais dès que le vent se lève ou que le soleil se couche alors la température devient très très froide et nous ne restons jamais à l’extérieur du bateau, nous restons au chaud dans la cabine.

Le premier jour Steve m’explique la procédure de « l’homme à la mer », au cas où l’un de nous tomberait à l’eau… Savoir arrêter le bateau, freiner à l’aide du vent et des voiles, faire un demi-tour puis à l’aide du moteur revenir en arrière pour retrouver le naufragé. J’apprendrai aussi à utiliser la radio pour pouvoir contacter les gardes-côte en cas de gros problème, passer un appel de détresse « Mayday, Mayday…« . Des connaissances vitales sur le bateau mais heureusement, nous n’en aurons pas besoin !

Les premières nuits sont une épreuve, même par temps calme le bateau est toujours en mouvement, d’avant en arrière et de droite à gauche, c’est terrible ! Comme prévu le mal de mer est au rendez-vous mais comme je ne suis pas né de la dernière pluie je ne me suis pas laissé surprendre ! Les comprimés contre le mal de mer sont très efficaces (quand la mer est très agitée ou juste avant d’aller dormir) ainsi qu’un petit bout de gingembre cru à chaque repas (censé atténué le mal de mer lui aussi). Le mal de mer c’est comme le mal des transports, mais en pire. Ce qui est bien c’est qu’on le sent arriver, une sensation de mal-être, d’estomac en vrac, de tête lourde et une incroyable envie de ne rien faire, ou plutôt une impossibilité à faire quoi que ce soit. Et puis ca continue par une envie de vomir et des vomissements si vous ne faites rien. Je n’en suis pas arrivé jusque là grâce à mes petits comprimés et, tout comme en voiture il est conseillé de regarder la route au loin, en bateau il faut regarder la mer et l’horizon le plus possible, et essayer de prendre l’air à l’extérieur quand c’est possible.

La toute première nuit sur le bateau (et donc mon premier « tour de garde ») je me sentirai investi d’une énorme responsabilité : surveiller la mer et la trajectoire du bateau pendant 6 heures, pendant que Steve dort. J’ai du mal à en croire mes propres yeux : je me retrouve tout seul au commande d’un voilier, en pleine mer, de nuit, surveillant l’horizon et jouant avec les voiles pour suivre les changement du vent. Au milieu de la nuit, une petite lumière au loin dans la trajectoire du voilier me fera suffisamment peur pour que j’aille réveiller Steve et lui fasse par de la situation. Finalement il n y avait pas de quoi s’alarmer : c’est seulement un cargo qui croise notre trajectoire mais il sera déjà loin avant qu’on arrive et il n’y a aucun risque de collision ! Un cargo comme j’en verrai passer tant d’autres pendant mon voyage, une simple banalité !

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Suite au prochaine article…

–> Lire l’article suivant : « Du voilier-stop en Australie [2/2] »

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avigation mais aussi tous les petits boulots à bord du bateau (cuisine, nettoyage, réparations, etc.). Un voyage qui durera plusieurs semaines

Commentaire(s) (9)

Est-ce que tu peux nous raconter comment tu-as trouvé Steve ? Avait-il publié une annonce ? Où ?

Bon vent !

Steve avait publié des annonces dans plusieurs club de voile en Australie. Mais je l’ai rencontré grace à un forum de voyage sur internet (indirectement) sur lequel je faisais des recherches pour les voiliers vers la Papouasie.

Voilà encore une bien jolie page de ton aventure qui se tourne. Et toujours racontée avec tendresse et poésie. On ne voit pas beaucoup « ton capitaine propriétaire »,(à part une photo). En tout cas, en guise d’occupation, dans ces nombreux moments de creux, la pêche à la ligne aurait, peut-être, été la solution pour vous faire passer le temps…
Et en regardant la vidéo, bien installé dans notre chaise, on apprend aussi, un peu, comment fonctionnent tous ces voiliers.
Très bonne continuation dans ton aventure.

Plus de photos dans l’article suivant ! Et quelques explications pour la pêche aussi.

Oula, moi j’aurai vomi tout partout !!! Dis-donc, tu aurais pas un poil débordé le marron quand tu as peint le plancher ???

Quel sens de l’observation ! Oui j’ai un peu débordé sur les bords, mais avant de commencer la peinture j’avais pris soin de mettre du scotch de protection dans tous les angles, comme ca tu peux passer le pinceau sans te soucier si ca déborde. Une fois la peinture terminée, y a plus qu’à retirer le scotch et c’est parfaitement propre !

Salut Julien, joyeux anniversaire de départ ! Ton article est magnifique. Les petits points techniques sont très intéressants et ton ressenti est très bien décrit, on s’y croirait et ça nous fait rêver ! J’ai aussi adoré ta petite chanson de Renaud ! Tout ça nous montre que ton voyage est toujours plus enrichissant chaque jour. Bonne continuation et merci encore pour tous ces articles. Bon vent.
Guillaume

Salut Julien !

Superbe article, encore une aventure digne d’un roman !! :-)

J’attends la suite et en attendant, bonne continuation dans ta recherche de travail en Australie avant la PNG.

Tchoo !

Je confirme, regarder la mer, c’est une activité amplement suffisante quand on est en mer!

Par contre, n’ayant pas eu le mal de mer, je pouvais lire, regarder des films et cuisiner. Mais cuisiner reste une activité compliquée, surtout jour de gros vent.

Sans pilote automatique, c’est encore plus amusant :-)

Merci Julien pour ce super article. Ici, dans les contrées les plus éloignées de la mer du monde, elle me manque. Et maintenant, j’ai trop envie de retourner sur un bateau.

Décidément, en regardant une fois de plus vos vidéos, je me dis qu’il faudra bien que je m’y mette un jour… mais c’est encore un peu plus de boulot sur l’ordi et de temps « perdu… »…

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